Stephane Guillon et Didier Porte virés de France Inter, Là-bas si j’y suis s’interroge.

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Chers AMG,
Désolés, mais jamais nous ne pourrons diffuser les centaines de messages que nous avons reçu au sujet de Porte et Guillon, sur le répondeur, par mail, sur le site, par courrier...La plupart disent la même incompréhension, la même colère, le même attachement à France inter (et bien sûr à Là-bas !). Certains sont drôles, certains exagèrent, certains développent des analyses argumentées. Beaucoup voient l’Elysée derrière ces évictions, beaucoup s’en prennent à la direction, beaucoup s’en prennent à la terre entière. Au sujet des « petits tyrans », Sarah cite Machiavel « La meilleure forteresse des tyrans c’est l’inertie des peuples ». Le genre de phrase qui nous donne envie de continuer « Là-bas » en espérant que vous serez encore là à la rentrée. N’oubliez pas que les actionnaires c’est vous ! Un auditeur suggère un sujet sur le financement de Radio France dont l’histoire remonte au programme du Conseil National de Résistance.
Nous reviendrons sur tout cela à partir du 30 août.

Pour tenir jusque-là, et puisque « l ‘humour fait partie de l’ADN de France inter » voici un message adressé par une auditrice qui signe « Marie B. ». Elle n’a pas laissé d’adresse, et nous espérons qu’elle ne nous en voudra pas de vous adresser cette histoire, mais comment résister à l’envie de partager cette petite douceur ?

Y’aura-t-il encore des auditeurs à la rentrée ?

Par Marie B.

C’est la question qui hante France inter. Suite à l’éviction de Didier Porte et de Stéphane Guillon, on ne compte plus les milliers de messages d’auditeurs qui continuent d’arriver pour dire leur colère et jurer qu’ils n’écouteront plus jamais cette radio.

Mais que fait la direction devant cette hémorragie sans précédent ?
Seul, barricadé dans son bureau, le directeur se frotte les mains. Oui, il est ravi, il se sourit à lui-même, tout fier de la mission accomplie. Une mission très claire : faire fuir le plus d’auditeurs possible.

La mise à pied brutale des deux humoristes n’est pas une gaffe stupide, c’est l’exécution d’une feuille de route bien précise. Aux yeux du pouvoir actuel, France inter est un repère de bobos socialistes et d’islamo- gauchiste, c’est surtout et avant tout un bastion de l’anti sarkozysme.

Or, à l’approche des présidentielles pas question de négliger le moindre détail. Il faut restructurer cette antenne « de façon plus objective » selon l’Elysée.
Conseillé par sa compagne Carla Bruni, le Président lui-même a esquissé une nouvelle grille : Jean-Marie Bigard pour la matinale, Serge Dassault pour les banlieues, Alain Finkielkraut et Michel Sardou pour les grandes idées, Etienne Mougeotte pour le rire, Liliane Bettencourt pour parler d’amour...

Un bien beau projet mais de longue haleine. Le temps pressait, et - on l’a vu - les auditeurs n’apprécient guère que l’on change leurs habitudes.

Donc une autre idée s’est imposée. Pour lutter contre la propagande socialo communiste, le moyen le plus efficace c’est de faire baisser l’audience. Mais encore fallait-il trouver celui qui l’appliquerait. Prendre une entreprise en bonne santé et la conduire dans le mur n’est pas à la portée du premier venu. Sauf à trouver quelqu’un de suffisamment incompétent et qui serait prêt à tout pour se voir dans le miroir du pouvoir. C’est ainsi que s’imposa le nom de Philippe Val. C’est, dit-on, Carla Bruni en personne qui suggéra le patron de Charlie hebdo, célèbre pour n’avoir pas hésité en juin 2008, à faire accuser d’antisémitisme le vieux dessinateur Siné dont il voulait se débarrasser. Le tribunal reconnut la complète innocence de Siné et les lecteurs laissèrent tomber ce journal comme un fruit pourri.

Coup double pour Val qui, en un temps record, réussit à perdre à la fois un procès et un journal. Cette prouesse allait lui ouvrir les portes de France Inter. C’est Carla lui annonça la bonne nouvelle.

