Il n’y a pas que les infirmières qu’il faut soutenir, il y a aussi les caissières, les postiers, les facteurs, les policiers, les saisonniers, les pompiers, les agents d’entretien et de sécurité, et il y a aussi LES ACTIONNAIRES DU CAC 40 QUI SONT PRIVÉS DE 18 MILLIARDS D’EUROS [1] ! Oui, vous avez bien lu : 18 milliards en moins ! VITE, UNE CAGNOTTE !
Alors que l’état d’urgence sanitaire impose des restrictions énormes sur le plan social, compromettant le droit du travail, on se demande si les grandes entreprises, même celles qui sont spécialement soutenues par l’État (c’est-à-dire avec l’argent public), peuvent distribuer des dividendes à leurs actionnaires. Autrement dit, l’argent public, le nôtre, donné en soutien aux entreprises pour éviter la faillite totale, va-t-il se retrouver dans la poche des rentiers ? On se demande.
Le 24 mars, le ministre Bruno Le Maire a demandé aux grandes entreprises de « faire preuve de la plus grande modération sur le versement des dividendes [2] ». Cool, Bruno, sympa. Puis, sous la pression, il a été plus ferme : « soyez exemplaires. Si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes [3] ». L’humour, bien sûr, c’est dans le « soyez exemplaires » quand il s’adresse aux plus gros requins de la terre… Soyez exemplaires, amis requins…
Mais, dans la crainte du scandale, le ministre se montre plus ferme, dit-on, et les milliardaires commencent à trembler de peur. Enfin, disons, juste un peu. Du coup, l’avocat Christophe Lèguevaques a lancé une « action collective en justice » afin que les entreprises ne versent pas de dividendes aux actionnaires [4]. Il a déposé un recours devant le Conseil d’État. Il s’appuie sur le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales [5] ».
Avril, mai, c’est le joli temps des dividendes, c’est le temps où le rentier s’engraisse en se roulant dans son tas de pognon. Il faut rappeler que la France est le plus généreux verseur de dividendes en Europe. Et cette année, ah, quel triste printemps pour les vampires obèses ! Mais après ? Les spéculateurs aussi préparent le monde d’après. En septembre ? Non ? Alors l’année prochaine ? Les rentiers ont le temps dès lors qu’ils peuvent se gaver sans bouger le petit doigt.
En France, en moyenne, la part des dividendes représente la moitié des bénéfices, au détriment de l’emploi et de l’investissement. La part des dividendes ne cesse de grossir. Les rentiers ont toujours été des parasites, mais aujourd’hui, ils ont pris le pouvoir. Et ils ne font rien, ne produisent rien, ne pensent à rien, ne servent à rien, au moins, les cochons, quand ils sont gros, on les mange.
Il ne faut pas seulement suspendre les dividendes, il ne faut pas seulement limiter les dividendes, il faut les supprimer, afin d’investir tous les bénéfices en salaires, que les entreprises investissent tout dans l’activité, mais pas dans n’importe quoi. C’est là qu’il faut faire des choix et qu’il faut un plan. Les idées ne manquent pas.
Ah, si seulement cette crise pouvait faire comprendre tout ça !