Un article de Gideon Levy publié dans « Haaretz »

Humiliation, torture et viol : les forces israéliennes terrorisent un camps de réfugiés palestiniens

Le

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Pendant que les massacres se poursuivent au Liban et à Gaza, la Cisjordanie n’est pas épargnée par la violence des forces israéliennes, pourtant peu relayée par la grande majorité des médias en France. C’est pourquoi nous vous proposons, en français, cet article de Gideon Levy paru le 25 octobre dans Haaretz.

De gauche à droite, les frères Aysar, Mohammed et Tamim Abu Hashhash, chez eux au camp d’Al-Fawar (photo : Tomer Appelbaum)

Des soldats israéliens ont maltraité des personnes lors d’un raid dans un camp de réfugiés isolé dans les territoires. Au cours de leur violente incursion, les troupes ont arrêté 30 habitants, dont 27 ont été relâchés le lendemain.

Les habitants du camp de réfugiés d’Al-Fawar n’oublieront pas cette nuit de sitôt. Situé dans une partie reculée de la Cisjordanie, au sud d’Hébron, Al-Fawar est l’un des camps les moins violents ; il ne compte pas de groupes armés locaux comme ceux des camps du nord de la Cisjordanie. Mais ce camp, auquel Israël impose un siège partiel depuis le début de la guerre – auquel s’ajoute un chômage presque total dû à l’interdiction faite aux travailleurs d’entrer en Israël – est également soumis à de fréquents raids des forces de défense israéliennes.

Le raid de la nuit du 18 au 19 septembre a peut-être été le plus violent de tous, de mémoire récente. Personne n’a été tué, mais le comportement des soldats a été violent – parfois même carrément sadique, selon les résidents locaux avec lesquels nous nous sommes entretenus cette semaine.

Le lendemain, en fin de journée, les troupes ont quitté Al-Fawar avec leur « butin » : trois jeunes détenus. Tous les autres jeunes hommes qu’ils avaient placés en détention et interrogés pendant la nuit ont été rapidement relâchés. Le but principal de l’opération semble avoir été de commettre des abus, de faire une démonstration de force. Peut-être aussi de donner un peu « d’action » aux soldats, qui doivent envier leurs copains de la bande de Gaza, où les violences sur la population sont légion. Peut-être s’agissait-il de donner à ces troupes le sentiment qu’elles accomplissaient un « service utile ». Il est difficile de trouver une autre explication à l’invasion d’Al-Fawar.

L’entrée principale du camp, depuis l’autoroute 60, le principal axe de circulation en Cisjordanie, est bloquée par une barrière métallique depuis le début de la guerre ; nous avons réussi à entrer par un autre itinéraire, en passant par la ville de Yatta. Il y avait un semblant de vie routinière dans la rue principale : des centaines d’enfants rentrant de l’école, des magasins ouverts, des gens qui se promenaient.

Mais la scène était trompeuse, et enracinée dans le désespoir le plus profond. La plupart des hommes d’Al-Fawar sont sans emploi et désœuvrés depuis plus d’un an. L’humiliation de la nuit du 19 septembre n’a fait qu’amplifier leur sentiment de désespoir total.

Un garçon palestinien dans le camp de réfugiés d’Al-Fawar en 2021. C’est l’un des camps les moins violents ; il n’y a pas de groupes armés locaux comme dans les camps du nord de la Cisjordanie (photo : Alex Levac)

Une guerre contre les enfants

Mohammed Abu Hashhash, un célibataire de 52 ans qui a été incarcéré en Israël pendant 11 ans, est le maire du camp et le responsable local du Fatah. C’est le bureau des plaintes pour toutes les formes de détresse qui touchent les résidents. L’UNRWA, l’agence des nations unies pour les réfugiés, verse une maigre aide sociale de 250 shekels (environ 67 dollars) par famille et par mois (uniquement aux familles nécessiteuses), en plus du salaire que l’agence verse à ses employés locaux : enseignants, personnel de santé et d’assainissement. Le personnel de l’Autorité palestinienne a vu son salaire réduit récemment, en raison de la situation économique de l’Autorité palestinienne. Abu Hashhash essaie d’aider, bien que les caisses soient vides : il dit qu’il ne se souvient pas d’un niveau de détresse économique aussi dramatique dans le camp.

