Le lettre hebdo de Daniel Mermet

Marine et Manu préparent la dissolution*

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Cher Manu,

Je trouve enfin un moment pour te répondre pendant ces audiences et ces plaidoiries à mourir d’ennui. J’espère que vous allez bien Brigitte et toi depuis l’autre soir, cette omelette aux cèpes était une merveille. Dis-lui que le manteau de mi-saison qu’elle m’a conseillé pour le procès est parfait, pas de fantaisie mais chic quand même. Cette affaire est kafkaïenne. Les médias ont repris nos éléments de langage, ces petits moutons sont toujours parfaits avec nous. On perd du temps dans ce tribunal mais on risque quoi ? Une grosse amende ? Pas de souci, on paiera, comme dit Jordan, on est pété de thunes. Une peine d’emprisonnement ? Trop bien ! Me voila embarquée. « Qui va s’occuper de ses chats ? » Je vois déjà les titres et mes chats tout maigres. Un record de com’ ! On prend dix points. Reste l’inéligibilité. Là, c’est encore mieux ! C’est cadeau ! Enfin libre ! Je prends un aller simple pour les Bahamas avec mes chatons et je laisse tout tomber. 38 ans que je suis dans ce vieux potage. Que Bardella reprenne la boutique, la star de TikTok avec ses deux millions de followers et ses dents qui rayent le parquet. Mais c’est vrai qu’il y a du boulot. Là, il vient de finir les coloriages qu’on lui a donnés à faire pour qu’il apprenne où est le Liban, Gaza, Israël et tout ça.

À ce propos, dis-moi si tu as des ennuis avec Nétanyahou, je peux t’arranger le coup, c’est un copain. Demander d’arrêter de lui livrer des armes, c’est pour de rire bien sûr. Si tous les juifs étaient aussi fachos que Nétanyahou et sa bande, jamais le vieux Le Pen n’aurait été aussi antisémite. Maintenant, c’est Méluche qui porte le chapeau. Jean-Marie Méluche, c’est lui ! C’est comme ça qu’on l’appelle quand on casse la croûte avec Bolloré. C’est lui qui lui a fait accrocher toutes ces casseroles par ses collabos mais tous les médias ont suivi en rang serré.

Sinon j’ai le petit Ciotti qui me fait des cacas nerveux, il est fou jaloux de Retailleau. On passe pour des mous du genou, il nous siphonne la clientèle, on passe pour des wokistes, lui il y croit vraiment. Je le rassure, c’est un gouvernement provisoire, on les fait sauter quand on veut. Ils nous obéissent au doigt et à l’œil en attendant comme convenu la prochaine dissolution. Je sais qu’on peut compter sur toi, Manu. En attendant, comme dit Jordan, c’est nous qu’on tire les ficelles du feu. Il m’étonne chaque jour.

En tout cas, merci encore Manu et bravo ! Faire un gouvernement avec exactement le contraire de ce que voulaient les électeurs, c’est très fort et ton Barnier est pour nous le larbin idéal. Je ne lui réponds même pas tout de suite quand il m’appelle au téléphone. Le gouvernement ne fait rien sans mon feu vert alors que je suis collée dans ce tribunal à entendre ce vieux cabotin négationniste de Gollnisch !

Sinon, il y en a un qui commence à m’agacer, c’est ce président espagnol, le Pedro Sánchez. Il braille partout que l’immigration est une chance pour la prospérité du pays. En sortant de voir le pape, il dit qu’il faut s’opposer à la vague anti-immigrants qui secoue l’Europe. Il dit que les Espagnols sont les enfants de l’immigration et qu’ils ne peuvent pas être les parents de la xénophobie. Je viens de lire ça. N’importe quoi ! Il faut vite lui mettre le chapeau antisémite à celui-là. Sinon nos pigeons d’électeurs vont finir par se poser des questions. C’est vrai que c’est nous qui avons la meilleure recette avec l’épouvantail de l’immigration. C’est un filon inépuisable. L’immigration fait l’amalgame de toutes les angoisses, le terrorisme islamiste, les révoltes des banlieues, les fraudes fiscales, la criminalité, et maintenant le viol ET l’antisémitisme ! Mais c’est vrai qu’il y a de la concurrence sur le créneau et il ne faudrait pas que ce genre d’Espagnols vienne nous casser la baraque en Europe et faire prendre conscience à nos électeurs chéris. Il y a urgence à lui mettre des casseroles. N’oublions pas que l’Espagne a viré les juifs d’Espagne. Ils ont ça dans le sang.

Sinon j’ai repensé à ce qu’on se disait l’autre soir sur ton avenir après 2027. La meilleure idée en effet, c’est que tu te tournes vers le théâtre, tu feras un tabac, c’est le rêve de Brigitte, elle nous l’a répété, tu as une vraie voix de comédien, je te vois bien dans Shakespeare ou dans Claudel, tu pourrais te mettre à chanter aussi, j’en suis sûre, souviens-toi de Bernard Tapie, toi tu pourrais faire du rap pour les jeunes, avec ton anglais tu feras le tour du monde et vous viendrez me voir aux Bahamas !

À très vite !

(Gollnisch est toujours en train de brailler !)

Marine

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.