Reportage à Béziers

Robert contre les envahisseurs

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« C’est nous les Africains qui revenons de loin, nous venons des colonies pour défendre le pays » (photo : Charlotte Perry)

« Algé-rie fran-çaise ! Algé-rie fran-çaise ! » 53 ans après ils se lèvent tous pour Robert. Faut-il s’inquiéter de ces vieux ultras de bande dessinée et de ce Robert Ménard ancien de Reporters sans frontières devenu le petit führer de Béziers et qu’on croirait sorti d’un dessin de Gotlib ? Robert a une mission, sauver la civilisation. Robert voit des burqas et des talibans partout. La France c’est Kabul. Notre France est envahie, notre France est occupée. L’objectif de Robert, la reconquête de l’Algérie. « Algé-rie fran-çaise ! » Et tout d’abord effacer cette date, 19 mars 1962. L’année dernière déjà, c’était devant une stèle érigée à la mémoire de quatre terroristes de l’OAS que le maire de Béziers, élu avec le soutien du Front National, ravivait la "nostalgérie".
Dieudonné est condamné pour apologie du terrorisme. Il est certainement important que soient condamnées les provocations intéressées de ce personnage public et influent. Robert, lui c’est les terroristes de l’OAS dont il fait l’éloge. Terroristes, oui, ces vieillards revendiquent fièrement leurs actions passées, bombes, enlèvements, tortures, attentats. Et Robert Ménard est une personnalité publique lui aussi et même un élu. Alors ? Faut-il pleurer, faut-il en rire ? Samedi dernier, Robert remet ça en effaçant la fin de la guerre d’Algérie de la mémoire de Béziers : finie donc la rue du « 19 mars 1962 », place à la rue Hélie Denoix de Saint Marc, du nom de ce commandant qui prit part au putsch d’Alger en 1961.
Un reportage de Gaylord VAN WYMEERSCH.

Robert contre les envahisseurs
Là-bas si j’y suis

Certains nostalgiques de l’Algérie française refusent de reconnaître la date officielle du cessez-le-feu, au nom des nombreuses victimes massacrées après cette date. Au-delà de la querelle mémorielle, Ménard rappelle dans son discours que son combat n’est pas celui d’une autre époque, mais que sa croisade est bien actuelle :

« L’Algérie de notre enfance, l’Algérie de nos aïeux, notre Algérie, ce n’est pas ce que certains veulent nous faire croire. Ce n’est pas ce qu’un Benjamin Stora ne cesse d’écrire. De ceux-là nous ne voulons pas, nous ne voudrons jamais. Ils ont voulu hier l’Algérie algérienne, ils ne veulent pas aujourd’hui de la France française.

Il faut parler aujourd’hui en France d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement. Un chassé-croisé dont l’Histoire a le tragique secret, et dont je redoute que nous ne cessions de mesurer les funestes, les dramatiques conséquences. Aujourd’hui notre pays est face à une crise qui engage son avenir, sa vie, sa survie. Allons-nous abandonner la France ? »

Discours de Robert Ménard le 14 mars 2015 (photo : Charlotte Perry)

Hier pour l’"Algérie française", aujourd’hui pour la "France française", Robert se sert de l’Histoire pour flatter son électorat, et dénoncer toujours plus l’immigration et les musulmans, qui menaceraient la civilisation "judéo-chrétienne". En évoquant "l’immigration de remplacement" Robert cite son maitre à penser, l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, grand ami de l’académicien Alain Finkielkraut et soutien de Marine le Pen. Avec son combat contre "le grand remplacement" qui lui vaut le soutien admiratif d’Eric Zemmour, Renaud Camus est entré en résistance contre la colonisation des vrais Français de France par les hordes venues du Maghreb et d’Afrique. Robert lui a avancé une petit pécule de 25 000 euros pour écrire sur l’histoire de Béziers, un livre qui sera offert aux visiteurs. « Il y a 50 ans, je m’en souviens, nous tapions sur des casseroles en scandant : "Algé-rie fran-çaise ! Algé-rie fran-çaise !" Il faudrait aujourd’hui avec la même ardeur, avec la même détermination dire non à cette France métissée qu’on nous promet, qu’on nous annonce, qu’on nous vante. Dire non à cette France multiculturelle qu’on nous impose. Mais dire oui à une France fière d’elle-même, fière de son Histoire, fière de ses racines judéo-chrétiennes, cette France que nous voulons transmettre intacte à nos enfants.
Vive la France ! Vive la France française ! »

Mais samedi à Béziers, d’autres Pieds-noirs, d’autres harkis étaient venus manifester pour que Robert Ménard ne parle pas en leur nom, et pour dénoncer la relecture et l’instrumentalisation de l’Histoire par l’extrême droite.

Manifestation contre la cérémonie organisée par Robert Ménard (photo : Charlotte Perry)

La nouvelle rue "Denoix de Saint Marc" (photo : Charlotte Perry)

Merci à Pierre Daum, Jacky Malléa, de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs amis, Jean-François Gavoury et Jean-Philippe Ould Aoudia de l’ANPROMEVO (Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS), et Kader Hamiche.


Programmation musicale :
 L’Algérienne, par Roger Kakandé
 Je vous rends ma médaille, par Michel Ferchaud
 Soixante soixante-deux, par Eddy Mitchell


À lire :
 Ni valise ni cercueil : les Pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, un livre de Pierre Daum (2012, éditions Actes Sud)
 Le dernier tabou : les "harkis" restés en Algérie après 1962, un livre de Pierre Daum (2015, éditions Actes Sud)

À écouter :
 samedi 28 mars, l’émission Comme un bruit qui court reviendra sur l’histoire du 19 mars 1962 avec un reportage de Charlotte Perry

Et n’oubliez pas que le répondeur attend toujours vos messages au 01 85 08 37 37.

Reportage : Gaylord VAN WYMEERSCH
Présentation : Daniel MERMET
Réalisation : Franck HADERER
Montage : Grégory SALOMONOVITCH
Préparation : Jonathan DUONG

(vous pouvez podcaster cette émission en vous rendant dans la rubrique "Mon compte", en haut à droite de cette page)

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