Le film de Bénédicte Pagnot raconte une histoire de notre temps, celle d’une jeune fille de la classe moyenne, Audrey, saisit à l’âge où tous les futurs devraient encore être possibles, mais qui comprend vite qu’elle ne veut pas appartenir à ce monde qui ne tourne pas très rond (et qui de toute façon ne veut pas d’elle, ni de son père au chômage).
A travers son parcours, s’esquisse le portrait d’une nouvelle génération pleine d’énergie et de révolte qui s’invente chaque jour une vie immédiate à mesure que les lendemains rapetissent. Désenchantée par la politique « classique », Audrey rejette les luttes traditionnelles pour s’incarner dans le slogan : « le monde sinon rien ! ». Ce sont les petits-enfants de mai 68 qui bricolent leur monde à eux (et entre eux).
Dans les scènes de vie du squat, l’organisation au quotidien, les discussions, les disputes et les contradictions, Bénédicte Pagnot s’intéresse à une jeunesse souvent inaccessible et des situations rarement représentées au cinéma. Et ça résonne dans le présent avec spontanéité et justesse. Pour obtenir ce résultat si réaliste, la cinéaste a choisi de faire jouer leurs propres rôles à des squatteurs. Elle a construit son scénario à partir d’improvisations répétées sans caméra, de discussions politiques qu’elle avait avec eux et qu’elle enregistrait en vue de construire ses dialogues. Cependant, il fallait faire fonctionner cette difficile rencontre entre des comédiens formés pour jouer et des comédiens amateurs interprétant des personnages proches de leur propre vie. Et c’est très réussi. Audrey est magnifiquement interprétée par la jeune comédienne professionnelle Pauline Parigot, qui nous rappelle (carrément !) les débuts de Sandrine Bonnaire chez Maurice Pialat.
La cinéaste quarantenaire pose un regard sensible sur une nouvelle génération, un regard tendre mais sans complaisance. Aucune leçon n’est donnée. C’est à prendre ou à laisser.
Les Mutins de Pangée, 2016