C’est devenu une image d’Épinal : la pile de dossiers qui s’accumulent dans les bureaux et les couloirs des palais de justice. Il faut désormais plusieurs années pour faire, par exemple, établir définitivement la nullité d’un licenciement abusif. Évidemment, cet allongement des délais se fait au détriment des justiciables, voire au mépris de leurs conditions d’existence quand il faut plusieurs années pour obtenir des indemnités, recevoir une pension alimentaire ou sortir de détention provisoire. On aurait donc envie de féliciter le ministre de la Justice Dupond-Moretti quand il dit vouloir « livrer une grande bataille pour réduire les délais de jugement [1] ». Mais à quel prix ? L’obsession de vouloir réduire les « stocks » de dossiers en vient à faire passer les chiffres – temps de traitement et hauteur de la pile – avant la qualité du jugement rendu. C’est ce qu’a expliqué le personnel de la justice à Jean-Michel Dumay : sa crainte de voir une logique gestionnaire, obsédée par le rendement et l’efficacité, effacer peu à peu le sens premier de leur mission.
Un entretien de Jonathan Duong avec Jean-Michel Dumay, journaliste, qui publie « Une justice au bord de l’implosion » dans Le Monde diplomatique de mai.
Programmation musicale :
– Gilbert Bécaud : Le Condamné