C’est une histoire qu’on entend depuis le début du soulèvement des « gilets jaunes » : ce mouvement populaire serait noyauté par l’extrême droite. Paris Match, qui affiche à sa Une un antisémite notoire [1], quelques banderoles complotistes photographiées [2], une poignée d’imbéciles qui font des « quenelles » devant le Sacré-Cœur en profanant le Chant des partisans [3], le cortège du Nouveau parti anticapitaliste attaqué par des nervis fachos [4], autant d’éléments montés en épingle par l’éditocratie pour repeindre le mouvement en explosion séditieuse, tantôt d’extrême droite, tantôt rouge-brune.
Qu’en est-il réellement ? Si la présence de quelques bas du front nationalistes, racistes ou complotistes est attestée, les reportages que nous produisons ou que nous pouvons lire ou entendre à droite et à gauche depuis douze semaines montrent une tout autre réalité. Par leurs revendications, les « gilets jaunes » ne cessent de produire des signifiants de gauche : hausse des salaires, hausse des retraites, démocratie directe, justice fiscale, services publics de qualité, etc.
Pour autant, les tentatives de noyautage des ronds-points par l’extrême droite ont bel et bien existé localement. Arrêtons-nous sur le cas d’un certain Jean-Claude Resnier, « figure » médiatique du mouvement, porte-parole revendiqué des « gilets jaunes » de plateau en plateau.
Alertés par les « gilets jaunes » de Rungis qui l’avaient expulsé de leurs rassemblements pour ses positions racistes, et alors qu’il devait participer à l’émission co-animée par Marlène Schiappa et Cyril Hanouna sur C8 dans le cadre du « grand débat national », nous avons simplement remonté le fil de ses réseaux sociaux pour situer ce porte-parole qui ne cessait de se prétendre « apolitique ». Un rapide coup d’œil donne le pedigree du bonhomme : injures racistes, menaces physiques, appel à tabasser des femmes voilées, et autres délicatesses. Il n’était pourtant pas du tout présenté ainsi par les médias qui l’invitaient à s’exprimer.
En juillet 2018, il traitait des femmes portant le voile intégral de « sales races de pute » et appelait à les « démonter à coup de batte de baseball »
En mai 2018, sous cette publication du sénateur Front national Stéphane Ravier, il suggère que tous les musulmans repartent au bled avec les mosquées.
Dans une autre publication de ce même Stéphane Ravier en mars 2018, concernant des migrants réfugiés à la basilique Saint-Denis, il parle de « renvoyer ces putains de makakes (sic) bouffer leurs bananes dans leur jungle ».
Sur une photo d’un jeune homme brandissant un drapeau de l’Algérie, il appelle à « tirer à vue ». Une plainte a été déposée par ceux qui nous ont alertés (copie du procès-verbal ci-dessous).
Tant qu’à faire, Jean-Claude fait aussi l’éloge du colonialisme et du lieutenant Jean-Marie Le Pen :
Et la liste des propos de ce goût, tenus par Jean-Claude Resnier, que nous avons recensés, est encore longue. Vous pouvez la consulter intégralement sur notre compte Twitter, si vous n’avez pas déjà la nausée.
Grillé et viré par le groupe des « gilets jaunes » de Rungis, il se réfugie à nouveau derrière l’apolitisme et l’« asyndicalisme ».
Un cas intéressant, que nous ne voulons pas, nous non plus, monter en épingle, mais qui en dit long sur la médiocrité du travail journalistique de ces chaînes qui proposent à longueur d’antenne des débats de plateaux plutôt que des reportages, et qui ne prennent même pas la peine de vérifier qui elles invitent. Au point qu’un type ouvertement raciste, rejeté par son groupe « gilets jaunes » visiblement plus vigilant que les rédactions, puisse être invité à s’entretenir à la télé avec une ministre, Marlène Schiappa, devant une audience jeune et populaire.
Après nos révélations, transmises à la production de Cyril Hanouna, Jean-Claude Resnier a été recalé du plateau, et relégué dans le public. Il n’a pas eu la parole au cours de l’émission.
Visiblement embarrassé par notre recension de ses propos abjects, il s’est fendu d’un message d’excuse (peu convaincant), sur son compte Facebook – compte qu’il a depuis « nettoyé ».
Voilà une histoire qui montre que l’infiltration des ronds-points par une minorité d’extrême droite est une réalité. Combien sont-ils ? Impossible à dire. Mais l’histoire démontre aussi, au moins dans ce cas, que lorsque ce genre de gros malin est repéré, il est viré par le groupe de « gilets jaunes ». Plus vite et plus fermement que des plateaux télés qui, par paresse ou incompétence, en ont fait une « figure ».