Voici l’entretien de Daniel Mermet avec Christophe Charle, historien, et Patrick Champagne, sociologue, qui ont participé à l’édition du livre « Manet, une révolution symbolique ".
Pierre Bourdieu a passé les dernières années de sa vie à étudier la peinture d’Edgar Manet. On pourrait trouver un même goût de la rupture et du défi chez l’un et l’autre. Située en pleine crise de l’Académie, la rupture inaugurée par Manet (1832-1883) a abouti à un bouleversement de l’ordre esthétique. La nouvelle vision du monde qu’elle a engendrée a imprimé sa marque jusqu’à nos jours. En abordant la genèse des tableaux de Manet comme une série de prises de position qui sont autant de défis lancés à l’académisme conservateur des peintres pompiers, au populisme des réalistes, à l’éclectisme commercial de la peinture de genre et même aux « impressionnistes », Bourdieu a montré qu’une telle révolution est indissociable des conditions d’émergence des champs de production culturelle.
Comment s’opère cette « révolution symbolique » et comment réussit-elle à s’imposer ? Aujourd’hui, en regardant Olympia ou le Déjeuner sur l’herbe, on se demande comment ces pentures ont pu créer de si énormes scandales, autant pour les figures représentées que pour la manière de peindre. On est scandalisé qu’il y eut de tels scandales. C’est dans tout les domaines, le propre des révolutions symboliques que d’être oubliée après qu’elles aient réussi.
À travers le cas exemplaire d’Édouard Manet, c’est à cette question que s’est confronté Pierre Bourdieu dès les années 1980 et à laquelle il a consacré les dernières années de son enseignement au Collège de France.
Un immense chantier que la mort est venue interrompre il y a vintgt ans. En 2013, les textes de ses cours et les manuscrits en cours étaient publiées aux éditions du Seuil dans la collection Raison d’agir.
Programmation musicale :
– "Déjeuner sur l’herbe", par Claude Nougaro
– "Leçon de peinture", par Herbert Pagani