La bataille des retraites est lancée. Un entretien de Jérémie Younes avec Christophe Ramaux

Comment Macron va baisser nos retraites Abonnés

1

Le

Le mois prochain, le gouvernement présentera les grandes lignes de son projet de « réforme » des retraites. Engageons dès aujourd’hui la contre-offensive avec Christophe Ramaux, pour comprendre la nouvelle régression qui s’annonce. La bataille pour les retraites est lancée, et c’est aussi une guerre des idées.

Et maintenant, les retraites ! Après la casse du code du travail et de la SNCF, la suppression des cotisations salariales et de l’impôt de solidarité sur la fortune, la prochaine grande régression sociale que nous propose Emmanuel Macron consiste à « réformer », une nouvelle fois, notre système de retraites. Ou plutôt, à l’affaiblir, afin de préparer l’entrée des compagnies d’assurance privées. Vous savez comment privatiser un service public ? « First, defund it. » (« d’abord, arrêtez de le financer », Noam Chomsky) [1].

Les caisses d’assurance vieillesse constituent un pactole monumental qui échappe encore à l’État et au capital grâce au principe de la cotisation : 320 milliards d’euros, le poste le plus important de la Sécurité sociale. Un budget excédentaire depuis 2016 [2]. Et une véritable réussite sociale, enviée partout dans le monde : en France, le taux de pauvreté chez les retraités est plus de deux fois inférieur à celui de la population globale [3]. Même s’il y a trop de trop petites retraites à cause d’une redistribution inégalitaire, le système fonctionne globalement.

(source : Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse)

Pourquoi alors modifier quelque chose qui fonctionne ? Évidemment, pour saper les bases de la répartition et tenter de faire entrer la capitalisation. « Le patronat ne désarme jamais », nous avait avertis le ministre communiste Ambroise Croizat, l’un des fondateurs de notre système de retraites après guerre. Voici comment le patronat compte procéder cette fois-ci.

La retraite par points

Emmanuel Macron n’en a pas fait mystère lors de sa campagne : il souhaite modifier le mode de calcul des pensions de retraites. Aujourd’hui, les salariés du privé calculent leurs pensions en faisant la moyenne de leurs 25 meilleures années, tandis que ceux du public le font sur les six derniers mois.

Demain, Macron veut remplacer ces modes de calcul par un système unique par points. Toute votre vie, vous cotisez des points, et à la fin de votre carrière, vous soldez votre compte de points : tel nombre de points ouvre le droit à tel niveau de pension de retraite. Une mesure d’apparence technique et indolore, mais qui cache en fait un changement énorme : le « point » n’aura pas de valeur définie, mais celle-ci fluctuera en fonction de la démographie, de la croissance, ou d’autres critères.

En somme, vous ne serez jamais assuré de votre niveau de retraite, même si vous cotisez généreusement toute votre vie. Quelles conséquences ? « Le système par points, ça permet en réalité une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions. [4] ». C’est le candidat François Fillon qui le disait (et on lui sait gré d’avoir été si franc – il faut dire qu’il s’adressait alors au patronat) :

Et que remarque-t-on dans les pays qui ont déjà un système par points, comme la Suède ? Et bien qu’à force de baisser chaque année, les points cotisés ne suffisent plus à assurer une vie digne aux retraités [5]. Dans ces pays, on introduit donc un volet capitalisation obligatoire. Une aubaine pour les assureurs !

Voilà, en deux mots, ce que nous prépare Emmanuel Macron. Et ce n’est pas un dangereux révolutionnaire qui le dit, c’est l’Économiste Atterré Christophe Ramaux, maître de conférences en sciences économiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Christophe Ramaux formule des contre-propositions, avec un mot d’ordre : pour mettre fin à cette casse de la Sécu, cotisons dans la bonne humeur !

Un entretien de Jérémie Younes avec Christophe Ramaux, co-auteur avec les Économistes Atterrés du livre Macron, un mauvais tournant (Les Liens Qui Libèrent, 2018).

Calendrier de la « réforme » des retraites :

  • Décembre 2018 : présentation des conclusions et orientations du projet de loi
  • Juin 2019 : vote de la loi
  • 2025 : la « réforme » n’entrerait en vigueur qu’en 2025 pour laisser le temps de la transition aux caisses d’assurance vieillesse

Abonnez-vous pour accéder à tous nos contenus, c’est très simple !

Depuis 1989 à la radio, Là-bas si j’y suis se développe avec succès aujourd’hui sur le net. En vous abonnant vous soutenez une manière de voir, critique et indépendante. L’information a un prix, celui de se donner les moyens de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre travail. C’est aussi le prix de notre indépendance, pour ne pas être soumis financièrement aux annonceurs, aux subventions publiques ou aux pouvoirs financiers.

Je m'abonne J'offre un abonnement

Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Tout un été Là-bas MOI PRÉSIDENT, JE RÉPONDRAI À CHAQUE FRANÇAIS QUI M’ÉCRIRA ! AbonnésVoir

Le

Hervé Le Tellier, prix Goncourt pour son roman L’Anomalie, est moins connu pour sa correspondance avec plusieurs présidents de la République française. Pourtant, dans Moi et François Mitterrand, il dévoilait sa correspondance secrète avec ce grand homme et révélait l’incroyable vérité sur sa mort. Une vérité que les médias ont totalement occultée, il faut avoir le courage de le dire. Mais il évoquait aussi ses échanges épistolaires avec Jacques Chirac aussi bien qu’avec Nicolas Sarkozy. Tous ces grands chefs d’État ont pris le soin de répondre à Hervé alors qu’il n’était pas encore célèbre mais un simple citoyen. Le (ou la) futur(e) président(e) aura-t-il (elle) la même modestie ? Cette question nous fournit l’occasion de (ré)écouter l’entretien qu’Hervé nous a accordé en 2016. À travers ces échanges épistolaires, c’est une partie mal éclairée de notre histoire qui apparaît en montrant le rapport entre ces grands hommes et un modeste citoyen comme Hervé.

Tchernobyl, c’est notre paradis ! Avec les derniers habitants de la zone interdite Les joyeux fantômes de Tchernobyl Accès libreÉcouter

Le

Elles préféraient rester dans la zone contaminée plutôt que de quitter leur maison. Des centaines de milliers d’habitants furent évacués de gré ou de force dans une zone de 30 km après la catastrophe du 25 avril 1986. Mais ces quelques femmes avaient voulu rester, malgré dénuement et abandon.

Environ 700 irréductibles, les SAMOSELY, survivaient ainsi dans la zone la plus contaminée par la radioactivité dans le monde, 2 600 km2, devenue aujourd’hui un « parc involontaire » où se développent une faune et une flore étranges, avec toujours ces habitants tenaces depuis trente ans. (...)