Après 37 ans de cavale, Cesare Battisti vient d’être arrêté et extradé vers l’Italie. C’est le « petit cadeau » offert par le nouveau président d’extrême droite brésilien Jair Bolsonaro à son ami le ministre de l’Intérieur d’extrême droite italien, Matteo Salvini [1]. Importante, l’extrême droite, dans cette histoire qui remonte aux années 1970 : une longue histoire et une occasion de revenir sur les « années de plomb » en Italie, avec cette émission de 2002 avec Cesare Battisti.
Cesare Battisti a été condamné par contumace en 1993 à la prison à vie en Italie pour des attentats liés aux années de plomb dans les années 1970, alors qu’il militait dans un groupe d’extrême gauche. De ces années violentes, on se souvient des Brigades rouges et des attentats de l’extrême gauche, mais on a oublié les attentats de l’extrême droite plus aveugles et plus meurtriers, et beaucoup moins réprimés alors que ce mouvement – parfois soutenu par les services de l’État italien – avait pour but de déstabiliser le pays pour favoriser un coup d’État.
Après la guerre, le fascisme italien n’a pas connu d’épuration et l’extrême droite a gardé sa place avec le but de revenir au pouvoir. En ces temps de guerre froide, les États-Unis s’inquiétaient du rôle que pouvait jouer le puissant Parti communiste italien dans cette région cruciale. En connivence avec des réseaux dans l’appareil d’État italien, l’extrême droite fut instrumentalisée dans une « stratégie de la tension », qui avait pour but d’installer le chaos et la peur, et justifier le retour d’un ordre autoritaire.
À Milan, l’attentat de la Piazza Fontana contre la Banque de l’Agriculture, le 12 décembre 1969, avec 16 morts et 80 blessés, fut d’abord attribué à des anarchistes, avant que la responsabilité de l’extrême droite soit clairement établie. De nombreux groupes d’extrême gauche armés allaient rentrer dans cette spirale de braquages et d’attentats jusqu’à l’assassinat en 1978 d’Aldo MORO, le leader du parti centriste Démocratie chrétienne, après 55 jours de captivité, au prétexte qu’il s’apprêtait à conclure un accord avec le Parti communiste. De la fin des années 1960 au début des années 1980, en quinze ans de cette guerre civile, comptant jusqu’à une centaine d’organisations armées avec des milliers de personnes en armes, on estime à environ 400 le nombre de victimes. 130 sont attribuées à l’extrême gauche, et 270 à l’extrême droite, mais les crimes fascistes sont largement restés impunis.
L’extrême droite est finalement arrivée au pouvoir par d’autres moyens, dans la légalité, et peut aujourd’hui savourer ce « petit cadeau » et même exiger que la France renvoie les anciens militants italiens, qui vivent paisiblement en France depuis quarante ans, au titre de la parole donnée par François Mitterrand. En 2002, déjà, à la demande du gouvernement Berlusconi, la France avait procédé à l’extradition du philosophe Paolo Persichetti. Malgré la mobilisation, Persichetti a été emprisonné et ce n’est qu’en 2008 qu’il a pu obtenir une semi-liberté. Écoutez LA PAROLE TRAHIE, une émission de 2002 avec entre autres Daniel BENSAÏD et Cesare BATTISTI lui-même :
13 janvier 2018 : Cesare Battisti arrêté en Bolivie
Le militant d’extrême gauche italien Cesare Battisti a été arrêté en Bolivie, samedi 12 janvier 2019.
Cesare Battisti avait été condamné une première fois en 1981 à 13 ans de prison pour son appartenance aux PAC, les Prolétaires armés pour le communisme.
Évadé le 4 Octobre 1981, il est condamné par contumace à la réclusion à perpétuité pour homicide ou complicité dans quatre meurtres.
Il séjourne en France pendant près de 15 ans à partir de 1990 suite à la promesse de François Mitterrand de ne pas extrader les anciens activistes italiens ayant rompu avec la violence. Il avait refait sa vie depuis 2004 au Brésil, où il a eu un fils avec une Brésilienne.
Un juge de la Cour suprême du Brésil avait ordonné le 13 décembre 2018 son arrestation. L’acte d’extradition avait été signé dès le lendemain par le président Michel Temer, auquel le néofasciste Jair Bolsonaro a succédé le 1er janvier.