C’est une personne cordiale qui parle bien l’hébreu et qui se promène tranquillement avec nous dans les rues du camp. On pourrait croire que nous nous promenons à Tel Aviv. Il a été contraint de fermer la station-service pirate qu’il possède sur l’artère principale en raison du bouclage partiel du camp imposé par les autorités israéliennes. Le Shin Bet, le service de sécurité, l’appelle fréquemment pour lui demander de s’engager à empêcher les jets de pierres sur les voitures des colons sur la route 60.

« Le Shin Bet peut-il empêcher les jets de pierres ? Comment puis-je garantir que les enfants ne jetteront pas de pierres ? » leur dit-il – et à nous aussi. « Nous ne croyons pas à la guerre, mais regardez la télévision... Des enfants ont été brûlés [à mort] dans un hôpital de Gaza. C’est une guerre contre les enfants. Comment puis-je leur dire de ne pas jeter de pierres ? Ils voient ce qui se passe à Gaza. » Il y a trois semaines, ajoute Abu Hashhash, des soldats ont fait irruption chez lui et l’ont battu, après qu’un agent du Shin Bet lui a ordonné de se rendre à son bureau à 4 heures du matin, ce qu’il a refusé.

Sept habitants d’Al-Fawar ont été tués par l’armée depuis le 7 octobre 2023. L’un d’entre eux, Yahya Awad, 29 ans, employé de nettoyage, a été tué le mois dernier sous une pluie de balles alors qu’il tentait de fuir les soldats ; une vidéo le montre en train de courir pour sauver sa vie. Il a laissé une femme et deux jeunes enfants. Manal al-Ja’bri, chercheuse de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, a compté près de 100 impacts de balles à proximité de l’incident, près du magasin de téléphones portables du camp. Elle a également enquêté sur les événements des 18 et 19 septembre avec Basel al-Adraa, l’autre chercheur de terrain de B’Tselem dans la région d’Hébron.

« Dans le passé, les soldats respectaient les personnes âgées, les enfants et les femmes », explique Mohammed Abu Hashhash. « Aujourd’hui, ils ne respectent personne, ils n’ont aucun respect pour les Palestiniens. »

Sari Abu Hashhash, un homme brisé (photo : Tomer Appelbaum)

Des abus scandaleux

L’armée a pris d’assaut le camp vers 22 heures le 18 septembre et ne s’est retirée que le lendemain en fin d’après-midi. Pendant tout ce temps, les habitants sont restés bloqués dans leurs maisons.

Le frère de Mohammed, Sari, 45 ans, est assis sur le canapé de la belle maison de Mohammed, dans la rue principale du camp. C’est une personne brisée ; il a perdu 30 kilos au cours des derniers mois. En décembre dernier, Sari a reçu une balle dans l’estomac tirée par des soldats alors qu’il traversait la route tard dans la nuit. Il raconte qu’il se rendait à l’épicerie voisine, sans savoir que des troupes se trouvaient dans le camp. Aujourd’hui, une poche de stomie est attachée à son tube digestif ; il attend, brutalement amaigri, une nouvelle opération.

Les deux frères, qui pensaient avoir déjà tout vu, sont désemparés par ce qui s’est passé lors de cette nuit fatidique. Mohammed estime que les soldats sont entrés dans 50 maisons du camp, dont 19 appartenaient à des membres de sa famille élargie. Les troupes ont brisé les fenêtres, enfoncé les portes, saccagé les maisons et malmené les habitants.

