Jamais il ne l’a caché dans sa poche. Ses origines sans doute, une famille de paysans dans le Vercors, terre de résistance. Résistance, c’est le mot qui résume sa vie, les 80 années de sa vie de journaliste consacrée aux luttes sociales, aux précaires, aux oubliés, aux prolos à travers ses reportages et ses documentaires dont il venait parler à Là-bas. Engagé, généreux, précis, mais vivant aussi. Le contraire d’un révolutionnaire de papier. « Après ça, on va casser la croûte », disait Marcel en arrivant. On avait beau casser la croûte longuement, on n’arrivait pas au bout de ses récits de reportage, de galères, de ruses, de rigolades, de colères, d’émotions et de bagarres avec le pouvoir, avec tous les pouvoirs.
En 1965, il intègre l’équipe de « Cinq colonnes à la une », le grand magazine de l’ORTF. Un hasard incroyable. L’équipe de l’émission était venue faire un reportage dans la ferme familiale, c’est là qu’il fait connaissance avec Pierre Desgraupes, l’un des patrons du magazine. Il passe le voir à Paris et il est engagé comme stagiaire. Il a 25 ans, et beaucoup plus de convictions que de compétences. Les convictions, c’est le parti communiste, les compétences suivront. Il restera fidèle au parti même lorsqu’il l’aura quitté. De même qu’il restera fidèle au service public. Il faisait le rapprochement.
À la fin de son parcours, il a raconté comment ça se passait à l’intérieur du parti, les grands aveuglements et les belles espérances. Il a aussi raconté comment ça se passait à l’intérieur de l’ORTF, la grande voix de la France et les belles dissidences [1]. Oui, des dissidences, malgré le contrôle et la censure du pouvoir gaulliste qui n’osait pas supprimer « Cinq colonnes » à cause de la popularité de l’émission. Mais il y avait des limites. Exemple en 1967, son reportage sur le 1er Mai à Saint-Nazaire réalisé avec Hubert Knapp. Au bout de deux mois de grève, les 3 200 dockers des chantiers de l’Atlantique ont emporté la victoire. Muguet, casquettes, accordéon. Un chef d’œuvre de 24 minutes qui sera interdit par la direction et le gouvernement. Il montre qu’ un an avant Mai 68, la France bouillonnait déja. Après Mai 68, fini Cinq colonnes à la une, les journalistes contestataires sont massivement licenciés et bien sûr, Marcel est dans la charrette.
Lorraine Cœur d’Acier
Un autre épisode à la mémoire de Marcel
En 1979, la destruction de la sidérurgie en Lorraine entraîne une immense catastrophe sociale. En soutien à la lutte à Longwy, la CGT installe une radio pirate, Lorraine Cœur d’Acier. Afin d’éviter l’amateurisme des bénévoles, il est fait appel à deux journalistes professionnels, Jacques Dupont et Marcel Trillat, qui vont réussir à encadrer cette radio tout en laissant la parole aux protagonistes de la lutte tout comme aux habitants. Des débats, des témoignages, des récits, la radio est un succès mais qui ne plaît pas à l’encadrement cégétiste. Jacques Dupont et Marcel Trillat se font virer au cours de l’été 1980. La CGT reprend les choses en main, mais sans succès, l’aventure s’achève en 1981. Trop tard, l’émission devient une légende. Essais, reportages, films, pièces de théâtre, depuis quarante ans, l’aventure de cette radio passionne toujours.
Voici deux émissions de Là-bas :