Il y a cinq ans, dans « La Guerre des idées », Aude Lancelin recevait Bruno Latour (vidéo et podcast)

Bruno Latour est mort, la question reste : où atterrir ?

Le

Cet article est en accès libre grâce aux abonnés modestes et géniaux, mais…

…sans publicité ni actionnaires, Là-bas si j’y suis est uniquement financé par les abonnements. Sans les abonnés, il ne nous serait pas possible de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre indépendance  : rejoignez-nous  !

Je m'abonne J'offre un abonnement
Célébré dans la monde entier, et longtemps méconnu en France, le philosophe Bruno Latour est mort dans la nuit du 8 au 9 octobre. Il y a juste cinq ans, il était l’invité d’Aude Lancelin, dans notre série « La Guerre des idées », autour de son livre Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ?. Il y a cinq ans, c’était le monde d’avant le Covid, d’avant les « gilets jaunes », c’était le début de Macron. La perspicacité d’un chercheur et son utilité se mesure dans la durée. Aussi, avec le recul et en hommage, nous republions cet entretien en accès libre, en gardant les commentaires de l’époque.
Bruno Latour est mort, la question reste : où atterrir ?
par Là-bas si j'y suis

LE PEUPLE A ÉTÉ FROIDEMENT TRAHI

On ne comprend rien aux positions politiques dans le monde depuis 50 ans si l’on ne donne pas une place centrale à la question du dérèglement climatique, et surtout à sa dénégation. Tel est le point de vue développé par le philosophe Bruno Latour, l’un des penseurs français les plus connus au sein du monde anglo-saxon, dans son nouveau livre, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique (La Découverte).

Une réflexion extrêmement originale sur notre situation, qui entend lier dans une même chaîne de causalité la dérégulation financière depuis les années 1980, le climato-scepticisme qu’on a vu croître dans les années 2000 et l’extension actuellement vertigineuse des inégalités.

Tout se passe au fond comme si, compte tenu des perspectives climatiques désastreuses, un petit groupe de super-riches en était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait plus assez de place sur terre pour tout le monde, et que l’idée même d’un monde commun devait être abandonnée. Ainsi, l’auteur de Nous n’avons jamais été modernes et de Politiques de la nature explore-t-il sous un jour nouveau la question du Brexit et de l’élection de Trump, mais aussi plus largement celle des migrations, et de la montée des « populismes », que lui interprète comme un désir somme toute hélas bien compréhensible de revenir aux anciennes protections de l’État national. Un désir à la fois panique et totalement vain, comme on le verra dans l’entretien.

Dans un des livres certainement les plus engagés qu’il ait écrit, Bruno Latour évoque un peuple « froidement trahi » par une classe mondiale de puissants, qui ont abandonné en cours de route l’idée de réaliser la croissance pour tous, faute d’une planète capable de supporter la démesure du système qu’ils lui ont infligé, mais se sont bien gardés d’en avertir les populations.

On trouvera aussi chez le philosophe une remise en cause des médias courageuse et particulièrement pertinente. À travers la création du concept d’« alternative facts », et la pente à voir du « complotisme » derrière chaque effort de lucidité, les journalistes ont voulu s’exonérer de toute responsabilité, et s’auto-persuader que le peuple avait perdu pied par rapport à la réalité, suscitant la création de véritables monstres politiques. Or chacun sait que les médias n’ont pas qu’un peu contribué à les abreuver de mensonges sur les points politiquement les plus décisifs. « Il n’est donc pas étonnant que les gens croient à des faits alternatifs, quand on les fait vivre dans des mondes alternatifs. » Au passage, Latour rappelle salutairement que les faits ne tiennent pas tout seuls, « sans monde partagé, sans institution, sans vie publique », et que la responsabilité des soi-disant élites est donc écrasante dans cette affaire. Un penseur qui s’exprime rarement en France, à découvrir dans cette nouvelle édition de « La Guerre des idées ».

Écouter l'émission version radio

[VIDÉO] Bruno Latour est mort, la question reste : où atterrir ?
Célébré dans la monde entier, et longtemps méconnu en France, le philosophe Bruno Latour est mort dans la nuit du 8 au 9 octobre. Il y a juste cinq ans, il était l’invité d’Aude Lancelin, dans notre série « La Guerre des idées », autour de son livre « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? ».
Là-bas si j’y suis

journaliste : Aude Lancelin
réalisation : Jonathan Duong et Cécile Frey
son : Alexandre Lambert

Voir aussi

 Jacques Doillon, Gébé, Jean Rouch et Alain Resnais, L’An 01, France, 1973, 1h27

 Daniel Mermet et Olivier Azam, Chomsky & Cie, Les Mutins de Pangée, France, 2008, 1h52

Sur notre site

Dans les livres

  • Où atterrir ?. Comment s’orienter en politique

    On ne comprend rien aux positions politiques dans le monde depuis 50 ans, si l’on ne donne pas une place centrale à la question du dérèglement climatique et surtout à sa dénégation. Tel est le point de vue développé par le philosophe Bruno Latour, l’un des penseurs français les plus connus au sein du monde anglo-saxon.

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Tout un été Là-bas MOI PRÉSIDENT, JE RÉPONDRAI À CHAQUE FRANÇAIS QUI M’ÉCRIRA ! AbonnésVoir

Le

Hervé Le Tellier, prix Goncourt pour son roman L’Anomalie, est moins connu pour sa correspondance avec plusieurs présidents de la République française. Pourtant, dans Moi et François Mitterrand, il dévoilait sa correspondance secrète avec ce grand homme et révélait l’incroyable vérité sur sa mort. Une vérité que les médias ont totalement occultée, il faut avoir le courage de le dire. Mais il évoquait aussi ses échanges épistolaires avec Jacques Chirac aussi bien qu’avec Nicolas Sarkozy. Tous ces grands chefs d’État ont pris le soin de répondre à Hervé alors qu’il n’était pas encore célèbre mais un simple citoyen. Le (ou la) futur(e) président(e) aura-t-il (elle) la même modestie ? Cette question nous fournit l’occasion de (ré)écouter l’entretien qu’Hervé nous a accordé en 2016. À travers ces échanges épistolaires, c’est une partie mal éclairée de notre histoire qui apparaît en montrant le rapport entre ces grands hommes et un modeste citoyen comme Hervé.

Tchernobyl, c’est notre paradis ! Avec les derniers habitants de la zone interdite Les joyeux fantômes de Tchernobyl Accès libreÉcouter

Le

Elles préféraient rester dans la zone contaminée plutôt que de quitter leur maison. Des centaines de milliers d’habitants furent évacués de gré ou de force dans une zone de 30 km après la catastrophe du 25 avril 1986. Mais ces quelques femmes avaient voulu rester, malgré dénuement et abandon.

Environ 700 irréductibles, les SAMOSELY, survivaient ainsi dans la zone la plus contaminée par la radioactivité dans le monde, 2 600 km2, devenue aujourd’hui un « parc involontaire » où se développent une faune et une flore étranges, avec toujours ces habitants tenaces depuis trente ans. (...)