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Déboulonner des statues ou les repeindre en rouge ?

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En 2008, la statue de Léopold II à Bruxelles avait été recouverte de peinture rouge qui symbolisait ses « crimes contre l’humanité » au Congo (photo : RTBF)

Déboulonner, c’est bien, mais après, c’est fini, on n’en parle plus. Tandis que repeindre en rouge, couper une oreille ou une main d’une statue, ça vous interpelle, ça appelle une explication…

Vous vous dites, quelle horreur, couper une oreille ou une main d’une statue, mais c’est atroce ! Sans doute, mais un peu moins tout de même que le châtiment des oreilles coupées pratiqué par les maîtres sur leurs esclaves, comme l’exigeait le Code noir, promulgué en 1685, en grande partie rédigé par le ministre Jean-Baptiste Colbert, dont la statue trône toujours aujourd’hui devant l’Assemblée nationale à Paris.

Voici l’article 38 : « l’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; s’il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort. [1] »

Voilà pourquoi, en langue créole, de nos jours, le blanc, le touriste ou celui de la métropole est surnommé « Zoreilles ».

Quand aux mains coupées, ce fut une pratique fréquente au Congo dont Léopold II, roi des Belges, était le propriétaire. Un rapport officiel de 1904 faisait état de ces pratiques courantes. Même si les données sont incertaines, les historiens s’accordent pour estimer que la conquête et l’exploitation du Congo a entraîné la mort de dix millions d’Africains. Pourtant, Léopold II est encore une figure paternelle et prestigieuse en Belgique, même si depuis quelques années déjà, un fort courant anticolonialiste s’est développé en Belgique. Si Léopold II est responsable et même coupable de cette barbarie, des financiers, des banquiers, des grandes multinationales ont bâti leurs fortunes avec le sang des « nègres » du Congo et les fabuleuses ressources naturelles de ce que Leopold II appelait ce « merveilleux gâteau africain ».

Le crime colonial n’a pas été commis par les Belges, ni les Français, ou les Britanniques, mais par une certaine oligarchie dans chacun de ces pays. Attention, par commodité, on dit « la France a colonisé… », ou bien « l’Angleterre a étendu son empire jusque… », ou bien « l’Italie a envahi l’Érythrée… », mais les mots sont trompeurs, ni le peuple italien, ni le peuple anglais ou français n’ont exploité quiconque. Bien souvent, ces peuples eux-mêmes sont exploités, ils n’ont pas de culpabilité à éprouver. De la solidarité avec les opprimés, oui, mais dans tous les cas, c’est la classe dominante, c’est les milieux d’affaires qui sont responsables et doivent rendre des comptes, voire des réparations.

Esclavage, colonialisme, il est courant d’entendre dire que jadis ces choses là ne choquaient pas et qu’ "il faut se remettre dans l’époque". Or dans toutes les époques de ces crimes, des voix se sont élevées constamment, souvent minoritaire, souvent étouffées mais toujours présentes. Voir le dessin de Jossot dans "l’assiette au beurre" qui en 1901, dénonce les crimes de Léopold II.

Depuis des siècles, les iconoclastes ont attaqué les représentations symboliques. De nos jours, hier, c’était la statue de Staline qui tombait ou celle de Saddam Hussein, aujourd’hui, c’est Léopold II, c’est le négrier Edward Colston, c’est Colbert et son Code noir, c’est même Christophe Colomb qui se retrouve par terre, décapité sous les huées. C’est toute une jeunesse en colère qui profane les saintes icônes à la base des « valeurs » de l’ordre mondial d’aujourd’hui.

Difficile de décerner le prix du pire, mais Léopold II se distingue assez nettement. Le Congo, dont il avait fait sa propriété privée sans jamais y mettre les pieds, a fait sa fortune et celle des banquiers, des financiers et des grands patrons. Une « mission civilisatrice » qui a exterminé plusieurs millions d’hommes et dont les traces glorieuses sont encore présentes en Belgique.

Le chercheur Lucas CATHERINE est l’auteur d’un fameux petit guide anticolonial, PROMENADE AU CONGO (éditions Aden et CADTM, 2010) : une promenade au Congo sans quitter la Belgique, bien sûr.

