MICHEL SIMON, MARCELO MASTROIANNI, DEUX GENRES DE BEAUTÉ
L’un, c’est la beauté des laids qui se voit sans délai, comme disait son ami Gainsbourg en fredonnant avec lui dans l’herbe tendre. L’autre n’a pas cessé de ridiculiser le « latin lover » tout en l’incarnant parfaitement. Deux figures qui furent le contraire de leur image. Le contraire, ou tout à fait autre chose sous leur masque. Au fond, comme chacun d’entre nous.
DIVORCE À L’ITALIENNE, de Pietro Germi (1961)
Il faut montrer ce film à tous ceux qui sont sûrs que « c’était mieux avant » et qui se lancent à la reconquête d’un monde de faux-culs et de cul-bénits, ces temps de puritanisme catholique où, en Italie, le divorce était rigoureusement interdit par la loi. Par contre, le mari trompé qui lavait son honneur dans le sang rencontrait l’indulgence du tribunal comme de la société. Ainsi le héros du film (Mastroianni), lassé de son épouse (un peu moustachue) et fou amoureux de sa fraîche nièce de 17 ans, échafaude tous les stratagèmes dans l’espoir de devenir le plus cocu possible. Le sort promis à tous les partisans du grand bond en arrière qui réclament le retour des valeurs authentiques.
Voici l’article 587 du code pénal transalpin, abrogé en 1981 : « qui cause la mort de sa conjointe, de sa fille ou de sa sœur, dans l’acte où il en découvre la relation charnelle illégitime et dans l’état de colère déterminé par l’offense faite à son honneur ou à celui de sa famille, est puni de 3 à 7 ans de réclusion. Une telle peine est aussi applicable à qui, dans les dites circonstances, cause la mort de la personne qui serait dans une relation charnelle illégitime avec la conjointe, la fille ou la sœur ».
LA CHIENNE, de Jean Renoir (1931)
Un des tout premiers films français du cinéma parlant et l’un des plus grands succès de l’avant-guerre. Adapté du roman de Georges de La Fouchardière (journaliste au Canard Enchaîné), et mettant en scène le génie de Michel Simon, celui que Charlie Chaplin considérait comme « le plus grand acteur du monde ». Acteur dans plus de cent films et autant de pièces de théâtre, il était passionné de sexe et d’érotisme et sa formidable collection à ce sujet fut saccagée et dispersée après sa mort en 1975. Dans ce film, il est jeune, 35 ans, mais à la fin on voit apparaître la silhouette de Boudu.
Jean Renoir disait : « en ce qui concerne Michel Simon, je rêvais de le voir sur l’écran avec certaines expressions (…) je rêvais de le voir avec une espèce de masque qui est aussi passionnant qu’un masque de la tragédie antique. Et j’ai pu réaliser mon rêve. »
Les deux autres vedettes ont eu un destin dramatique, ressemblant à une suite tragique du film. Lors du tournage, Georges Flamant, qui tenait le rôle du maquereau, était réellement tombé amoureux de sa partenaire, l’actrice Janie Marès (23 ans).
Dans son autobiographie, Jean Renoir raconte les circonstances du drame : « Georges Flamant, ébloui par la perspective de devenir une « star », s’était acheté une grosse voiture américaine. Il savait à peine conduire. Les prises de vue du film terminées, il emmena Janie Marèse dans sa voiture, eut un accident et la jeune femme fut tuée [1] ».
Michel Simon ressentit le coup si douloureusement qu’au cours de l’enterrement il s’évanouit.
L’ATALANTE, le chef-d’œuvre de Jean Vigo, à voir ou à revoir
Puisqu’on est avec Michel Simon, on vous propose de voir ou de revoir L’ATALANTE, de Jean Vigo. Il faut enjamber les superlatifs et les tonnes d’analyses pour regarder ce film en se laissant simplement toucher. Troisième et dernier film de Jean Vigo, mort à 29 ans, en 1934, juste après ce film qui a fait l’objet d’un tas de retouches et de restaurations. Cette version se veut un retour le plus fidèle à sa version d’origine :
En bonus, une interview de François Truffaut par Éric Rohmer, à propos de L’Atalante :