Contre « ces mythes dont les Français ont besoin », le documentaire interdit pendant dix ans à la télé française

LE CHAGRIN ET LA PITIÉ. À quoi ressemblait la France au temps de l’« affiche rouge » ?

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Après la guerre, toute la France avait été résistante. Que ce soit la résistance communiste avec son « parti des fusillés » ou la résistance gaulliste encore plus héroïque. Oui, la France avait abattu la bête. La France de Vichy était le bouclier qui avait permis à de Gaulle d’avancer son épée salvatrice. Résistants et compagnons de la Libération se partageaient honneurs et pouvoirs. Les plus jeunes, jaloux de ne pas avoir vécu ces temps exaltants, se rattrapèrent en mai 1968.

Cette drôle de grande secousse amena des points d’interrogations. LE CHAGRIN ET LA PITIÉ fut un choc énorme et révélateur. Le beau miroir que l’histoire tendait à la France s’est soudain brisé et le balancier est parti dans l’autre sens. Il y avait des trous dans la raquette héroïque.

Tourné en 1969 à Clermont-Ferrand, le documentaire de Marcel Ophüls dure 4 heures. Co-produit par l’Allemagne, la Suisse et la France, il est initialement destiné à la télévision. Les téléspectateurs allemands et suisses le découvriront sur leur petit écran. Mais en France, le film sera interdit de diffusion télé pendant dix ans. Le président de l’ORTF, Arthur Conte, estimant que « le film détruit les mythes dont les Français ont encore besoin ». La question fut posée à de Gaulle. Faut-il montrer ce film qui dit la vérité aux Français ? De Gaulle aurait répondu : « les Français n’ont pas besoin de vérité, ils ont besoin d’espoir ».

Le film sort finalement à Paris en 1971 dans une petite salle du Quartier latin. Un succès fou, des queues interminables. Il restera pendant 87 semaines, et ne sera diffusé à la télévision que dix ans plus tard, en 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Énorme succès d’audience.

Alors que Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon, il est utile de comprendre à quoi ressemblait la France en ce temps-là, pour combattre aussi les baratins révisionnistes d’un Zemmour.

Publiée en 1973, LA FRANCE DE VICHY, de l’historien américain Robert Paxton, devenu la référence pour cette époque, accrédite souvent le travail plus subjectif du documentaire de Marcel Ophüls.

L.B.

Nous vous proposons le film en deux parties : la deuxième partie se lancera automatiquement à la fin de la première.

Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié
Documentaire l France l Allemagne l Suisse l 1971 l 4h09

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