Voici une nouvelle édition d’une balade en sa compagnie, il y a dix ans, avec Giv Anquetil, en partant de la fameuse statue équestre du roi des Belges qui venait d’être joliment repeinte en rouge sang. Déjà.

[RADIO] Déboulonner des statues ou les repeindre en rouge ? [24 janvier 2011]
Le chercheur Lucas CATHERINE est l’auteur d’un fameux petit guide anticolonial, PROMENADE AU CONGO : une promenade au Congo sans quitter la Belgique, bien sûr. Voici une nouvelle édition d’une balade en sa compagnie, il y a dix ans, avec Giv Anquetil, en partant de la fameuse statue équestre du roi des Belges qui venait d’être joliment repeinte en rouge sang.
Daniel Mermet

L’Assiette au beurre, 1901

Programmation musicale :
 Tramel : Qu’est-ce que t’attends pour aller aux colonies ?

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    Qu’est-ce qu’un géographe ? Un chercheur qui étudie les paysages, l’organisation des espaces et la façon dont les humains arpentent ces espaces. Appliquer sa méthodologie à l’école, c’est ce qu’a fait le géographe Pascal Clerc qui publie Émanciper ou contrôler ? Les élèves et l’école au XXIe siècle aux éditions Autrement. La sociologie nous enseigne que les « formes informent », mais également que les « formes forment ». Alors nos écoles de la République ressemblent-elles à des monastères ou à des prisons ? Comment les a-t-on dessinées et construites ? Ces lieux où nos enfants passent toutes leurs journées sont-ils des lieux d’émancipation ou des lieux de contrôle et de discipline des corps et des esprits ? Puisque les espaces définissent le type d’apprentissage qu’on y fait, on devrait concevoir les écoles en fonction des objectifs pédagogiques. « Pourquoi est-ce qu’on n’apprend pas à réparer les vélos à l’école ? » Éléments de réponse avec le géographe Pascal Clerc, qui est l’invité de Laurence De Cock dans ce nouveau numéro de « Si j’aurais su ».

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  • Entretien avec Caëla Gillespie, professeure de philosophie, qui publie « Manufacture de l’homme apolitique » (Le Bord de l’eau) Comprendre cinq décennies de dogme ultralibéral Abonnés

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    Ayant senti siffler le vent du boulet avec le score électoral du Nouveau Front populaire arrivé en tête des dernières législatives, la classe dominante a remis les points sur les « i » : le pouvoir c’est elle, et point barre. Resurgit alors son refrain préféré : le « nouveau » (sic) gouvernement doit affronter toute une série de défis techniques dont la complexité échappe forcément à une populace plus ou moins inculte en la matière. Maîtrise du « déficit budgétaire », crainte de la « note des agences de notations », indispensable « réduction des dépenses publiques », nécessité de « rassurer les marchés » : la doxa ultralibérale s’arc-boute comme jamais sur la grande fable de la Nécessité économique que son catéchisme dogmatique place très au-dessus de toute velléité populaire ou démocratique. Ça tombe bien, la philosophe Caëla Gillespie a récemment commis un livre très éclairant sur cette grande fable. On y découvre ce qu’elle nomme la « subversion de l’état de droit », soit l’effarante dépolitisation du corps politique et du citoyen par cinq décennies d’idéologie ultralibérale menée au pas de charge. Ce livre puissamment pensé et documenté s’appelle Manufacture de l’homme apolitique (Le Bord de l’eau) et son autrice nous a accordé un entretien en exclusivité pour les lecteurs de Là-bas. Le voici.

  • La lettre hebdo de Daniel Mermet La résistance d’un prof israélien accusé de trahison Accès libre

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    On tue Nasrallah, on oublie Gaza, on danse à Tel Aviv, Nétanyahou exulte, BHL est de retour. Joe Biden pleure les enfants morts et fait l’indigné tout en livrant ses bombes à Bibi. Bonne nouvelle aussi pour le RN et Marine Le Pen, ses amis d’extrême droite remportent les législatives en Autriche. Le FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche ) – qui soutient Israël – est un parti franchement nazi. Son leader Herbert Kickl veut devenir le VOLKSKANZLER, le « chancelier du peuple », titre emprunté à un autre autrichien, Adolf Hitler.

