2 500 gendarmes mobiles pour déloger les indésirables sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes [1]. Dix à quinze compagnies de CRS sont prévues à Nantes et à Rennes, devant les préfectures, en cas de manifs de soutien. Les avocats des habitants, qui viennent d’adresser un nouveau courrier au Premier ministre pour faire constater l’illégalité des expulsions, seront-ils enfin entendus ? Mais combien sont-ils, ces récalcitrants ? Une cinquantaine ? une centaine tout au plus ? Faut-il qu’ils soient redoutables pour justifier un tel déploiement de force. Voilà un bien gros marteau pour écraser de bien chétifs moustiques.
Et qui sont-ils d’ailleurs, ces radicaux ? Des zonards, des drogués, des parasites qui refusent tout dialogue ? Comment les repeindre ? De quelle couleur ? Que vont devenir ceux qui ont mené la bataille victorieuse, tous ces hirsutes qui depuis des années inventent d’autres façons de vivre, de produire, de lutter ? Comment les faire rentrer dans des polos Lacoste roses ? Et d’abord, quels sont leurs droits à rester sur ces terres alors que la puissante Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) entend gérer le gâteau et imposer comme partout ses méthodes de production intensives ? Et ceux qui avaient vendu, qui ont été indemnisés et qui en veulent encore ?
Le gouvernement entend régler au cas par cas, selon les situations et les projets individuels pour peu qu’ils soient agricoles. Six projets sont en voie d’officialisation, production de lait, maraîchage, boulangerie, brasserie, élevage de moutons et activités de plantes médicinales. Soit, mais les autres ? Beaucoup de zadistes militent pour une gestion collective des terres, « que la gestion de la terre soit à ceux qui l’ont défendue ». Après la victoire du Larzac en 1981, les 103 paysans ont créé une société coopérative (Société Civile Terres du Larzac) qui, depuis, leur permet de gérer collectivement les terres que l’État leur concède pour une longue durée renouvelable. La SCTL ne se limitait pas aux 103, mais aussi à un certain nombres d’autres projets agricoles « non productivistes » et pourvoyeurs d’emplois afin de favoriser la vie sociale sur le plateau. Il a fallu du temps pour que tout se mette en place.
« On est en plein choc des valeurs », dit Marcel Thébault, une des figures de la lutte. Bien sûr, dans tout ça, on peut voir des chicaneries, mais c’est bel et bien deux visions du monde qui s’affrontent entre les « institutionnels » et les « alternatifs », et cet affrontement dépasse Notre-Dame-des-Landes. À l’heure du réchauffement climatique et de la destruction acharnée de l’environnement, c’est un affrontement planétaire entre l’avidité mortelle du capitalisme face à la simple survie de ce monde. C’est la planète toute entière qui est la zone à défendre.
Dillah Teibi et Kévin Accart sont retournés sur place.