Au théâtre des Bouffes du Nord

Macron, l’exfiltré 

Le

(photo : NnoMan - Collectif OEIL)

Quand le théâtre est dans la rue

Comment faire sortir le théâtre du cercle étroit des initiés ? Comment atteindre le grand public avec des pièces qui le concernent et des mises en scènes qui le touchent ? À ces questions mille fois posées dans le monde de la culture, le spectacle donné hier soir au théâtre des Bouffes du Nord a apporté une réponse éclatante.

En voici le déroulement.

Un couple présidentiel vient assister incognito à une pièce de théâtre contemporain. Assis trois rangs derrière, un jeune journaliste français assiste au spectacle. Avant le lever du rideau, ce jeune homme fait un tweet sur son portable : « Je suis actuellement au théâtre des Bouffes du Nord, trois rangées derrière le président de la République. Des militants sont quelque part dans le coin et appellent tout le monde à rappliquer. Quelque chose se prépare… la soirée risque d’être mouvementée »

La pièce va sortir de sa cage et se mettre en prise avec l’actualité.

Sur le trottoir, dans la circulation, sous le métro aérien, des dizaines de manifestants scandent des slogans hostiles au chef de l’État et demandent le retrait du projet de réforme des retraites « pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur ». D’autres se réfèrent à la Révolution française, « Louis seize, on l’a décapité, Macron, Macron, ça peut recommencer ! »

Quelques personnes tentent de pénétrer dans le théâtre, mais des CRS parfaitement joués par des intermittents, les repoussent fermement. Il y a un petit air de panique qui monte de l’orchestre. D’autres forces de l’ordre prennent position, afin d’assurer l’exfiltration peu glorieuse du couple présidentiel dans le fond du décor par une porte dérobée comme des sans-papiers à la fin du service.
Il y a des huées, des « Macron démission » des « Grèves générales » et aussi des « On est là » à quelques mètres du président et de son épouse.

Acteur ou spectateur, comme jamais chacun ressent la tension dramatique et la dimension politique du spectacle. Le théâtre est sorti de sa sclérose culturelle pour reprendre toute sa vie et toute sa force dans la rue.
On reste encore puis on s’égaie dans la ville encore toute étourdie.
Dans la nuit les images se disséminent à l’infini sur les réseaux sociaux.
Dans les rédactions, les chiens de garde se lèchent les babines.

Sur le trottoir devant le théâtre désert, un type affamé passe et se demande quel goût ça peut bien avoir, cette bouffe du nord ?

Ailleurs dans Paris, dans le commissariat du cinquième arrondissement, un jeune homme de 22 ans commence à trouver le temps long. C’est ce jeune journaliste qui a envoyé le tweet.
Il s’appelle Taha Bouhafs. Il est journaliste chez nous, à Là-bas si j’y suis. Le motif de la garde vue, selon l’AFP : « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Taha était au théâtre. Il a informé, comme n’importe quel journaliste l’aurait fait, qu’il se trouvait dans la même salle que le président de la République et que des manifestants se trouvaient à l’extérieur. C’est ce qui caractérise, selon la police, « un groupement formé en vue de commettre des violences ».

Il y a deux choses que nous conseillons au président de la République Française s’il veut ramener la concorde et la prospérité en France tout en emmenant tranquillement sa charmante épouse au théâtre : la première chose c’est de retirer au plus vite sa réforme des retraites, la seconde c’est de libérer Taha immédiatement.

Daniel Mermet

L'équipe de Là-bas attend vos messages dans les commentaires et sur le répondeur au 01 85 08 37 37 !

Sur notre site

À voir

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Chaque mardi, Olivier Besancenot vous dit UN GROS MOT (vidéo et podcast) Les Gros mots #29 : UTOPIE AbonnésVoir

Le

« L’allocation universelle, une dangereuse utopie sociale » : voilà le cri d’alarme poussé par un membre de l’Académie royale de Belgique dans le quotidien L’Écho. En France, c’est la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui est qualifiée de « vote utopique des bobos » par le magazine Challenges. Quant à RMC, la radio fait mine de s’interroger, « passer à la semaine de quatre jours de travail : utopie ou avancée sociale ? ». Décidément, l’utopie a bien mauvaise presse, tant le mot sert à dénigrer une idée jugée impossible, infaisable, irréalisable. Pourtant, le mot « utopie » n’avait pas cette connotation péjorative quand il a été inventé par Thomas More pour désigner « Utopia », l’île idéale où se trouve « la meilleure forme de communauté politique ».

Les « invididus cagoulés », idiots utiles de Macron ? Une enquête de Dillah Teibi MANIP DE MANIFS ! AbonnésÉcouter

Le

« — L’histoire du flic déguisé en black bloc, vous la connaissez ? Et l’histoire des CRS qui avaient pour consigne de "les laisser casser" ? Si c’est vrai, alors les "individus cagoulés" qui brûlent des McDo seraient des idiots utiles manipulés pour faire diversion ?
— Ça alors, chef, vous croyez ?
— Écoute le reportage de Dillah Teibi, tu vas tout comprendre. »

Refoulement. Comment sont morts les 600 damnés de la mer ? Déroulement d’un naufrage. VIDÉO et PODCAST Deux naufrages en même temps : cinq puissants dans l’Atlantique, 750 misérables en Méditerranée AbonnésVoir

Le

D’un côté, cinq riches touristes disparaissent dans l’Atlantique. De l’autre côté, en Méditerranée, un bateau avec 750 migrants à bord coule en quinze minutes. Le monde entier s’intéresse mille fois plus aux cinq touristes qu’aux malheureux migrants. Les inégalités se creusent dans le monde, des chiffres nous le montrent chaque jour, mais il est rare qu’éclate une preuve aussi violemment obscène. Le naufrage des cinq touristes est soigneusement documenté, mais celui des migrants reste dans le flou. Avec Alice Latouche, chercheuse au CNRS, nous retraçons le déroulement de cette tragédie qui met en cause la Grèce et toute la politique migratoire de l’Union européenne sous la pression de l’extrême droite.

C’est le moment pour déguster le meilleur de LÀ-BAS Le bras du pape, un secret bien gardé Accès libreLire

Le

Insoupçonnable pour le public, c’est un bras articulé qui salue les fidèles. Le pape François, 80 ans, qui souffre d’arthrose à l’épaule et maintenant au coude, doit agiter le bras durant des heures sur le parcours. C’est l’atelier Brandisi de Milan qui a réalisé ce bras articulé d’après un moulage du bras droit de sa Sainteté.