« On occupe l’usine jour et nuit pour empêcher notre patron de péter les machines ! » En quelques mots, Axel Peronczyk a tout résumé du drame absurde et violent qui se joue dans un petit coin de France oublié de nos dirigeants politiques et des grands médias.
On est à Gerzat, commune de 10 000 habitants, tout près de Clermont-Ferrand. Ici, fin 2018, les dirigeants anglais ont décidé de fermer une usine historique, Luxfer, fabricant de bonbonnes à gaz pour les pompiers et les hôpitaux. 136 salariés sont sur le carreau, mais la lente désindustrialisation du pays ne se fait pas sans résistance. Depuis trois semaines, l’usine est occupée nuit et jour par les ouvriers qui protègent leur outil de travail : « Ici c’est chez nous ! »
À Gerzat, un reportage de Dillah Teibi et Aurélie Martin :
Axel, jeune délégué du personnel de 26 ans, refuse de parler au passé de cette usine de pointe dont les carnets de commandes étaient pleins, et qui faisait un chiffre d’affaires record de 30 millions d’euros l’année où ses dirigeants anglais ont décidé de la fermer. C’était un matin de novembre 2018.
Depuis, avec ses collègues, Axel Peronczyk mène une véritable guerre de tranchée contre cet ultralibéralisme autoritaire et absurde.
Malgré des bénéfices records et l’argent du CICE (environ 250 000 euros par an), les dirigeants anglais de Luxfer ont justifié les licenciements économiques sous prétexte de compétitivité, une possibilité introduite dans la « loi travail » de 2016 [1].
Les autorités françaises n’ont pas empêché le licenciement de 126 salariés sur 136 en juin 2019. A peine 15% des 126 ont retrouvé un emploi et encore, la moitié sont des emplois précaires.
Aujourd’hui, les 10 salariés restants sont des salariés protégés du fait de leur mandat syndical, comme Axel.
Et, bien que le groupe anglais compte les mettre à la porte eux aussi, ces 10 salariés occupent l’usine avec leurs anciens collègues car leur combat est double. Oui, les licenciés ont rejoint leurs 10 camarades et bloquent jour et nuit l’accès au site contre les destructeurs. D’abord, ils veulent faire reconnaitre l’invalidité du licenciement économique, tout comme ont réussi à la faire nos amis GM&S. Mais surtout, ils veulent faire repartir les machines et la production notamment des bonbonnes pour appareils respiratoires [2] dont les pompiers et les hôpitaux ont toujours besoin.
Loin d’être résignés, les Luxfer espèrent la création d’une coopérative ouvrière ou l’arrivée d’un repreneur industriel.