Je suis un combattant, je ne suis pas un criminel
Georges Ibrahim Abdallah est enfin libre au bout de 40 années d’emprisonnement. Une joie pour celles et ceux qui le soutiennent depuis des années et qui n’ont pas cessé de dénoncer cet énorme scandale politique.
À 74 ans, le plus ancien prisonnier politique d’Europe, libérable depuis la fin des années 1990, va quitter la prison de Lannemezan pour rejoindre en héros son village natal de Kobayat au nord du Liban. Au terme d’un interminable combat judiciaire, après qu’une dizaine de demandes de remise en liberté aient échoué, la cour d’appel de Paris a enfin accepté sa libération ce jeudi 17 juillet. Une victoire judiciaire et un énorme scandale politique sous les pressions inlassables à la fois des États-Unis et de tous les présidents français successifs.
Cofondateur des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises), une organisation marxiste pro-palestinienne qui entend réagir à l’invasion du Sud-Liban par l’armée israélienne en 1978, Georges Ibrahim Abdallah applique la décision de porter la lutte en dehors du Liban, en France notamment. En 1987, il est condamné par la justice antiterroriste française pour complicité dans l’assassinat de deux « diplomates » (ou plutôt des espions ?), l’un israélien, l’autre américain en 1982.
Libérable à partir de 1999, il va être maintenu en détention en raison essentiellement de la pression américaine. Un exemple : en 2015, un document du gouvernement américain publié par WikiLeaks révèle un appel téléphonique en janvier 2013 de Hilary Clinton, alors secrétaire d’État, à son homologue français Laurent Fabius lui demandant de « trouver un autre fondement pour contester la légalité de la décision » visant à la libération de Georges Ibrahim Abdallah. En bon petit caniche, la France a fait ce qu’il fallait.
Pour le monde politique et médiatique mainstream, cette histoire est depuis longtemps classée dans le dossier extrême gauche et terrorisme. Époque révolue avec encore son maigre cortège de militants inoffensifs. On ne se mouille pas trop avec cette histoire ancienne. Sauf qu’il s’agit avant tout d’un énorme scandale politique qui met en cause le monde de la justice en France et tous les gouvernements qui se sont succédé en toute lâcheté et en toute soumission aux diktats américains.
D’Auguste Blanqui à Nelson Mandela, de la résistance française aux luttes anti-coloniales, il n’y a souvent qu’un pas de salaud-de-terroriste à héros-de-la-résistance. L’inverse est vrai aussi, combien de héros superbes sont devenus des tyrans obèses ? Georges Ibrahim Abdallah n’a jamais désavoué ces attentats. Il a toujours refusé d’exprimer des regrets. Ce seul mot, un seul mot de sa part, « regret », lui aurait rendu la liberté. Il est resté fidèle à son engagement : « je suis un combattant, je ne suis pas un criminel ».
Au moment où des criminels de masse continuent de massacrer les enfants de Gaza, on comprend les causes du combat de Georges Ibrahim Abdallah et surtout, avant tout, les raisons de le poursuivre dans la situation actuelle.
P.-S. Un bref résumé proposé par nos confrères de L’Humanité
P.-P.-S. En attendant le film de Pierre Carles Who wants Georges Ibrahim Abdallah in jail ?, prenez le temps de voir Fedayin, le combat de Georges Abdallah (1h20). Film sorti en 2021 qui raconte le parcours et les raisons historiques du combat de Georges Ibrahim Abdallah et de la résistance palestinienne. Particulièrement éclairant alors que le génocide continue sous nos yeux avec le soutien des États-Unis, la complicité de la France et de son aile la plus réactionnaire.