C’est vrai, bientôt nous n’aurons plus d’abeilles, c’est vrai, nos cheminots sont mal partis, c’est vrai, la France rejette les réfugiés, c’est vrai, les jeunes ne veulent plus faire enseignants, c’est vrai que nous avons Macron, et que nous avons Colomb, c’est vrai qu’un tas de mômes n’iront pas en vacances, c’est vrai que les gavés se gavent encore et encore et que nous ne les avons toujours pas pendus, c’est vrai tout ça, on peut continuer comme ça, mais c’est nous qui avons les plus belles chansons. Oui, nous.
Ils ont quoi ceux d’en face ? Des marches militaires, des airs d’opéra pour la distinction, des musiques de réclame, des chants pour la messe, des hymnes et des clairons. Oui, la lutte des classes passe par la chanson, car le génie du peuple est dans la chanson, pas seulement les révolutionnaires, la lutte des classes passe par la poésie aussi, et par l’émotion de chaque côté de la chanson, de la bouche à l’oreille. N’oublions pas, le révolutionnaire doit savoir entendre l’herbe qui pousse. On ne peut pas désespérer d’un peuple qui aime Bashung, qui aime Souchon, qui aime Keny Arkana, qui aime Stromae. On ne peut pas désespérer d’un peuple héritier des chansons chantées toute sa vie par Marc Ogeret. Mort le 4 juin à 86 ans, œillet rouge à la main, il laisse un fabuleux patrimoine qui dit le cœur à jamais imprenable de la Commune, de l’Affiche rouge, de Craonne, qui dit les matins d’été, qui dit la buée aux vitres, qui dit nos amours incertaines.
En hommage, parmi des centaines, nous avons choisi six chansons par Marc Ogeret. Toute sa vie, il a chanté les chansons des autres, les chansons du peuple et des poètes. La dernière est de lui, « qui de nous deux partira le premier ? » Oui, nous avons les plus belles chansons. Les voici :
« Il faisait si beau ce matin », poème de Louis Aragon, musique de Jean-Paul Marchand (1967) :
« Le triomphe de l’anarchie », paroles et musique de Charles d’Avray (1968) :
« La Semaine sanglante », paroles de Jean-Baptiste Clément, sur l’air du « Chant des Paysans » de Pierre Dupont (1968) :
« Le condamné à mort », poème de Jean Genet, musique d’Hélène Martin (1970) :
« La liberté des nègres », texte de Pierre-Antoine-Augustin de Piis (1988) :
« Qui de nous deux » (1976) :