On y est ! En plein dans le bocage nantais, en plein dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il fait beau, c’est dimanche et ils sont des centaines tout contents, les pieds dans la gadoue et les yeux grand ouverts sur cette énorme charpente qu’ils sont en train de dresser pour célébrer le troisième anniversaire de la victoire contre le projet d’aéroport, à Notre-Dame-des-Landes.
Souvenez-vous. Le 17 janvier 2018, le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, annonçait l’abandon du projet, suivi d’une véritable opération militaire pour déloger la ZAD, expulser ses habitants et détruire leur expérience de vie en commun. Plusieurs milliers de gendarmes mobiles appuyés par trois blindés, des hélicoptères et des drones. La victoire de la ZAD a été d’autant plus belle, historique même.
Mais passée l’effervescence, il a fallu s’organiser pour gérer la suite. Et des tensions, des oppositions ont secoué le collectif de la ZAD. Fallait-il continuer d’occuper illégalement les terres ? Fallait-il tout brûler et partir avec le panache du vainqueur ? Ou fallait-il négocier avec les institutions pour rester ?
Autant de questions qui ont provoqué un schisme : les uns ont choisi le compromis, pour les autres, c’était la compromission et ils sont partis. Aujourd’hui, environ 150 sont restés, répartis sur les 400 hectares de la ZAD. Est-ce qu’ils arrivent toujours à défendre leur mode vie alternatif ? Est-ce que la ZAD est toujours un grand laboratoire utopique à ciel ouvert ?
Mais la question de fond, c’est la question du foncier : que vont devenir les terres de la ZAD ? Et là, on a en tête le cas du Larzac, ce grand mouvement de lutte contre l’extension d’un camp militaire. Le projet des autorités était de faire passer ce camp de 3 500 hectares à près de 15 000 hectares. 103 paysans locaux ont levé le poing contre ce projet, et après 10 ans de lutte et l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981, ces paysans et leurs soutiens gagnent le combat.
Se pose alors la question des terres. Cas unique en France, une société civile des terres du Larzac voit le jour en 1985, et gère les 6 300 hectares de terres récupérés suite à l’abandon de l’extension du camp militaire. Cette toute nouvelle structure collective pour la gestion agricole bénéficie d’un bail emphytéotique, c’est-à-dire un contrat de location dont la durée est extrêmement longue. 99 ans pour le cas du Larzac. Mais aujourd’hui, les autorités refusent aux habitants de la ZAD tout projet collectif de gestion agricole. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de signer un bail agricole individuel.
Et le collectif dans tout ça ? Les habitants de la ZAD ont finalement pris le risque de faire un « pari commun ». C’est vrai, chaque projet est adossé à un bail agricole individuel, pour eux, c’était la seule issue pour préserver leur bout de bocage et en faire un bien commun. Pour ça, leur grand projet, c’est de racheter les terres grâce à un fonds de dotation appelé « la terre en commun ». Mais le département, pour l’instant, n’est pas vendeur. Alors ils espèrent et ils attendent. Pour la petite histoire, cet outil juridique est né sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Grâce à ce fonds, un peu plus de 800 000 euros ont été récoltés. Entre la catastrophe climatique et la panique pandémique, il se pourrait bien que ces alternatives ressemblent un jour prochain à un point lumineux tout au bout d’un tunnel.
Programmation musicale :
– Aglaée : Chant pour la ZAD