LDH : UN RAPPORT ACCABLANT

RÉMI FRAISSE, UN POUVOIR POUSSE AU CRIME

Le , par L’équipe de Là-bas

Cet article est en accès libre grâce aux abonnés modestes et géniaux, mais…

…sans publicité ni actionnaires, Là-bas si j’y suis est uniquement financé par les abonnements. Sans les abonnés, il ne nous serait pas possible de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre indépendance  : rejoignez-nous  !

Je m'abonne J'offre un abonnement

Daniel MERMET à l’Olympia, le 29 octobre 2014, pour les 20 ans des Ogres de Barback :

Il y a juste un an, Rémi Fraisse, 21 ans, était tué dans le dos par une grenade offensive lancée par un gendarme sur le site du barrage de Sivens dans le Tarn. Un an après, la lumière est loin d’être faite sur ce meurtre. Selon la LDH, « la survenance d’un drame et la mort d’un homme étaient dans la logique du dispositif mis en place. »

La Ligue des Droits de l’Homme vient de publier un rapport sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse. Elle dénonce le choix « délibéré » de « l’autorité politique » de faire exercer « par les forces de l’ordre un niveau de violence considérable » pour évacuer les opposants du site. « Déficit démocratique » dans la décision de construction du barrage, « gestion catastrophique des opérations de maintien de l’ordre » et « désinformation organisée ».

La commission, composée d’une vingtaine de membres, s’est basée sur l’exploitation d’articles, blogs, vidéos et l’audition de 34 « militants zadistes, responsables politiques et associatifs locaux », témoins « de l’ensemble ou de certains événements » survenus sur la zone. Le président du conseil général du Tarn, le préfet et le commandant de gendarmerie n’ont pas souhaité être entendus, déplore-t-elle.

Ce rapport de 75 pages est accablant pour les forces de l’ordre. « Traîner par terre les manifestants sans ménagement, les pousser dans les fossés ou dans les ronces, leur donner des coups de pieds ou de matraque lorsqu’ils sont bloqués au sol, leur faire des clés de blocage des membres jusqu’à provoquer des luxations… Ces pratiques semblent avoir été fréquemment utilisées par les forces de l’ordre à l’encontre des opposants au barrage, quels qu’ils soient : occupants du site, habitants, syndicalistes ou élus s’opposant au projet de barrage », explique le rapport.

« La survenance d’un drame et la mort d’un homme étaient dans la logique du dispositif mis en place »

Témoignage :

« En arrivant à la maison des druides, nous découvrons des gendarmes qui avaient rassemblé les affaires de tous ceux qui occupaient la maison, et y ont mis le feu. Nous les insultons alors de "cerfs-volants" (entendre cerveaux lents), et face à nos insultes, ceux-ci se préparent pour nous charger mais sans pour autant faire une quelconque sommation. Lorsqu’ils commencent à avancer, je m’enfuis mais trébuche sur une chicane. Je me relève mais étant dès lors à leur portée, je suis frappée dans l’omoplate, dans la cuisse gauche. Face à la dureté du choc, je tombe. Au sol, ils continuent de me frapper avec une matraque. J’hurle. Ils me font une clé de bras et me traînent par les cheveux. Après m’avoir traînée sur plusieurs mètres, quelqu’un m’attrape et me met la lumière dans la figure en disant « alors, c’est qui cette petite merde que vous m’amenez ? »… Une fois allongée, ils mettent leurs chaussures sur ma nuque et sur mes membres (articulations des bras, des jambes) en m’insultant continuellement de « petite pute », de « connasse », de « femelle »... À cet instant, tremblante, je me pose sincèrement la question de savoir s’ils vont me taper, voire me violer. Ils me fouillent et laissent tout sur place sauf le talkie-walkie que je n’ai jamais retrouvé depuis... D’autres gendarmes en treillis m’amènent alors menottée dans le dos… je suis toujours tremblante et en état de choc. Un gendarme du PSIG de Gaillac me met finalement les menottes devant et me signifie mes droits, m’énonce que je suis placée en garde à vue. »

Le rapport ne minimise pas non plus les violences des opposants du site, expliquant néanmoins que si « certains opposants ou prétendus tels, présents sur le site le 25 octobre » (20 à 30 personnes), étaient venus « pour en découdre avec les forces de l’ordre », ils avaient « des moyens matériels limités qui, à l’exception de quelques rares engins incendiaires », n’étaient « pas de nature à mettre sérieusement en danger les forces de l’ordre ».

