Écouter l’entretien :
« IL Y A UN CHEMIN QUI MÈNE DE L’HUMANITÉ, PAR LA NATIONALITÉ, À LA BESTIALITÉ ! »
Antisémite ! En pleine panique morale, le lobby qui soutient le massacre des Palestiniens n’a plus que cette invective en brandissant le massacre des Israéliens du 7 octobre.
Or l’histoire n’a pas commencé ce jour-là.
Depuis 1948, Israël a mené quinze guerres contre Gaza.
Pourquoi ? C’est une histoire complexe mais qui peut se rapprocher d’une mémoire française, la colonisation. La référence à la « guerre » d’Algérie peut permettre de comprendre la tragédie de Gaza.
Le sionisme s’est développé à la fin du XIXe siècle quand le colonialisme triomphant s’étendait sur le monde. Mais en 1948, alors que ce colonialisme, suite à la guerre, amorçait son déclin, c’est là que naissait Israël, au détriment des populations arabes chassées de leurs demeures et de leur terre.
Et depuis 75 ans, malgré tous les avertissements, tous les efforts, toutes les espérances, c’est finalement ce nationalisme colonial obscurantiste et violent qui a imposé sa spirale de massacres sans fin.
Des voix israéliennes ont combattu ces aveuglements, y compris dans le camp sioniste. Voix plus rares aujourd’hui mais qui résistent. La plus claire et la plus forte – et la plus singulière – est sans doute la voix de Yeshayahou Leibowitz, rencontré en 1991.
YESHAYAHOU LEIBOWITZ (1903-1994) fut l’un des intellectuels les plus marquants de la société israélienne. Très écouté, très redouté, il n’a pas cessé de mettre en cause avec force la politique de son pays. À commencer par la colonisation qui corrompt l’État et les consciences. À contre-courant de l’euphorie guerrière de la guerre des Six-Jours, il recommandait haut et fort de rendre les territoires. Une contestation étonnante de la part d’un sioniste assumé qui soutenait ainsi le courant israélien qui s’est toujours opposé à la colonisation. Philosophe, scientifique, théologien, moraliste, ancien officier de la Haganah, rédacteur de l’Encyclopédie hébraïque, tribun puissant, il était la « mauvaise conscience d’Israël ».
Alors que partout des manifestations se multiplient en soutien au peuple palestinien (sans ignorer, on l’espère, les victimes israéliennes), il est utile de retrouver la voix du « prophète de la colère ».
Nous l’avions rencontré en septembre 1991, chez lui à Jérusalem, où sa porte était toujours ouverte. C’était il y a 33 ans.
« Placer des millions d’Arabes sous l’autorité juive, c’est détruire l’essence humaine et juive de l’État et détruire la structure sociale que nous avons établie, c’est couper l’État du peuple juif dans le monde comme de la continuité de l’histoire et de la tradition juives, c’est anéantir le peuple juif et pervertir l’homme israélien. »