  • La France, paradis fiscal pour les ultra-riches Abonnés

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    Quelle époque formidable ! On a un nouveau gouvernement en France. Il doit s’attaquer notamment à l’abyssal déficit public. Et le mot du moment, c’est « impôt ». Quel retournement de situation quand on se rappelle que le Nouveau Front populaire était accusé de conduire la France à sa perte s’il appliquait son programme composé notamment d’une hausse d’impôts pour les riches ! Face au bilan catastrophique laissé par l’ancien locataire de Bercy, l’inénarrable Bruno Le Maire, le gouvernement reconnaît qu’il va bien falloir que les plus riches mettent la main plus profondément dans leur poche. Va falloir lâcher l’artiche ! Mais, aux dernières nouvelles, pas question de rétablir l’ISF. Pourtant, selon un sondage, 67 % des Français sont pour le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune. Et ça, Dillah, ça l’étonne…

Une sélection :

Tout un été Là-bas La vérité, un concept étranger à Raphaël Enthoven AbonnésVoir

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Dimanche 12 mai, le très médiatique Raphaël Enthoven était invité de Benjamin Duhamel dans son émission « C’est pas tous les jours dimanche » sur BFMTV. L’occasion pour le talentueux orateur d’asséner une de ces belles sentences dont lui seul a le secret : « nous périssons de la criminalisation de l’opinion d’en face ». Criminaliser l’opinion d’en face, c’est pourtant exactement ce que le philosophe a fait pendant toute l’émission, en repeignant systématiquement en odieux antisémite toute personne qui critiquerait les bombardements israéliens sur Gaza. Et ce grâce à une série d’approximations, de contre-vérités et de mensonges dont le nombre et l’ampleur – en seulement vingt-sept minutes d’entretien – forcent le respect. Extraits.

L’État d’Israël contre les juifs. Dialogue avec Sylvain Cypel (2e partie) (VIDÉO | 50:02) AbonnésVoir

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La Bible dit que ce qui ne s’obtient « ni par la puissance, ni par la force » s’obtient par l’« esprit ». Or aujourd’hui en Israël, un dicton populaire a transformé ce message, c’est devenu : « ce qui ne s’obtient pas par la force s’obtient avec plus de force ». Comment en est-on arrivé là ? Comment une extrême droite raciste et suprémaciste est-elle arrivée au pouvoir ? Un gouvernement soutenu par toutes les extrêmes droites du monde, y compris les plus antisémites ?

Tout un été Là-bas Alain Gresh : « Palestine, un peuple qui ne veut pas mourir » AbonnésÉcouter

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Ben oui, mais c’est la guerre, que voulez-vous… Rarement un conflit aura été accompagné par tant de mauvaise foi, par tant de mensonges, de désinformation, d’affabulation. Rarement le manichéisme n’aura autant dominé et fait oublier la profondeur historique d’une crise que nous redécouvrons à chaque conflit. Rarement la politique française n’aura été aussi lâche, se contentant d’un suivisme affligeant à l’égard du gouvernement israélien et de son parrain américain.

Tout un été Là-bas : réécoutez ce grand entretien, trois jours après le 7 octobre 2023, avec l’ex-ambassadrice de Palestine LEÏLA SHAHID : APRÈS LA TERREUR, LA TERREUR Accès libreÉcouter

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« Il ne peut y avoir aucune explication », disait le premier ministre socialiste Manuel Valls, « car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Malgré cette forte pensée, nous vous proposons cet entretien à chaud avec Leïla Shahid, ex-ambassadrice de la Palestine, témoin et actrice engagée en première ligne et toujours militante de la cause palestinienne. Sommée de dénoncer le terrorisme islamiste, elle répond : « toute action contre des civils, qu’elle soit une action palestinienne, israélienne ou française, est un crime contre l’humanité ».