L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme légalisant le boycott comme un droit citoyen radicalise les dirigeants sionistes. Si l’avocat Marc Bensimhon appelle l’État français à faire un recours, le président du CRIF Midi-Pyrénées incite, lui, ses troupes à la violence contre les militants de la campagne BDS. Le nouveau ministre de l’Intérieur sévira-t-il ?
Créé pendant la Seconde guerre mondiale, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a pour objet social de « défendre les droits et intérêts de la communauté juive de France ».
Depuis longtemps, une autre mission s’est substituée à celle-ci. Roger Cukierman, Richard Prasquier et Francis Kalifat ont transformé le CRIF en ambassade bis de l’État d’Israël. Devenu une officine de propagande, il défend inconditionnellement la politique de la droite et de l’extrême droite israéliennes.
Benyamin Netanyahou prétend annexer la moitié de la Cisjordanie, au mépris du droit international, des résolutions de l’ONU et de l’opinion de la quasi totalité des États du monde entier ? Kalifat se tait.
Le Premier ministre israélien flirte avec ses homologues d’Europe centrale, pourtant négationnistes et souvent même antisémites ? Kalifat se tait.
La nouvelle loi fondamentale stipule que « seul le peuple juif a droit à l’autodétermination en Israël » (article 1) ? Kalifat se tait.
La police israélienne assassine des jeunes Palestiniens, y compris un autiste, et laisse dissimuler les vidéos filmant cet assassinat ? Kalifat se tait. Etc.
De quoi parle Kalifat ? Jour après jour, la newsletter du CRIF dénonce l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme qui, le 11 juin, a reconnu le boycott comme un droit citoyen faisant partie de la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme et, sur cette base, condamné la France pour avoir réprimé des militants de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS) [1].
Il est vrai que cette décision constitue une défaite cinglante pour le CRIF et ses amis, après des années de pressions pour imposer la criminalisation du boycott.
L’avocat Marc Bensimhon, interviewé par le CRIF le 1er juillet, le reconnaît sans ambages : « c’est un message tout à fait catastrophique qui est donné. Désormais, chacun peut librement faire son appel public au boycott, sans être inquiété » [2]. Certes, prétend-il faussement, « l’appel public au boycott est un délit pénal en France ». Reste que « cet arrêt accorde aussi au BDS une légitimité totale d’action sur le sol français, avec les dégâts sécuritaires que l’on ne connaît que trop bien. »
L’avocat dit espérer convaincre l’État français de faire un recours devant la Grande Chambre de la CEDH pour réformer cet arrêt. Quand bien même il le ferait, comme Kalifat le lui a officiellement demandé, les chances de succès semblent des plus minces, a fortiori s’agissant d’un avis adopté à l‘unanimité des juges.
Mais le CRIF, comme toujours, a deux visages. Celui, légaliste, de l’avocat Marc Bensimhon. Et celui, violent, du président du CRIF Midi-Pyrénées, Franck Touboul : le préfet ayant refusé de s’en prendre au collectif « Palestine vaincra » de Toulouse, celui-ci n’ayant pas troublé l’ordre public, Touboul, interviewé par La Dépêche du Midi et repris par le CRIF, lance : « faut-il attendre que je laisse intervenir des militants de ma communauté pour démonter leur stand et ainsi caractériser le trouble à l’ordre public ? [3] » Et d’ajouter : « pourquoi nous les juifs on serait toujours les bons élèves ? Par leur attitude les pouvoirs publics donnent une prime à la violence. Aujourd’hui nos membres sont suffisamment remontés pour arrêter de se laisser marcher dessus. [4] »
Rien de vraiment surprenant. La droite au pouvoir en Israël entraîne le pays dans une inquiétante fascisation, dénoncée comme telle par l’ancien ministre Ehud Olmert. Et, naturellement, à Paris, la voix de son maître, le CRIF, tolère en son sein des comportements également fascisants, comme cette incitation à la violence. Au nom des juifs ! Si Touboul voulait susciter des réactions antisémites, il ne s’y prendrait pas autrement…
Faut-il le dire ? Ces menaces de Franck Touboul, qu’il a répétées à la radio juive toulousaine Kol Aviv, tombent d’évidence sous le coup des lois françaises. Les incitations à la violence, même sionistes, n’ont pas leur place dans la République. Voilà une bonne occasion pour le nouveau ministre de l’Intérieur de sévir contre un dangereux agitateur et contre la newsletter qui relaie ses menaces.