Depuis des années à Corbeil-Essonnes, le « système Dassault » (achat de votes, distributions d’argent) a installé un climat de corruption, de rancœurs et de violence allant jusqu’à une tentative de meurtre. Avionneur, patron de presse, cinquième fortune française, Serge Dassault coule des jours tranquilles dans la douce France du CAC 40. Un grain de sable pourrait-il enrayer la machine ? Une enquête vidéo d’Anaëlle Verzaux.
Zine Eddine Benmakhlouf a suivi Serge Dassault pendant neuf ans. D’abord en tant que médiateur puis, de 2012 à 2016, en tant que garde du corps. Il a assisté de très près au « système Dassault », à Corbeil-Essonnes.
Il raconte sa vision du système et accuse l’actuel maire de la ville, Jean-Pierre Bechter.
Le système Dassault, qu’est-ce que c’est ?
Serge Dassault, 92 ans, avionneur, patron de presse, milliardaire – c’est la cinquième fortune française (20 milliards d’euros )–, a réussi à devenir le maire de Corbeil-Essonnes (91) en 1995, après de nombreuses tentatives.
C’est alors que s’est mis en place le « système Dassault ».
Un système de distribution d’argent, pyramidal, où, pour obtenir la paix sociale d’une part et pour faciliter son élection d’autre part, « SD », comme on le surnomme à Corbeil-Essonnes, fait des dons « philantropiques » à un certain nombre de personnes, et surtout à des jeunes des quartiers des Tarterêts et de Montconseil.
Ces distributions d’argent, qui se font de façon aléatoire, suscitent des conflits, des rancœurs, des suspicions, et jusqu’à une tentative d’homicide : le 19 février 2013, Fatah Hou tombe sous les balles de Younès Bounouara, un de ceux par qui transitait l’argent. Grièvement blessé, Fatah Hou en garde aujourd’hui encore de lourdes séquelles. Pour cette tentative d’assassinat, Younès Bounouara a été condamné à 15 ans de prison.
On estime à au moins 53 millions d’euros le montant des sommes généreusement distribuées par Serge Dassault à la population.
Une générosité qui intéresse la justice qui, en avril 2014, met en examen Serge Dassault pour « achat de vote », « blanchiment » et « complicité de financement illicite de campagne électorale ».
Sept autres personnes de son entourage ont également été mises en examen : l’actuel maire de Corbeil-Essonnes Jean-Pierre Bechter, deux anciens adjoints Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, son comptable suisse Gérard Limat, et trois grands frères, intermédiaires présumés du système (dont Younès Bounouara).
Le 28 juillet dernier, les juges d’instruction ont terminé leurs investigations, ce qui rend le procès possible.
Parallèlement, Serge Dassault a été condamné, jeudi 2 février 2017, à cinq ans d’inéligibilité et deux millions d’euros d’amende, pour avoir dissimulé au fisc des dizaines de millions d’euros pendant quinze ans (jusqu’à 31 millions d’euros en 2006, 12 millions en 2014). Cet argent avait été déposé sur des comptes de sociétés établies au Luxembourg et au Liechtenstein.
Serge Dassault a depuis régularisé sa situation auprès de l’administration fiscale, et a fait appel de ce jugement.
Aujourd’hui, un nouvel acteur apparait dans cette affaire, Zine Eddine Benmakhlouf.
Boxeur professionnel, Zine Eddine Benmakhlouf a été le garde du corps de Serge Dassault pendant quatre ans. Il a été licencié en 2016. Il a reçu pour 900 000 euros de dons de « SD », mais en doit maintenant 300 000 euros aux impôts.
Il poursuit en justice son ancien patron, pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Le jugement doit être rendu mercredi 29 novembre.
Il nous dit qu’il subit des menaces, voici son témoignage.