ARCHIVE. Le jour où nous sommes tous devenus Américains [PODCAST]

LE 11-SEPTEMBRE A 20 ANS

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Le 11 septembre 2001, il y a 20 ans, nous sommes tous devenus Américains. Ce fut un cri d’amour poussé par Jean-Marie Colombani, le directeur du Monde, dans son éditorial « Nous sommes tous Américains », aussitôt après l’attentat [1].

Un cri d’amour suivi d’un déchaînement de compassion médiatique et d’une longue traînée de surenchère émotionnelle. Mais une question se posait, tout de même : pourquoi ? Chercher à y répondre, chercher des raisons à cette folie vous exposait au pire soupçon. Chercher à expliquer, c’est chercher à excuser et vous voilà repeint en allié objectif de Ben Laden. On préféra le soupir au soupçon et le silence des minutes de silence. Pour écarter tout risque, la diffusion de LÀ-BAS fut suspendue durant une semaine par le directeur de France Inter, Jean-Luc Hees, afin de laisser toute la place à l’info, la vraie.

Nous en avons profité, puisque nous étions tous Américains, pour rencontrer des Américains. Nous ne sommes sans doute pas tombés sur les bons, car celles et ceux que nous avons rencontrés, bouleversés et sous le choc, se demandaient quand même « pourquoi ». Oui, pourquoi ? À cette question, depuis vingt ans, la réponse est la même. Le 11-Septembre, c’est la lutte de la barbarie contre la démocratie, c’est la lutte du « mal » contre le « bien ».

Vingt ans après, cette émission modeste (et géniale) du 17 septembre 2001 est toujours aussi dissidente. Les voix rencontrées par Thierry Scharf et les messages des auditeurs sur le répondeur cherchaient plutôt des causes du côté des méfaits de l’impérialisme américain, comme on disait encore. Du Vietnam au Moyen Orient, de l’Indonésie à l’Amérique latine, à commencer par un autre 11 septembre : le 11 septembre 1973 au Chili, le coup d’État militaire contre le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende par la général Augusto Pinochet – activement soutenu par les États-Unis. Beaucoup d’Américains partagèrent ce regard, une terreur contre une autre terreur.

Dans cette vision de l’histoire, les victimes du World Trade Center deviennent des victimes de ce même impérialisme américain, des victimes dans le cortège de toutes les autres. C’est un point de vue partagé par certaines familles de victimes que nous avons rencontrées plus tard à New York. Le malheur dans cette guerre asymétrique reste que l’adversaire est une organisation fasciste et obscurantiste au service des intérêts les plus glacés. Et c’est l’autre vision qui a dominé, celle de la guerre du « bien » contre le « mal ». Aujourd’hui, vingt ans après, la défaite américaine en Afghanistan, le retour des talibans, l’horreur de Guantánamo – sans parler de l’Irak et de ses suites – marquent la faillite pathétique de cette politique.

Sommes-nous toujours aussi Américains ?

D.M.

Un reportage de Thierry Scharf diffusé la première fois sur France Inter le 17 septembre 2001.

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

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