La science-fiction a-t-elle déjà imaginé ce qu’on est en train de vivre ?

Alain Damasio : « On vit dans un mauvais film de science-fiction depuis un mois » Abonnés

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La ville de Néo-Paris en 2084, imaginée dans le jeu vidéo Remember me (Capcom)

En annonçant le confinement mi-mars, Macron avait prévenu : « le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant », et voilà que les politiques de tous bords se mettent d’un coup à réfléchir à ce que sera le « monde d’après ».

Bruno Le Maire veut nous convaincre qu’il sera celui d’« un nouveau capitalisme, qui soit plus respectueux des personnes, qui soit plus soucieux de lutter contre les inégalités et qui soit plus respectueux de l’environnement [1] ». Le parti socialiste a carrément lancé une plateforme, « La France d’Après », pour construire « un modèle plus juste, plus solidaire et plus durable », Europe Écologie-Les Verts réclame la tenue d’un « Grenelle du monde d’après » et un « green New Deal » pour « reconstruire l’ordre du monde ». Fichtre ! En attendant que quelque chose s’allume dans tous ces brillants cerveaux, on pourrait peut-être leur conseiller de regarder du côté de ceux dont le métier est justement d’imaginer ce monde d’après : les écrivains de science-fiction !

Même si ce n’est pas toujours très réjouissant et qu’ils imaginent souvent un futur à base d’invasions de zombies cannibales, il y a dans les romans de science-fiction toujours quelques idées à piquer pour déceler ce qui, dans ce genre de crise, risque d’aboutir à un système beaucoup moins « respectueux des personnes » et encore moins « soucieux de lutter contre les inégalités ».

C’est le cas des livres d’Alain Damasio qui décrit au fil de ses romans ce que pourrait être la France d’après : celle de la surveillance totale, de la prise de contrôle de la société par les grands groupes privés et des individus complètement pris au piège du techno-cocon dans lequel ils se sont eux-même enfermés. Mais ce qui est drôlement bien, c’est qu’il imagine également les résistances, les luttes et les solidarités qui vont immanquablement se mettre en place pour s’en sortir… la bataille de l’imaginaire est lancée !

Un entretien de Maja Neskovic avec l’écrivain de science-fiction Alain Damasio.

Programmation musicale :
 Alain Damasio et Yan Péchin : Mantract

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journaliste : Maja Neskovic
réalisation : Sylvain Richard

Notes

[1Bruno le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, BFM TV, 30 mars 2020.

Voir aussi

À LIRE :


 Alain Damasio, La zone du dehors, éditions Cylibris, 1999.

 Alain Damasio, La Horde du Contrevent, La Volte, 2004.

 Alain Damasio, Les Furtifs, La Volte, 2019.

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.