Dénoncer les boulots à la con alors que des millions de chômeurs rêvent d’un boulot, ça ressemble à une de ces leçons péremptoires dont la petite bourgeoisie culturelle est coutumière. Mais en réalité, la terreur de la précarité pousse au désir d’avoir un job, peu importe lequel, mais un job. Ainsi, beaucoup sont amenés à passer leur vie dans des boulots inutiles, dépourvus de sens, voire vraiment néfastes. C’est ce que démontre l’anthropologue David GRAEBER.
Alors que nous prenons la mesure de la destruction de nos ressources naturelles, nous évitons ce tabou qui est le gâchis des ressources humaines. Non seulement des tas de boulots sont inutiles voire nuisibles – notamment sur l’environnement –, mais en plus, plus votre job est utile, moins vous êtes payés : infirmières, chauffeurs de bus, jardiniers ou musiciens comparés à avocats d’affaires, banquiers, managers par exemple.
GRAEBER milite pour une révolte des valeurs qui placerait le travail créatif et social au cœur du monde et ferait de la technologie un outil de libération. Avancée technique et gains de productivité peuvent nous permettre de travailler vingt heures, voire même quinze par semaine…
Un entretien de Daniel Mermet avec David Graeber, anthropologue, auteur du livre Bullshit Jobs, (Les Liens Qui Libèrent, 2018).