Depuis l’annonce du plan de licenciement de General Electric le 28 mai dernier, qui prévoit 1 055 suppressions d’emploi à Belfort, trois salariés sont décédés, deux par infarctus et un autre d’un accident vasculaire cérébral. Les CSSCT (Commissions santé, sécurité et conditions de travail) de General Electric ont déposé ce vendredi 19 juillet un avis destiné à l’employeur « sur la constatation d’une situation de danger grave et imminent », que Là-bas si j’y suis a pu consulter.
Trois salariés morts en trois semaines consécutives. C’est le chiffre terrible que l’on découvre sur cet « avis de danger grave et imminent » transmis ce matin à la direction de General Electric : deux ouvriers, de 48 et 58 ans, et un ingénieur de 51 ans. Ces décès, tous trois survenus dans le cadre privé, en dehors du lieu de travail, ont-ils un lien avec la situation sociale délétère provoquée par l’annonce du plan social ? C’est la question que se posent légitimement les syndicats de General Electric.
Comme l’indique l’avis que nous avons pu consulter, les médecins de l’entreprise s’inquiétaient dès octobre 2017 par courrier de « l’état préoccupant des salariés en matière de Risques Psychosociaux ». Le rapport rédigé à la suite de ces alertes en novembre 2018 indiquait en page 63 que la question de la « sécurité de l’emploi », du « sentiment d’insécurité socioéconomique » et de l’« avenir » était « un facteur de tension important, et fortement anxiogène ».
Le dépôt aujourd’hui de ce signalement d’un « danger grave et imminent » oblige la direction de General Electric à déclencher une enquête pour déterminer si ces morts ont un lien avec la situation professionnelle. En cas de désaccord sur les conclusions de cette enquête, c’est l’inspection du travail qui sera chargée d’examiner les cas.
Il est toujours délicat (et long) d’établir un lien direct et scientifique entre une mort dans le cadre privé et une situation professionnelle – bien qu’un très sérieux chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) estime le nombre de morts liés directement au chômage entre 10 000 et 14 000 par an [1]. Mais pour les salariés de General Electric, cette surmortalité soudaine et contingente à cette période difficile ne doit rien au hasard. Sous couvert d’anonymat, un travailleur de Belfort nous lâche : « des ouvriers qui claquent trop jeunes, on en a déjà eus. Mais normalement, c’est tous les trois ans, là, ça fait trois en trois semaines ! »