19 mars 1962 : cessez-le-feu en Algérie, il y a 60 ans

ILS EURENT VINGT ANS DANS LES AURÈS (3/3) 19 Mars 1962. 60 ans après, Macron et son clientélisme mémoriel électoraliste

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En France pour ceux qui avaient 20 ans il y a 60 ans, le cessez-le-feu du 19 mars 1962, fut une fête. Finie la peur d’être « appelé », une peur qui a marqué la prise de conscience politique de toute une génération, dont il faut saluer les insoumis et les déserteurs. Mais cette date marquait aussi le début d’une série de règlements de compte, de massacres et d’exodes, les « cent jours de l’horreur » suivis d’années de silences, de refoulement et d’amnisties arbitraires.

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[RADIO] Ils eurent 20 ans dans les Aurès (3/3)

Il fallut attendre 1999 pour que ces « évènements d’Algérie » soient reconnus comme une guerre qui a duré huit ans, de 1954 à 1962. En vérité c’est une guerre qui a duré 132 ans, depuis la conquête coloniale de 1830. Il faut remonter à cette date pour suivre la longue trainée de sang du glorieux colonialisme à la française. Il faut voir les peintures d’Horace Vernet qui célébrait officiellement les massacres. Il faut évoquer le général Bugeaud ( qui fait l’admiration d’Eric Zemmour !) rendu célèbre par des opérations de terre brûlée et par ces fameuses "enfumades" des grottes où les habitants se réfugiaient, hommes , femmes et enfants.

« Le but disait Bugeaud, n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, […] de jouir de leurs champs […]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes […], ou bien exterminez-les jusqu’au dernier. »
« Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Fumez-les à outrance comme des renards. »

Rares furent en France les opposants à ce colonialisme, bien au contraire, c’était la grandeur de notre mission civilisatrice qui était chantée par les écoliers. C’était surtout une exploitation féroce des « indigènes » et des ressources du pays appuyé sur un violent racisme théorisé par la science qui venait justifier l’injustice. Le colonialisme s’employa a diaboliser l’Islam dés la conquête. L’’islamophobie actuelle s’inscrit dans cette tradition colonialiste.

Au terme d’une lutte difficile de la guérilla algérienne et sous condition que les intérêts du capitalisme français soient préservés, ainsi que sous la pression des puissances engagées dans la guerre froide, le cessez-le feu fut donc signé ce jour là à Evian. Aujourd’hui pour la France de la Nostalgérie comme pour les revanchards de la « reconquête », cette date marque le début de ce déclin français qui les hante.

Quand à Emmanuel Macron, tout comme l’épicier arabe qui doit avoir en rayon tout les articles pour satisfaire la clientèle, il a tout les arguments et toutes les promesses pour répondre à chacun. Reconnaissons lui comme à ses équipes de com’ un grand talent dans le clientélisme mémoriel électoraliste.

Depuis une vingtaine d’années, une suite d’études historiques, de reportages et d’enquêtes apportent des éclairages sur l’histoire et les séquelles de cette longue guerre. Pour ce 60eme anniversaire nombre de publications permettent de mieux comprendre les causes et les racines de notre histoire actuelle à commencer par la puissance du ressentiment qui revient dans une campagne électorale où selon des sondages, la moitié des français soutiendraient une droite et une extrême droite ouvertement raciste et islamophobe.

En 1998, LÀ-BAS faisait entendre au grand public la parole refoulée des sans-grade de la guerre sans nom. Avec des voix inédites évoquant la solitude, la violence, l’amertume d’une génération perdue. Pour la première fois, ils parlaient de la torture qu’ils avaient pratiquée. Et des ordres qu’ils avaient reçus. Et des lettres d’amour attendues. À l’heure où l’extrême droite exacerbe rancune et refoulement, nous vous proposons une nouvelle version de ces témoignages en trois parties. Aujourd’hui, troisième partie, le témoignage de Guy.

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

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« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.