D’ordinaire, la violence est utilisée pour discréditer un mouvement. Mais voilà, ça ne prend plus, et depuis treize semaines, une petite musique monte : « QUI NE CASSE RIEN N’A RIEN ! »
« Le mouvement s’essouffle [1]. » Chaque semaine, les experts sont unanimes, « le mouvement s’essouffle ». Et chaque semaine, le nombre de manifestants est en baisse, selon le chiffre du ministère de l’Intérieur – une « source »que les journalistes oublient souvent d’indiquer. Ajoutez l’hostilité assumée de la plupart des médias et les accusations permanentes contre les « gilets jaunes » : homophobie, xénophobie, insultes raciales, infiltration par « les extrêmes » et même antisémitisme, suite à un tag découvert sur une vitrine alors qu’absolument aucun manifestant n’était présent dans ce quartier et que le tag – selon le commerçant lui-même – a été fait durant la nuit précédente [2] !
Bref, ce mouvement devrait être à l’agonie et rejeté depuis longtemps. Or – et c’est un chiffre moins cité par les hauts parleurs médiatiques – entre 55 % et 64 % des Français continuent de soutenir le mouvement [3]. Et ceci, malgré la violence ! D’ordinaire, au contraire, c’est la violence qui est instrumentalisée pour discréditer les revendications de la rue. Vieille ficelle policière, il suffit de laisser les casseurs casser, de laisser les journalistes filmer les casseurs pour le 20 Heures, et le tour est joué. Depuis le regretté Roger Gicquel, le 20 Heures sait faire peur à la France.
Or là, non, voilà treize semaines que les Français tolèrent cette violence. Est-ce qu’ils l’approuvent pour autant ? C’est moins certain, même si un slogan se fait entendre en manif : « QUI NE CASSE RIEN N’A RIEN ! »
La casse, ce samedi, c’est à nouveau une main arrachée devant l’Assemblée nationale. Sébastien M., plombier, originaire d’Argenteuil, a été visé par une grenade de désencerclement GLI-F4, qui a explosé à mi-hauteur et a réduit sa main droite en charpie. La scène a été filmée en direct par plusieurs caméras. Il devient difficile de tromper le petit peuple.
Chiffres, répression, manœuvres diverses, on finit par ne plus entendre les « gilets jaunes » écrasés sous une masse d’analyses savantes et les commentaires péremptoires de ceux qui « l’avaient toujours dit ». Du haut de leurs miradors, surveillants et gardiens, désarçonnés par ce peuple qui leur a échappé, ne savent plus comment faire rentrer ce troupeau bêlant à l’étable, sinon par la force. Walter Lippmann, l’un des grands penseurs du capitalisme américain, évoquait déjà ce peuple et sa « partialité bornée », avec « ses mugissements et ses piétinements de troupeau affolé [4] ».
Dans la manif, une pancarte disait : « ARRÊTEZ DE NOUS EXPLIQUER, ON A TOUT COMPRIS ».
Programmation musicale :
– Marie Reno : Les "paroles paroles" d’Emmanuel Macron
– Didier Super : Ouais.... Rien de tel que la récupération d’un mouvement social pour faire ma promo...