Son neveu a été victime d’abus scandaleux, explique le maire, faisant référence à Mohammed Abdallah Abu Hashhash, un étudiant de 24 ans. « C’est un garçon adorable, il n’a rien fait », affirme son oncle. L’étudiant n’a pas souhaité nous rencontrer, mais le maire nous a raconté ce qui s’est passé : les soldats l’ont forcé à s’allonger sur le ventre sur le sol de la salle de bain de sa maison et lui ont enfoncé du sucre, des piments et de la sauge dans l’anus.

La même nuit, les troupes ont expulsé les 20 personnes vivant dans la maison de la famille de Mohammed al-Hatib, âgé de 75 ans, et ont transformé l’habitation en un centre d’interrogatoire improvisé du Shin Bet. C’est là que les soldats ont amené leur premier butin – 30 détenus – pour les interroger.

Mussa Abu Hashhash, l’un des nombreux frères et sœurs du maire, 54 ans et père de cinq enfants, est confiné dans sa maison, également située dans la rue principale du camp. En 2001, il a reçu une balle dans la tête alors qu’il travaillait pour la police palestinienne dans la ville de Samua, à l’extrême sud de la Cisjordanie. Aujourd’hui, Mussa est partiellement paralysé, son élocution est lourde, sa démarche est instable et sa tête est déformée. Le 19 septembre, des soldats ont également fait irruption dans sa maison. Le résultat a été brutal, nous dit la famille.

Mussa Abu Hashhash et ses trois fils. Les soldats les ont emmenés dans la cuisine, l’un après l’autre, et les ont battus, raconte Mussa (photo : Tomer Appelbaum)

La porte d’entrée a été forcée à 4 heures du matin et environ 30 soldats sont entrés. La première personne qu’ils ont rencontrée a été le fils de Mussa, Aysar, 20 ans, qui étudie la médecine nucléaire à l’université polytechnique de Palestine à Hébron. Les soldats lui ont ordonné de rassembler les six membres de la famille qui se trouvaient à la maison dans le salon, leur ont confisqué leurs téléphones portables et leurs cartes d’identité et les ont forcés à s’agenouiller sur le sol. Ce n’était qu’un prélude à la brutalité.

Les soldats ont emmené séparément les trois fils de Mussa dans la cuisine. Sur une tablette que les soldats avaient apportée avec eux, ils ont montré aux trois une photo d’un fusil et ont exigé de savoir à qui il appartenait et où il était caché. Lorsque Aysar et ses deux frères – Mohammed, 23 ans, et Thamim, 16 ans – ont déclaré qu’ils ne savaient rien de cette arme, ils ont été frappés sur tout le corps. Les soldats ont appelé leur commandant pour lui demander s’ils devaient placer Mohammed en détention.

Les trois beaux jeunes frères sont maintenant assis dans le salon, vêtus de noir. Mohammed semble être le plus mal en point. Il nous raconte, un peu à contrecœur, que les soldats l’ont menotté et poussé dans la salle de bains ; ils lui ont enfoncé la tête dans la cuvette des toilettes et ont essayé de refermer l’abattant sur lui, puis lui ont versé de l’eau du réservoir des toilettes sur la tête. Cette série d’abus a été répétée trois ou quatre fois, dit-il. Lorsque Mohammed a été ramené dans le salon, un soldat lui a enfoncé un doigt dans l’œil – et sa mère, Arij, 48 ans, a crié : « ça suffit ! »

Mussa, le père handicapé, n’a pas pu se contenir face à ce que ses fils enduraient. Furieux, il a frappé ses mains sur ses genoux et un soldat l’a giflé au visage. La famille affirme qu’un soldat a également frappé Bathul, 20 ans, la sœur jumelle d’Aysar.

Finalement, les troupes ont décidé d’emmener Mohammed dans la maison, située à quelque 200 mètres de là, qui avait été transformée en centre d’interrogatoire. Le Shin Bet utilisait deux de ses pièces pour interroger les hommes qui y avaient été amenés et forcés à s’agenouiller, les yeux bandés, sur le sol – une pièce sous les auspices du « capitaine Zaidan », l’autre sous ceux du « capitaine Eid ».

