REPORTAGE + ÉMISSION [mars 2015]

19 MARS 1962, ET SI L’ALGÉRIE ETAIT RESTÉE FRANÇAISE ?

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« C’est nous les Africains qui revenons de loin, nous venons des colonies pour défendre le pays » (photo : Charlotte Perry)

Si Jésus était mort à 90 ans, si Napoléon avait gagné à Waterloo, si Hitler n’avait pas été recalé à l’École des Beaux-Arts de Vienne, si le 11 septembre n’avait pas eu lieu…
On appelle ça l’UCHRONIE, ou l’« Histoire avec des si ». Ça se développe de façon fantaisiste ou sérieuse et ça peut permettre d’éclairer l’Histoire autrement. Ainsi, les vieillards de l’OAS qui scandent encore « Algérie française » stigmatisent et maltraitent les Français d’origine algérienne, vivant autour d’eux. C’est donc bien le maintien d’une France coloniale qui est revendiqué. Le vrai slogan est donc "Algérie coloniale française". Voila ce que revendique les revanchards de la "Nostalgérie" L’extraordinaire soulagement du 19 mars 1962 fut suivi d’un temps d’horreurs, de manipulations et de règlements de compte atroces. Les rapatriés et surtout les "Harkis" furent traités avec mépris par la France. Aujourd’hui, souvent manipulés par des lobbies, les votes de leurs descendants sont convoités par la droite et l’extrême droite.
Pour comprendre la guerre d’Algérie, il faut remonter à 1830, à tous les massacres coloniaux, à toute la barbarie génocidaire de cette colonisation, et dont la guerre « sans nom » (1954-1962) est l’épilogue. Ce n’est pas rouvrir les blessures que de connaître cette histoire-là. L’ignorance reste la meilleure arme des démagogues.

Réécoutez notre émission en deux volets des 19 et 20 mars 2015 :

« Robert contre les envahisseurs », un reportage de Gaylord VAN WYMEERSCH du 20 mars 2015

Robert contre les envahisseurs
Là-bas si j’y suis

« Algé-rie fran-çaise ! Algé-rie fran-çaise ! » 53 ans après ils se lèvent tous pour Robert. Faut-il s’inquiéter de ces vieux ultras de bande dessinée et de ce Robert Ménard ancien de Reporters sans frontières devenu le petit führer de Béziers et qu’on croirait sorti d’un dessin de Gotlib ? Robert a une mission, sauver la civilisation. Robert voit des burqas et des talibans partout. La France c’est Kabul. Notre France est envahie, notre France est occupée. L’objectif de Robert, la reconquête de l’Algérie. « Algé-rie fran-çaise ! » Et tout d’abord effacer cette date, 19 mars 1962.

Discours de Robert Ménard le 14 mars 2015 (photo : Charlotte Perry)

En 2014 déjà, c’était devant une stèle érigée à la mémoire de quatre terroristes de l’OAS que le maire de Béziers, élu avec le soutien du Front National, ravivait la « nostalgérie ». Terroristes, oui, ces vieillards revendiquent fièrement leurs actions passées, bombes, enlèvements, tortures, attentats. En mars 2015, Robert remettait ça en effaçant la fin de la guerre d’Algérie de la mémoire de Béziers : finie donc la rue du « 19 mars 1962 », place à la rue Hélie Denoix de Saint Marc, du nom de ce commandant qui prit part au putsch d’Alger en 1961.

Certains nostalgiques de l’Algérie française refusent de reconnaître la date officielle du cessez-le-feu, au nom des nombreuses victimes massacrées après cette date. Au-delà de la querelle mémorielle, Ménard rappelle dans son discours que son combat n’est pas celui d’une autre époque, mais que sa croisade est bien actuelle :

« L’Algérie de notre enfance, l’Algérie de nos aïeux, notre Algérie, ce n’est pas ce que certains veulent nous faire croire. Ce n’est pas ce qu’un Benjamin Stora ne cesse d’écrire. De ceux-là nous ne voulons pas, nous ne voudrons jamais. Ils ont voulu hier l’Algérie algérienne, ils ne veulent pas aujourd’hui de la France française.

