Mardi 7 aout 2018Cher Daniel Mermet,
Au sortir d’une opération particulièrement éprouvante de colonne vertébrale, vous m’aviez consacré il y a plus de 10 ans une heure d’interview sur France Inter, qui m’a permis de connaître François Ruffin, dont je suis restée une groupie (j’ai encore ri cette nuit en revoyant son intervention sur l’achat de vaisselle de l’Elysée…) tout autant que la vôtre, ains que celle de toute votre équipe.
Grâce à vous, j’ai créé tout un réseau de solidarité qui m’a permis de tenir, alors que ma vie était sur un fil…
Je suis toujours en vie, toujours malade, plus gravement. Je suis toujours remontée comme une horloge et je pense que c’est pour cette raison que je suis encore là !
J’ai repris du service en militantisme : j’ai co-fondé un Collectif contre Auchan pour empêcher un Grand Projet Inutile intitulé « Europacity » sous les pistes de Roissy ;
J’ai co-fondé aussi la COSTIF : Coordination Ile de France contre les Grands Projets Inutiles.
Et nous avons pris comme avocat Etienne Ambroselli, qui a fait 3 jours de garde à vue pour avoir osé manifester avec les opposants de Bure !!
Et là, avec la canicule, sous mon masque respiratoire, je pète un plomb.
La mairie me téléphone, pour me demander de boire de l’eau !!! On se fout de notre gueule ??? Alors j’ai pondu un papier d’humeur, qui peut-être rencontrera un écho auprès de vous. Parce que c’est très joli, vos Sexplorateurs, mais je ne suis pas du tout préoccupée en ce moment par la bagatelle, j’essaie tout simplement de rester EN VIE (ne serait-ce que pour me permettre – entre autres – d’écouter Là bas si j’y suis… )
Et je me sens de plus en plus jetable, et jetée par les notables...
C’est pourquoi je vous envoie à toutes fins utiles ce papier d’humeur.
Bien à vous et longue vie à votre équipe, vos auditeurs… Et à tous ceux qui conservent un minimum de lucidité (et d’air pour respirer), Ici et Là-bas.
Bien à vous,
Jacqueline
Prendre des mesurettes par temps de canicule : Une mise en danger de la vie d’autrui !
Je suis handicapée à 80% : j’ai un effondrement thoracique qui a nécessité une greffe totale de la colonne vertébrale [1]. J’ai donc les poumons écrasés, avec seulement 1,6 litre de capacité pour respirer (le seuil mortel est de 1,5). Je suis sous assistance respiratoire depuis 2016 (avec appareil, masque, cortisone), après avoir fait un TVO sévère = Trouble Ventilatoire obstructif, où j’ai failli y passer (j’étais à 1,26 litre)…
Chaque été, je vois arriver la chaleur avec une angoisse croissante. Et chaque nouvel été, j’entends ce constat météo : « l’été le plus chaud depuis que les relevés existent !! » Et à chaque fois, le record est repoussé d’un cran ! Et à chaque fois, on nous indique le NIVEAU de GRAVITÉ de la situation ! ça me fait penser à la mesure du chômage. Quand on a le sentiment de ne rien pouvoir faire, on fait les comptes… Ça me met hors de moi : on s’en fout des chiffres, on veut des ACTIONS !!
J’entends la Ministre de la Santé expliquer : « on met en place des pièces rafraichissantes dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite… On installe des ventilateurs… » Et pour la « journée noire du grand chassé-croisé des vacances… », en prévision des heures d’attente, coincés dans les embouteillages, cette remarque qui m’exaspère : « heureusement, y a la clim… » Mais on se tire une balle dans le pied ! Car la clim’, les ventilateurs consomment de l’énergie et contribuent à augmenter l’effet de serre !
Il se trouve que je suis urbaniste. Et qu’on a démontré qu’à la grande canicule de 2003, en dehors de Paris qui est une des villes les plus denses du monde… le département suivant le plus impacté était la Seine-St-Denis. Au milieu d’une flopée de grands ensembles (St Denis, Aubervilliers, Stains, la Courneuve, Pierrefitte, Blanc-Mesnil)… on a réussi à sauvegarder un grand espace vert : le parc Georges-Valbon de la Courneuve, 400 ha. Et bien non ! A quelques encablures du Bourget où s’est tenue la COP 21, il faut qu’on lui rogne quelques hectares, au prétexte d’y installer le village des Médias pour les J.O. de 2024, malgré la protestation des associations riveraines. Sans compter le projet toujours en suspens d’une couronne de tours, sous l’autorité de l’ordonnateur du « Paris-Grand », Roland Castro, chargé d’une mission gouvernementale, qui imagine des constructions pour « optimiser » un espace de la taille de Central Park, au prétexte de recoudre le tissu urbain d’une « urbanité » vertueuse.
Et un peu plus au nord, se trouve le Triangle de Gonesse, 700 ha de terres agricoles coincées entre deux aéroports : Roissy et le Bourget, interdites à l’habitat en raison des nuisances de bruit (un avion qui décolle ou atterrit toutes les minutes ½). C’est la dernière « pénétrante » non urbanisée du nord-est de l’Ile-de-France, qui assure des fonctions irremplaçables : piéger le carbone, sauvegarder un vaste îlot de fraîcheur dans un univers particulièrement minéralisé, sans compter la haute valeur nutritive de ses excellentes terres limoneuses. Mais Auchan associé à un groupe chinois Wanda a jeté son dévolu sur ce territoire, pour y mettre des équipements aussi incongrus qu’inutiles : une piste de ski ( !), des surfaces commerciales qui doubleraient l’offre existante dans un rayon de 5 kms, 50 000 m2 de culture au milieu de nulle part (la taille de Beaubourg), une gare de métro dans un lieu sans habitant, pendant qu’à quelques kilomètres, les banlieusards s’entassent dans les RER B ( 900 000 flux/ jour) et D (600 000 flux/jour). Le tout prétendant attirer 31 millions de visiteurs, soit 2 fois Disneyland (1ère destination touristique européenne) et 3 fois ½ Le Louvre (n°1 mondial des musées).
Malgré des oppositions à ce projet grandissantes, des prises de position multiples d’acteurs associatifs, politiques, syndicaux, intellectuels, artistes… Malgré des actions juridiques toujours en cours, une rumeur insistante voudrait que ces terres qui ont mis 18 à 20 000 ans à se bonifier serviraient de poubelle… pour entreposer les déchets BTP de la gare de métro du Bourget/ Aéroport dont la construction doit démarrer en 2019 pour desservir le Village Olympique !
Quand la France étouffe, que la vie des plus fragiles est menacée : combien faut-il de morts (on en compte déjà 40 000 par an, liés à la pollution) pour que cette politique à courte vue, qui consiste à entasser toujours plus de béton, toujours plus de spéculation immobilière, toujours plus de consommation… soit totalement abandonnée, et que l’on se décide, enfin, à sauver –non pas le climat, il s’en fout !- mais l’espèce humaine qui a construit la galère où nous sommes embarqués ?
Je refuse de passer pour un dégât collatéral ! Je me moque que ma mairie m’appelle pour vérifier que je bois suffisamment (alors que par ailleurs, elle s’apprête à sacrifier une zone agricole en bord d’Oise pour agrandir le port de plaisance !)
Quand est-ce qu’on cesse de prendre des mesures (au sens température) et qu’on prend des VRAIES MESURES (au sens programme !) pour éviter la catastrophe ?