Mohammed a été contraint de s’agenouiller pendant son interrogatoire, mais on lui a retiré son bandeau. Le capitaine Zaidan l’a menacé d’arrêter toute sa famille s’il ne révélait pas l’endroit où le fusil était caché. Entre-temps, il s’avère que les soldats restés dans la maison ont menacé Mussa d’expulser ses enfants vers Gaza.

Zaidan a dit à Mohammed qu’il était coincé dans une fosse profonde et que lui seul, l’agent du Shin Bet, pouvait le sauver. Naturellement, il a exigé une certaine forme de collaboration en échange. Mohammed, qui a été libéré en février après avoir purgé une peine de quatre ans pour atteinte à la sécurité, a rappelé à son interrogateur que c’était la cinquième fois que le Shin Bet lui proposait de devenir un informateur. Il a insisté sur le fait qu’il avait refusé les fois précédentes et qu’il refuserait cette fois encore. « En d’autres termes, vous insistez maintenant pour retourner en prison », a menacé l’agent, qui a sorti un formulaire et l’a attaché avec du ruban adhésif au bras de Mohammed.

À 17 heures, alors que l’incursion dans le camp se terminait, Mohammed a été libéré. Des soldats se trouvaient encore dans sa maison lorsqu’il y est arrivé. La famille raconte que dans l’intervalle, les soldats ont mangé et bu dans une pièce du rez-de-chaussée de la maison.

Hana et ses enfants, Bayalsin et Mahmoud. Selon la famille, les troupes ont jeté ses médicaments à la poubelle (photo : Tomer Appelbaum)

Un simple jouet

La famille à laquelle nous avons ensuite rendu visite n’oubliera jamais les horreurs de cette même nuit du mois dernier. Il s’agit de la maison de Haitham Ganza, 56 ans, père de six enfants. Sa fille Bayalsin, 26 ans, est diplômée de l’académie militaire de l’Autorité palestinienne et travaille comme officier dans l’agence de renseignement palestinienne. Elle aussi était dans la maison cette nuit-là, avec sa mère malade et son père qui parle hébreu et qui, jusqu’à la guerre, travaillait comme peintre en bâtiment et expert en plâtrerie à Be’er Sheva.

Là aussi, les troupes ont forcé l’entrée de la maison à 4 heures du matin. La vingtaine de personnes qui se trouvaient à l’intérieur ont reçu l’ordre de descendre dans l’appartement d’un oncle qui habite au rez-de-chaussée. Le fils de Haithan, Mahmoud, 24 ans, a été emmené dans la cuisine et battu, notamment sur les parties génitales. Par la suite, il n’a pas pu se lever. Ses frères et sœurs ont tenté d’expliquer aux soldats que leur mère, Hana, âgée de 54 ans, avait récemment subi une intervention chirurgicale. Rien n’y fait. Elle aussi a été contrainte de s’asseoir par terre. Les soldats ont jeté ses médicaments à la poubelle ; ils ont également placé les hommes et les femmes de la famille dans des pièces séparées.

Là aussi, les soldats ont cherché une arme, mais ils n’ont rien trouvé d’autre qu’un fusil en plastique – un jouet. « J’ai senti qu’il y avait quelque chose de vraiment mauvais dans la façon dont ils nous regardaient », se souvient Bayalsin. Hana, qui priait sur le sol, a reçu l’ordre de s’arrêter ; elle a tenté de protester, mais un soldat l’a réduite au silence. Bayalsin les a entendus la traiter de « poupée ». « Dieu merci, je n’ai pas entendu cela », murmure son père en hébreu. « Nous n’aurions pas gardé le silence après une chose pareille. Je suis resté à genoux pendant trois heures et demie. J’ai failli mourir. J’ai commencé à transpirer comme je ne l’avais jamais fait auparavant, pas même pendant mon travail à Be’er Sheva. »

