Un reportage de Sophie Simonot

Je m’appelle Amadora, je suis Rom, j’ai douze ans Abonnés

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[EXTRAIT] Je m’appelle Amadora, je suis Rom, j’ai douze ans

(photo : Benjamin Chelly)

Et elle éclate de rire. Pourtant il n’y a pas de quoi. En France, les Roms sont de loin les plus rejetés, oui mais on ne peut pas se dire toute la journée qu’on est une victime. Pour tenir, il faut résister. Éclater de rire, c’est résister.

Arrivée en France avec sa famille à l’âge de quatre ans, Amadora a vite appris le français et elle le parle parfaitement. Toute petite, elle est devenue l’interprète de tout le campement. Avec les flics, avec le médecin, avec l’assistante sociale, c’est comme ça qu’elle découvre la vie. Elle discute le prix des matelas que son père ramasse dans la rue, elle traduit sa mère qui dit qu’« en France, même les poubelles, tu peux en vivre, c’est comme un magasin ». La journaliste Dominique Simonnot est devenue sa grande copine. Ça a fini par donner ce livre unique sur l’histoire d’une famille Rom en France [1]. On se lamente, on ruse, on en bave, on rigole du même rire qu’on a en voyant Charlot sucer les clous de ses chaussures comme si la misère était un festin.

(photo : Sophie Simonot)

Des voleurs qui ne veulent pas s’intégrer, qui profitent des prestations sociales en faisant les victimes dans leur bidonville. Sarkozy, Guéant, Valls se sont surpassés dans la démagogie électoraliste en stigmatisant les Roms. Oui, on peut parler ici d’un racisme d’État qui encourage le racisme ordinaire. 11 039 Roms ont été évacués de force de leur campement en 2017, une augmentation de 12 % par rapport à 2016 [2].

Dans son 27ème rapport annuel, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme note une certaine baisse du rejet des Roms depuis janvier 2015 : « la tendance tend néanmoins lentement à s’inverser » [3]. Résultat des politiques locales d’intégration et du travail des associations selon les enquêtes. Il faudra bientôt leur trouver des remplaçants sur le podium de la haine ordinaire.

Dominique Simonnot et Amadora (photo : Jérôme Panconi)

Programmation musicale :
- La Manouche : Djelem Djelem
- Francis Lemarque : Paris se regarde
- Chants enregistrés en Roumanie pendant la série de reportages « Tsiganes de Roumanie », Là-bas si j’y suis, décembre 1997
- Urs Karpatz : Aï ghele roma (Voyage tsigane / Gypsy Travel)

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reportage : Sophie Simonot
réalisation : Sylvain Richard

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Notes

[1Dominique Simonnot, Amadora. Une enfance tzigane, Le Seuil, 2018.

[2« Les expulsions de Roms en augmentation de 12 % en 2017 », Le Monde.fr avec l’AFP, 06 février 2018.

[3Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, « Les Essentiels du Rapport sur la lutte contre le racisme 2017 », 22 mars 2018.

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Dans les livres

  • Amadora

    C’est un livre à deux voix. Celle d’Amadora, une jeune Tzigane de Roumanie qui raconte avec ses mots d’enfant son quotidien en Seine Saint-Denis où elle est arrivée à l’âge de 4 ans. Celle de l’auteure, journaliste au Canard Enchainé qui décrit avec tendresse et émotion, la vie de cette famille Rom en France. C’est drôle, triste, malicieux, effroyable. Comme un double journal de bord qui explose les a priori et les poncifs stigmatisant cette communauté, on découvre un monde où la survie et l’amour sont les moteurs de ce couple et leurs deux enfants pour qui les lendemains ne sont jamais acquis. Amadora, vous l’aimerez sûrement, celle qui adore l’école, ses parents et son petit frère, qui est la seule de la famille Linguar à savoir lire, écrire et parler français, qui discute avec les policiers et l’assistante sociale, accompagne les adultes à l’hôpital et négocie le prix des matelas que son père ramasse dans… Lire la suite

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On ne remerciera jamais assez le cancer et Jésus.

Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.