« Nous avons vraiment peur que ça recommence », a dit Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement, estimant que les pouvoirs publics, dont le Premier ministre Manuel Valls, « poussent à la violence et aux crimes » à Notre-Dame-des-Landes. « Ils sont en train de provoquer les conditions idéales d’une violence extrême. »


LES DEUX ENTERREMENTS

À la mémoire de Rémi Fraisse

Voilà deux enterrements, deux enterrements qui tombent nez à nez, face à face.

Le premier c’est un enterrement très important. C’est le patron de Total, mort accidentellement.
Hommage de la nation unanime, hommage de tous les médias, hommage de la terre entière.

Le deuxième enterrement c’est l’enterrement de Rémi. Rémi Fraisse, 21 ans, tué par une grenade offensive tirée par un gendarme lors d’une manif contre le barrage de Sivens.
Une grenade tirée dans le dos.
Hommage beaucoup moins vibrant.
Le Premier ministre parle de casseur, on parle de malheureuse bavure, on dit que si l’on veut mourir pour des idées, il faut assumer.

À l’enterrement du patron de Total (on ne l’a pas beaucoup souligné), il y avait des oiseaux, des oiseaux endeuillés, des mouettes, des goélands, tout en noir, le noir de la marée noire, le noir de l’Erika, le naufrage pour lequel TOTAL a été condamné.

C’étaient des oiseaux du parti des oiseaux, le parti des djihadistes verts. Djihadistes verts oui, c’est l’expression de Xavier Beulin de la FNSEA. Rémi Fraisse était un djihadiste vert, Rémi Fraisse aimait les oiseaux.

Ces deux figures en quelques heures sont devenues les symboles du présent, deux symboles irréconciliables.
Et là attention camarade, il faut choisir ton camp : l’assassinat ou l’accident.
L’oligarchie a choisi, le pouvoir a choisi la magouille, le cynisme, la violence et tout ce qui dégoûte et qui fait gonfler les voix dans les voiles de la Marine.

Alors, choisis ton camp camarade. Non, tu ne peux pas choisir les deux. Il n’y a pas d’arrangement, choisis ton camp et cours.

Et cours camarade.

Les oiseaux noirs te regardent.

Le vieux monde est derrière toi.

Daniel Mermet
27.10.2014

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Tout un été Là-bas MOI PRÉSIDENT, JE RÉPONDRAI À CHAQUE FRANÇAIS QUI M’ÉCRIRA ! AbonnésVoir

Le

Hervé Le Tellier, prix Goncourt pour son roman L’Anomalie, est moins connu pour sa correspondance avec plusieurs présidents de la République française. Pourtant, dans Moi et François Mitterrand, il dévoilait sa correspondance secrète avec ce grand homme et révélait l’incroyable vérité sur sa mort. Une vérité que les médias ont totalement occultée, il faut avoir le courage de le dire. Mais il évoquait aussi ses échanges épistolaires avec Jacques Chirac aussi bien qu’avec Nicolas Sarkozy. Tous ces grands chefs d’État ont pris le soin de répondre à Hervé alors qu’il n’était pas encore célèbre mais un simple citoyen. Le (ou la) futur(e) président(e) aura-t-il (elle) la même modestie ? Cette question nous fournit l’occasion de (ré)écouter l’entretien qu’Hervé nous a accordé en 2016. À travers ces échanges épistolaires, c’est une partie mal éclairée de notre histoire qui apparaît en montrant le rapport entre ces grands hommes et un modeste citoyen comme Hervé.

Tchernobyl, c’est notre paradis ! Avec les derniers habitants de la zone interdite Les joyeux fantômes de Tchernobyl Accès libreÉcouter

Le

Elles préféraient rester dans la zone contaminée plutôt que de quitter leur maison. Des centaines de milliers d’habitants furent évacués de gré ou de force dans une zone de 30 km après la catastrophe du 25 avril 1986. Mais ces quelques femmes avaient voulu rester, malgré dénuement et abandon.

Environ 700 irréductibles, les SAMOSELY, survivaient ainsi dans la zone la plus contaminée par la radioactivité dans le monde, 2 600 km2, devenue aujourd’hui un « parc involontaire » où se développent une faune et une flore étranges, avec toujours ces habitants tenaces depuis trente ans. (...)