Il faut parler aujourd’hui en France d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement. Un chassé-croisé dont l’Histoire a le tragique secret, et dont je redoute que nous ne cessions de mesurer les funestes, les dramatiques conséquences. Aujourd’hui notre pays est face à une crise qui engage son avenir, sa vie, sa survie. Allons-nous abandonner la France ? »

La nouvelle rue "Denoix de Saint Marc" (photo : Charlotte Perry)

Hier pour l’« Algérie française », aujourd’hui pour la « France française », Robert se sert de l’Histoire pour flatter son électorat, et dénoncer toujours plus l’immigration et les musulmans, qui menaceraient la civilisation « judéo-chrétienne ». En évoquant « l’immigration de remplacement », Robert cite son maître à penser, l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, grand ami de l’académicien Alain Finkielkraut et soutien de Marine Le Pen. Avec son combat contre « le grand remplacement » qui lui vaut le soutien admiratif d’Éric Zemmour, Renaud Camus est entré en résistance contre la colonisation des vrais Français de France par les hordes venues du Maghreb et d’Afrique. Robert, lui, a avancé une petit pécule de 25 000 euros pour écrire sur l’histoire de Béziers un livre qui sera offert aux visiteurs.

« Il y a 50 ans, je m’en souviens, nous tapions sur des casseroles en scandant : "Algé-rie fran-çaise ! Algé-rie fran-çaise !" Il faudrait aujourd’hui avec la même ardeur, avec la même détermination dire non à cette France métissée qu’on nous promet, qu’on nous annonce, qu’on nous vante. Dire non à cette France multiculturelle qu’on nous impose. Mais dire oui à une France fière d’elle-même, fière de son Histoire, fière de ses racines judéo-chrétiennes, cette France que nous voulons transmettre intacte à nos enfants.

Vive la France ! Vive la France française ! »

Robert Ménard, le 14 mars 2015

Mais ce samedi du mois de mars 2015 à Béziers, d’autres Pieds-noirs, d’autres harkis étaient venus manifester pour que Robert Ménard ne parle pas en leur nom, et pour dénoncer la relecture et l’instrumentalisation de l’Histoire par l’extrême droite.

Manifestation contre la cérémonie organisée par Robert Ménard (photo : Charlotte Perry)

Merci à Pierre Daum, Jacky Malléa, de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs amis, Jean-François Gavoury et Jean-Philippe Ould Aoudia de l’ANPROMEVO (Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS), et Kader Hamiche.

Programmation musicale :
 L’Algérienne, par Roger Kakandé
 Je vous rends ma médaille, par Michel Ferchaud
 Soixante soixante-deux, par Eddy Mitchell

reportage : Gaylord VAN WYMEERSCH
présentation : Daniel MERMET
réalisation : Franck HADERER
montage : Grégory SALOMONOVITCH
photos : Charlotte PERRY
préparation : Jonathan DUONG

« Robert contre les envahisseurs » (2), une émission du 19 mars 2015

Alerte ! Mobilisation générale, ils arrivent, ils sont là. Ils nous ont expulsés d’Algérie et maintenant ils nous envahissent, c’est la guerre de la civilisation. Jeanne d’Arc aujourd’hui s’appelle Robert Ménard. Le maire de Béziers part en croisade et commence par supprimer la « rue du 19 mars 1962 », qui rappelait la date du cessez-le-feu marquant la fin de la guerre d’Algérie. Inacceptable. Robert se prépare à partir à la reconquête de l’Algérie. Béziers le regrettera, c’est sûr.

Discours de Robert Ménard le 14 mars 2015 à Béziers (photo : Gaylord Van Wymeersch)

LÀ-BAS Hebdo n°09, une émission du 19 mars 2015 avec, autour de Daniel MERMET :

 Fatima BESNACI-LANCOU, de l’association Harkis et Droits de l’Homme

 Jacques PRADEL, de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs amis

 Gilles MANCERON, historien, membre du comité central de la Ligue des Droits de l’Homme

 Jean-François GAVOURY, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS

 Hervé KEMPF

 Didier PORTE qui nous fâche avec tout le monde

Programmation musicale :
 Alger pleure, par Médine
 Parachutistes, par Maxime Le Forestier
 Des problèmes de mémoire, par Rocé et Potzi

présentation : Daniel MERMET
réalisation : Franck HADERER
préparation : Jonathan DUONG

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