Vive la sociale !, de Gérard Mordillat, fait partie de ces films qu’on rechigne à revoir à la télé, et même à revoir tout court, pour ne pas risquer de voir se craqueler la patine délicieusement mélancolique que leur souvenir a déposé dans notre mémoire au fil des années, sans qu’on ait jamais percé le mystère de cette « madeleinisation ».
J’ai connu ce sentiment de gâchis avec « Le grand Meaulnes » que je regrette encore d’avoir bêtement relu et qui ne retrouva jamais cette aura quasi-magique que sa première lecture lui avait conférée
C’est donc avec une appréhension certaine que je m’apprête à revoir le formidable (si mes souvenirs sont bons !) premier long métrage de Mordillat, à la fois audacieux dans sa narration, lucide dans ses enthousiasmes, toujours ironique, parfois jusqu’au sarcasme, et qui nous fait entendre à chaque plan cette petite musique qu’on aime tant à Là-bas si j’y suis, celle qui raconte la gauche éternelle, candide et fraternelle. Une petite musique dont le très jeune et déjà très lucide Gérard avait identifié les fausses notes à venir en cette année hautement symbolique de 1983, celle du « tournant de la rigueur » et de la fin des illusions mitterrandistes.
Allez, camarades, vivement tout de suite !