Le service de communication des forces de défense israéliennes a répondu cette semaine que les forces de l’armée « ont mené une opération en septembre pour contrecarrer et arrêter des activistes terroristes dans le camp de réfugiés d’Al-Fawar. Les allégations présentées ici ne sont pas connues des forces de défense israéliennes. Si des plaintes sont reçues, elles seront examinées selon les procédures habituelles. »

Mahmoud nous montre son téléphone portable, qui a été brisé par les troupes, ainsi que des cendriers et d’autres objets. Il raconte qu’un soldat a prié et soufflé dans le chophar [1]. Les soldats se sont servis en chocolats et en fruits qui restaient dans le réfrigérateur de la famille après le mariage d’un parent. « Mais ils ont fait du café à leurs frais - du café [israélien] Elite », dit son père, un sourire amer sur le visage.

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  • Là-bas 2024 : douze mois, douze articles « Indépendance cha cha » : l’hymne de l’indépendance du Congo Abonnés

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    Parmi l’histoire mondiale de toutes les exploitations, celle du Congo et des Congolais par le roi des Belges est sans doute l’une des plus effroyables et des plus exemplaires. Exemplaire jusques et y compris l’« indépendance » du pays, officiellement décrétée le 30 juin 1960.

    Non contente de faire croire que l’indépendance du Congo fut l’aboutissement de la politique coloniale belge et une largesse généreusement accordée par le roi, la Belgique fit assassiner, avec l’appui de la CIA, son premier Premier ministre, Patrice Lumumba. Ses torts ? Avoir sollicité le soutien de l’URSS face aux impérialismes belge et états-unien, et s’être farouchement opposé à la mainmise de l’ancienne puissance coloniale sur la riche province minière du Katanga. La légende raconte que c’est Patrice Lumumba lui-même qui invita le chanteur Grand Kallé à venir jouer pour célébrer l’indépendance du pays. Il interpréta avec son groupe African Jazz ce qui devait devenir un tube pour les 65 années à venir : Indépendance Cha Cha.

  • Tous les mois, Là-bas offre plusieurs films gratos à ses chères abonnées et ses chers abonnés ! Le ciné Là-bas de janvier : chaque mois des beaux films pour nos abonnés adorés Abonnés

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    Fondateur avec Henri Langlois de la Cinémathèque française en 1936, George Franju fut le créateur, avec Les Yeux sans visage, d’un des mythes les plus fertiles de l’histoire du cinéma. Au-delà de ce classique, Franju ne cessa de mettre en scène la lutte des puissances anarchistes du rêve et de la nuit avec celles, aliénantes, du pouvoir.

    Le visage ciselé, idéal mais artificiel de Christiane recouvre un cauchemar : une face mutilée et crevassée de cicatrices noires. Ce masque de Colombine rêveuse est la prison des fantasmes de son père, mandarin gonflé de son pouvoir. Génessier a fait du visage de Christiane son chef-d’œuvre inconnu, sans cesse recommencé à partir de la peau qu’il arrache à d’autres jeunes filles. Le miroir obscur menant aux Yeux sans visage, Franju l’a d’abord traversé dans le documentaire. Dans le court métrage Poussières, la délicatesse et la blancheur de la porcelaine dissimulent les poumons cancéreux des ouvriers du kaolin. La belle visiteuse blonde du musée d’Hôtel des Invalides, qui se recoiffe dans un périscope, a quant à elle pour reflet les gueules cassées de 14. L’envers de la beauté, de la paix ou du confort est la maladie, la défiguration et le pouvoir qui s’exerce sur un peuple réduit à ce que Franju nommait les « métiers d’épouvante ». Ceux-ci se pratiquent sous la surface de la terre, les mines, le métro, ou dans les abattoirs des faubourgs, monde « noble et ignoble » (Cocteau, sur Le Sang des bêtes, 1949) dont le décor devient cet assemblage de peau, de viande fumante et d’os. Là réside l’épouvante pour Franju, dans un fantastique débarrassé de tout folklore mais qui touche à des angoisses profondes, et en premier lieu les siennes. Il déclarait souvent avoir tourné Le Sang des bêtes alors qu’il adorait les animaux, La Tête contre les murs alors que rien ne l’effrayait plus qu’être « contaminé par les fous », et Les Yeux sans visage alors que les lames le terrorisaient.

