Mordre la main qui tient la laisse : la lettre hebdo de Daniel Mermet

Dans le miroir que nous tend la folie

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Maître de 1537, Portrait de fou regardant à travers ses doigts, huile sur bois, Anvers, The Phoebus Foundation


Mets ton plus bel entonnoir, on va chez les dingues, les barjots, les cinglés, les déjantés, les détraqués, les siphonnés, les mabouls, les marteaux, les sinocs… On peut remplir un dictionnaire avec tous les noms de ces allumés qui travaillent du chapeau. Des noms d’oiseaux, bien sûr, ils étaient dans la lune bien avant toutes ces moches fusées.

Que serions-nous sans les folles et les fous et la folie qui est en nous ? Ce monde tomberait en poussière à l’instant et d’ailleurs il n’aurait jamais existé. C’est évident, pour inventer un monde pareil il fallait que Dieu fût complètement cinglé. C’est pour ça qu’il s’est flingué, d’ailleurs. Henri Michaux avait prévenu : qui cache son fou meurt sans voix.

Insensé, c’est-à-dire à contre-sens ? Oui, mais d’abord l’insensé c’est celui qui dit qu’il n’y a pas de Dieu. Et au Moyen-Âge où le religieux c’est le pouvoir absolu, il faut être fou pour dire une chose comme ça.

Aussi l’image du fou apparaît d’abord à peine dans les marges et les ornements des livres manuscrits. Et peu à peu, de gravure en vitrail, de gargouille en tapisserie, on va le voir remettre en cause l’ordre dominant et faire basculer l’histoire du Moyen Âge à la Renaissance. La folie va être invoquée dans deux grandes remises en cause : la religion puis la Raison. Les deux plus puissants outils du pouvoir. Les graves historiens négligent le rôle capital du fou dans l’histoire en Occident. Il est pourtant partout. Des fous de Dieu, des vierges folles, des monstres édifiants et cet art de dénoncer la débauche pour mieux la montrer. Et bien sûr le fou du roi, l’idiot ou le nain comme animal de compagnie du prince ou bien le bouffon, le faux fou et son sceptre qui ressemble au micro de nos humoristes. La folie est partout, enlacée à la mort dans la danse macabre, elle devient un caillou qu’il faut extirper à vif du cerveau du dément, elle allume des bacchanales au pied du gibet puis avec un rire de catacombe s’enroule pour faire la bosse de Quasimodo.

Jan Sanders van Hemessen, L’Excision de la pierre de folie, 1555, Musée du Prado, Madrid (détail)

Sans aucun doute, c’est le vieux Pieter Brueghel qui raconte le mieux mais c’est Jérôme Bosch d’abord. C’est lui vraiment le plus barré. Il intrigue encore les spécialistes de l’art flamand : « nous avons foré quelques trous dans la porte de la pièce condamnée, mais nous n’avons pas encore trouvé la clef », dit par exemple le grand historien de l’art Erwin Panofsky. La Nef des fous étonne toujours le monde.

Jérôme Bosch, La Nef des fous, vers 1500, huile sur bois, 58 × 32,5 cm, musée du Louvre, Paris (détail)

Cornelius Castoriadis est concis : « l’homme est cet animal dont la folie a inventé la raison ». On parle là de la folie opposée à la sagesse et la rationalité. Mais on n’évoque pas la maladie, les absences, les regards, les lourdes souffrances qu’on verra dans les peintures du XIXe siècle. Pour la bourgeoisie triomphante, le fou n’est pas une victime, c’est celui qui s’obstine à ne pas utiliser convenablement sa raison. Il faut donc enfermer et punir afin de protéger la société, la religion et l’État.

Aquamanile, Aristote et Phyllis, fin du XIVe siècle, The Metropolitan Museum of Art, New York

On parle de la folie d’ici, de ce bout d’Europe où nous sommes et d’une époque limitée mais, dans l’exposition « Figures du Fou. Du Moyen Âge aux Romantiques », des signes et des formes, un masque surtout font parfois écho à des figures africaines et lointaines où la danse et la transe font, comme nos fous, vaciller la raison et nous enfoncer dans des jungles et des nuits où dans la lune on distingue nettement la figure hilare de la folie.

Konrad Seusenhofer, casque d’une armure envoyée par Maximilien à Henri VIII d’Angleterre, Innsbruck, vers 1511-1515, fer forgé, repoussé et gravé à l’acide, laiton, dorure, Leeds, Royal Armouries museum

Courez voir cette superbe expo au Louvre jusqu’au 3 février avec aussi un documentaire sur Arte, Le temps des fous. De quoi devenir marteau, perché, sonné, givré, déjanté, désaxé, complètement braque.

Et fada, c’est-à-dire touché par les fées !

Daniel Mermet

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    Une chanson peut en cacher une autre. Olivier Besancenot l’a illustré à de nombreuses reprises dans sa série de « chants de bataille ». Le chant du jour ne fait pas exception puisqu’il a été écrit à chaud par Jean Baptiste Clément, alors élu au Conseil de la Commune, encore sous le choc de la violence qui vient de mettre un terme sanglant à la Commune de Paris. Dans l’urgence, c’est l’air d’une autre chanson, le Chant des paysans de Pierre Dupont, qui va servir à dénoncer les milliers de morts tués par les Versaillais. Olivier Besancenot revient aujourd’hui sur l’histoire de la Commune, sur sa répression sanglante et sur cette chanson devenue le mantra du mouvement ouvrier quand il va mal : « les mauvais jours finiront » !

