Un reportage de Gaylord Van Wymeersch et Jonathan Duong

Brésil : le retour de la dictature ? Abonnés

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Avec 46,03  % au premier tour, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro risque d’arriver au pouvoir le 28 octobre au Brésil. Membre du parti social-libéral, ce politicien professionnel depuis plus de 20 ans incarne à 63 ans la revanche de la classe moyenne supérieure blanche (la bourgeoisie blanche) contre le Parti des travailleurs.

Dimanche 14 octobre, le Comité Lula et le Collectif Alerte France Brésil se rassemblaient à Paris, place de la République, contre ce possible retour de la dictature au Brésil :

De 2003 à 2016, le Parti des travailleurs a mené des politiques de réduction des inégalités, sous les présidences de Luiz Inácio Lula da Silva et de Dilma Rousseff. Sous le gouvernement du Parti des travailleurs, 8 millions d’employés de maison sont entrés dans le cadre du Code du travail. Favori pour cette élection, Lula a été condamné pour corruption et emprisonné, et déclaré inéligible. Son remplaçant comme candidat du Parti des travailleurs s’appelle Fernando Haddad : arrivé deuxième au premier tour de l’élection présidentielle avec 29,28  % des voix, c’est lui qui affrontera Jair Bolsonaro au second tour, le 28 octobre prochain.

Militariste, nostalgique de la dictature militaire (1964-1985), Bolsonaro est un virtuose des provocations racistes, homophobes, misogynes, soutenu par les puissantes églises évangéliques. Le 17 avril 2016, il a rendu hommage à la mémoire du colonel qui a torturé l’ancienne présidente Dilma Rousseff pendant 22 jours lors de son arrestation, alors qu’elle était militante de gauche en 1970.

Jair Bolsonaro est aussi un fervent néolibéral. Conseiller par la crème des Chicago boys, il a le soutien des marchés financiers et des grands trusts du pays. Ses cibles sont la corruption et la violence : sept homicides sont commis chaque heure au Brésil, plus de 120 000 homicides recensés ces deux dernières années, selon le rapport de l’ONG « Forum brésilien de la sécurité publique » [1]. En 2016, 28 candidats ont été assassinés, dont 15 pendant leurs campagnes.

Sa « chance » a été l’attentat au couteau qu’il a subi le 6 septembre 2018 pendant un bain de foule. Sa cote est alors montée dans les sondages et les marchés financiers sont immédiatement passés à la hausse. Il est aussi soutenu par des personnalités, comme l’ancien footballeur Ronaldinho.

La campagne est infestée de « fake news », d’autant plus que Jair Bolsonaro peut se vanter d’avoir 7 millions d’abonnés sur Facebook. C’est ce qu’a expliqué l’historienne Maud Chirio, qui travaille sur le Brésil contemporain, à Bastamag :

« L’usage de ces fausses nouvelles a été croissant, leur diffusion a été multipliée par 100 durant les quatre derniers mois de campagne. La dernière semaine, nous avons recensé entre 4 000 et 10 000 intox. La veille du scrutin, de fausses déclarations de pasteurs qui prétendaient soutenir Bolsonaro ont circulé. Le lendemain des massives manifestations de femmes contre Bolsonaro, le 29 septembre, des intox ont été diffusées prétendant que ces rassemblements s’étaient mués en orgie sexuelle. Des montages photo montrent Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs, et ancien ministre de l’Éducation, distribuant des livres érotiques à des enfants dans des écoles. [2] »

On dénonce des manipulations des cartes d’électeur. 3,4 millions de cartes ont été annulées parce qu’elles n’étaient pas actualisées, ce qui pénalise les électeurs pauvres du Nordeste.

En attendant le second tour du 28 octobre, les Brésiliens de Paris tentent d’alerter sur l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro. Les associations Autres Brésils, France Amérique Latine, Les Amis du Mouvement Sans Terre, Femmes Unies Contre Bolsonaro et la Ligue des droits de l’Homme donnent rendez-vous samedi 20 octobre à 15h, place de la Bataille-de-Stalingrad dans le 19ème arrondissement.

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

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« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.