  • Là-bas 2024 : douze mois, douze articles Lucie Castets, pas seulement le tube de l’été ? Accès libre

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    Comme par magie, elle est sortie du chapeau de la gauche le 23 juillet 2024. La voix des dieux de gauche est sortie des nuages : « petite Lucie, tu vas faire première ministre ! ». « Quoi ? Moi ? Qui n’ai aucun mandat, qui ne demande rien, qui ne connais guère la jungle politicienne ? »

    La voilà poussée en pleine lumière et, miracle incroyable, toutes les gauches sont d’accord pour l’installer à Matignon. Après Léon Blum et François Mitterrand, la gauche unie s’appelle Lucie Castets. On l’acclame, on lui joue Lucy in the Sky, oui mais c’est qui ? Énarque, économiste, militante des services publics, ouverte au compromis et toutes gauches compatible. Dans les rédactions, on est partagé, doit-on écrire haut fonctionnaire ou haute fonctionnaire ? Vite fait la voilà médiatisée, la voilà peopolisée, la voilà dézinguée : Lucie et son rouge à lèvres, ce sera juste le tube de l’été, et basta. Matignon, c’était pour de rire, pour le carrosse c’est retour citrouille. Oui mais dans Castets, il y a castagne, la gauche ne l’a pas lâchée et pour la suite elle est très décidée. Mais décidée à quoi ? Dialogue avec Laurence De Cock.

Une sélection :

La lettre hebdo de Daniel Mermet La résistance d’un prof israélien accusé de trahison Accès libreLire

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On tue Nasrallah, on oublie Gaza, on danse à Tel Aviv, Nétanyahou exulte, BHL est de retour. Joe Biden pleure les enfants morts et fait l’indigné tout en livrant ses bombes à Bibi. Bonne nouvelle aussi pour le RN et Marine Le Pen, ses amis d’extrême droite remportent les législatives en Autriche. Le FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche ) – qui soutient Israël – est un parti franchement nazi. Son leader Herbert Kickl veut devenir le VOLKSKANZLER, le « chancelier du peuple », titre emprunté à un autre autrichien, Adolf Hitler.

Hommage à Catherine Ribeiro (1941-2024) Catherine Ribeiro en concert aux Bouffes du Nord Accès libreVoir

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En 1995, la chanteuse Catherine Ribeiro créait au théâtre des Bouffes du Nord le spectacle « Vivre libre ». Elle y chantait ses propres chansons mais aussi celles d’Aragon, de Barbara, Brel, Ferrat, Ferré, Lluís Llach, Colette Magny, Gérard Manset, Danielle Messia, Anne Sylvestre et même, si vous allez jusqu’à la fin, une surprise à réécouter alors que nous célébrons le 80e anniversaire de la libération de Paris. En hommage, nous vous proposons de découvrir ce concert :

L’historien Gérard Noiriel publie PRÉFÉRENCE NATIONALE (Gallimard,3.90Euros) (Vidéo et podcast | durée : 51’23) Préférence nationale : cette vieille recette facho, un sujet urgent AbonnésVoir

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« Il y a toujours un groupe qui symbolise le rejet en fonction de la conjoncture du moment », dit l’historien Gérard Noiriel. Il est urgent de démonter le système de cet apartheid dont les électeurs du RN sont souvent eux-mêmes les premières victimes.