  • Droit de la force et force du droit La guerre morale Accès libre

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    C’est la guerre que mène Israël. C’est ce qu’affirme le général Yoav Gallant, l’ex-ministre israélien de la défense qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la cour pénale internationale depuis le 21 novembre. Il n’est pas seul, le premier ministre Benyamin Nétanyahou et le leader du Hamas Mohammed Deif sont également poursuivis, tous les trois portant le même chapeau avec écrit en gros « criminel de guerre ».

  • Le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier. Et Dillah s’en étonne « Pogrom » à Amsterdam : retour sur un déchaînement médiatique et politique Abonnés

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    Dans la nuit du 7 au 8 novembre à Amsterdam, après un match de foot entre l’Ajax et le Maccabi Tel Aviv, des juifs ont été pris pour cibles en plein cœur de l’Europe. Indignation, émotion, condamnation. Mais que s’est-il vraiment passé ? Poser la question vous rend suspect.

    C’est évident, c’est un pogrom. Le mot va être repris partout. Récupération, instrumentalisation, surenchère délirante. Il faudra plusieurs jours pour qu’un peu d’information et qu’un peu de réflexion parviennent à montrer un peu de vérité. Trop tard bien sûr, on connaît : le mensonge monte par l’ascenseur, la vérité prend l’escalier.

    C’est le leader d’extrême droite Geert Wilders qui a dégainé le premier en lâchant à chaud le mot POGROM. C’est, huit jours plus tard, Femke Halsema, la maire d’Amsterdam, qui regrette publiquement d’avoir utilisé ce mot-là et qui dénonce l’opération de « propagande » de la part du gouvernement Nétanyahou.

    Et ça, Dillah, ça l’étonne.

  • Mandat d’arrêt contre Benyamin Nétanyahou, Yoav Gallant et le chef du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité DREYFUS, C’EST MOI ! Nétanyahou encore victime d’antisémitisme… Accès libre

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    La Cour pénale internationale (CPI) a émis ce 21 novembre 2024 un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ainsi que contre l’ex-ministre de la défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deïf.

  • On a trouvé le contraire exact de Donald Trump ! Lucie Castets, pas seulement le tube de l’été ? Accès libre

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    Comme par magie, elle est sortie du chapeau de la gauche le 23 juillet 2024. La voix des dieux de gauche est sortie des nuages : « petite Lucie, tu vas faire première ministre ! ». « Quoi ? Moi ? Qui n’ai aucun mandat, qui ne demande rien, qui ne connais guère la jungle politicienne ? »

    La voilà poussée en pleine lumière et, miracle incroyable, toutes les gauches sont d’accord pour l’installer à Matignon. Après Léon Blum et François Mitterrand, la gauche unie s’appelle Lucie Castets. On l’acclame, on lui joue Lucy in the Sky, oui mais c’est qui ? Énarque, économiste, militante des services publics, ouverte au compromis et toutes gauches compatible. Dans les rédactions, on est partagé, doit-on écrire haut fonctionnaire ou haute fonctionnaire ? Vite fait la voilà médiatisée, la voilà peopolisée, la voilà dézinguée : Lucie et son rouge à lèvres, ce sera juste le tube de l’été, et basta. Matignon, c’était pour de rire, pour le carrosse c’est retour citrouille. Oui mais dans Castets, il y a castagne, la gauche ne l’a pas lâchée et pour la suite elle est très décidée. Mais décidée à quoi ? Dialogue avec Laurence De Cock.

Une sélection :

La lettre hebdo de Daniel Mermet La résistance d’un prof israélien accusé de trahison Accès libreLire

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On tue Nasrallah, on oublie Gaza, on danse à Tel Aviv, Nétanyahou exulte, BHL est de retour. Joe Biden pleure les enfants morts et fait l’indigné tout en livrant ses bombes à Bibi. Bonne nouvelle aussi pour le RN et Marine Le Pen, ses amis d’extrême droite remportent les législatives en Autriche. Le FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche ) – qui soutient Israël – est un parti franchement nazi. Son leader Herbert Kickl veut devenir le VOLKSKANZLER, le « chancelier du peuple », titre emprunté à un autre autrichien, Adolf Hitler.

Hommage à Catherine Ribeiro (1941-2024) Catherine Ribeiro en concert aux Bouffes du Nord Accès libreVoir

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En 1995, la chanteuse Catherine Ribeiro créait au théâtre des Bouffes du Nord le spectacle « Vivre libre ». Elle y chantait ses propres chansons mais aussi celles d’Aragon, de Barbara, Brel, Ferrat, Ferré, Lluís Llach, Colette Magny, Gérard Manset, Danielle Messia, Anne Sylvestre et même, si vous allez jusqu’à la fin, une surprise à réécouter alors que nous célébrons le 80e anniversaire de la libération de Paris. En hommage, nous vous proposons de découvrir ce concert :

L’historien Gérard Noiriel publie PRÉFÉRENCE NATIONALE (Gallimard,3.90Euros) (Vidéo et podcast | durée : 51’23) Préférence nationale : cette vieille recette facho, un sujet urgent AbonnésVoir

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« Il y a toujours un groupe qui symbolise le rejet en fonction de la conjoncture du moment », dit l’historien Gérard Noiriel. Il est urgent de démonter le système de cet apartheid dont les électeurs du RN sont souvent eux-mêmes les premières victimes.