Pour masquer sa parfaite ignorance de la radio, il eut l’idée de faire appel à son vieil ami Jean-Luc Hees, ancien grand professionnel de la profession retiré dans le bocage normand à cultiver ses tomates, ses choux et son cheval. Contre un bon salaire et une belle auto (avec chauffeur) Hees accepta le job de Président que lui offrit Nicolas Sarkozy sur lequel il avait écrit un livre passé inaperçu. Etait-il à jeun en signant son engagement ? On l’ignore. Le lendemain, une fois dissipées les brumes matinales, il s’aperçut qu’il n’y avait pas de marche arrière ni même de frein dans son contrat. Et il comprit que jusqu’à la fin du film, il porterait le chapeau avec écrit en gros « Sarkozy » dessus. Oui, jusque dans son cercueil, sur son chapeau de cow-boy il y aurait, indélébiles, les sept lettres « Sarkozy ».

L’ordre d’éliminer les auditeurs ne fut jamais formulé par le pouvoir. On savait que ces deux-là ne manqueraient pas la première occasion pour combler les attentes de l’actionnaire Président. On reconnaît les grands professionnels à ce qu’il n’est plus nécessaire de leur donner des ordres. Une petite tape sur le derrière de temps en temps leur suffit, ou une décoration.

En juin 2010, la façon de congédier les deux humoristes les plus populaires du pays et qui assuraient une excellente audience a surpassé toutes les attentes : la brutalité, la mauvaise foi, l’arrogance. Tous les ingrédients pour enrager l’auditeur et le faire fuir vers d’autres radios, Europe 1 par exemple, la radio de l’ami Lagardère.

« Barrez-vous, tas de cons ! Barrez-vous ! » répétait tout seul le directeur enfermé dans son bureau en voyant sur l’écran le nombre de messages et de signatures au bas des pétitions. Certes, pensait-il, il reste des émissions auxquelles les auditeurs sont attachés. Il faudra les déplacer à des horaires confidentiels, les gommer de la une du site de la chaîne, leur refuser toute promotion... Et puis, après tout, pourquoi France inter échapperait au sort de tous les Services Publics ? Nous sommes dans une époque de rigueur et de réduction des coûts. Il y a là des économies à faire et des bouches à faire taire.

Mais voilà qu’il est interrompu par la rumeur d’une manif sous ses fenêtres. Entre les lamelles du store il aperçoit sur le parking de la maison de la radio, la foule des auditeurs venus protester contre la mise à pied des deux chroniqueurs à l’appel de l’intersyndicale. Il les entend faire rire la foule en promettant du goudron et des plumes pour la direction, c’est-à-dire lui-même ! Et là, seul dans son bureau, il glousse de plaisir. Se faire haïr par une foule d’imbéciles est une rare jouissance pour un esthète.

Il sent son portable vibrer dans sa poche. C’est un message de félicitation, signé Nicolas. Il pense que c’est son ami Nicolas Demorand, l’animateur vedette de la chaîne, qui le félicite d’avoir viré Didier Porte. On se souvient en effet comment Demorand, sur Canal+, le 5 juin, avait condamné Didier Porte et approuvé son renvoi.

Mais non, le message est signé « Nicolas S. »

S. comme ... heu...

Le directeur ressent comme une bouffée de chaleur, il lui semble même éprouver une légère érection.

Malgré le tremblement de sa main, il parvient enfin à lire le message :

« Cass’toi pauv’con ! t’ es viré ! »

Marie B.
La-bas.org
3 Juillet 2010

P.S.
Il ne faudrait pas que cette histoire de Marie B. vous prive du bonheur de profiter de cet été pour vous régaler les oreilles avec quelques émissions de la saison 2009-2010.

Comment Monsieur Kagamé s’est mis à bégayer
Ce que la Burqa voile
Le corbeau et la cigale
Les carences de Monsieur Hulot
Les vieux
Le Fado
Hommage à Howard Zinn
Hommage à Daniel Bensaïd
Honduras, une résistance héroïque
Botul n’existe pas, je l’ai rencontré
Et si on fermait la Bourse ? (avec Fredéric Lordon)
La mémoire de la mer
Hommage à Jean Ferrat
Cassandra
Deux millions huit cent mille pigeons
Paul Carpita
L’assemblée des actionnaires
Okinawa, une mémoire suicidée
Fighting solves everything
Pour une éducation populaire avec Frank Lepage
L’enjeu des retraites avec Bernard Friot

etc...

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

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« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.