
Le 27 octobre 2005, Zyed et Bouna, 15 et 17 ans, poursuivis par la police, courent se planquer dans un transformateur EDF à Clichy-sous-Bois (93). Pas la moindre infraction, pas le moindre délit mais la peur d’un contrôle alors qu’ils n’ont pas pris leurs papiers sur eux.
Jeudi 27 octobre 2005. 17h20. Deux policiers repèrent trois jeunes qu’ils soupçonnent de cambrioler un cabanon de chantier à Livry-Gargan, ville limitrophe à 800 mètres du transformateur. Les jeunes s’enfuient, rejoints par un autre groupe, soit au total entre 6 et 9.
Alors que la police procède à l’interpellation, une partie de la bande s’échappe. Les policiers coursent les fuyards mais abandonnent et conduisent 6 mineurs au commissariat.
Au moment où un fonctionnaire entame la rédaction de son rapport, panne d’électricité : Zyed et Bouna viennent de mourir, il est 18h16.
À 18h30, un technicien EDF arrive sur le lieu du transformateur. Selon la préfecture, la police n’était pas sur les lieux au moment de l’accident. Selon Dominique de Villepin, premier ministre, il s’agit de « cambrioleurs qui étaient à l’œuvre ». Or le procureur de Bobigny indique qu’il n’y a pas eu de tentative de cambriolage ni de dégradation, l’endroit en question est un terrain vague, pas un chantier.
Les apercevant escalader l’enceinte du transformateur, un policier avait dit : « s’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau. »
En effet, ils y meurent électrocutés.
Deux jours plus tard, une grenade lacrymogène explose à la porte de la mosquée voisine de Montfermeil à l’heure de la prière. Panique et colère générale.
Des évènements qui déclenchent des émeutes partout en France durant plus de trois semaines. « Parfaitement organisées » selon Sarkozy, alors même qu’un rapport des services de renseignement affirme le contraire. Il instaure l’« état d’urgence », un dispositif conçu pendant la guerre d’Algérie.
Dans cette affaire, deux policiers ont été jugés pour « non-assistance à personne en danger » mais après dix années de batailles juridiques, ils ont été relaxés.
Quelques jours avant la mort des deux garçons, lors d’une visite sous pression dans un quartier d’Argenteuil, faisant mine de s’adresser à une personne à sa fenêtre, Sarkozy lance sa fameuse provocation : « vous avez assez de cette bande de racailles ? Eh ben on va vous en débarrasser. »
Voilà les paroles de ces « racailles » dans nos reportages de 2005 à Clichy-sous-Bois, lors de la marche silencieuse qui a suivi le drame puis, trois jours plus tard, à la mosquée Bilal de Montfermeil, après l’explosion de cette grenade lacrymogène.
Et depuis ?
Depuis 2005, en vingt ans, selon nos confrères de Basta !, 562 personnes sont décédées au cours d’interventions policières [1].
