Mai 1967, massacre en Guadeloupe. Un reportage à Pointe-à-Pitre de Daniel Mermet et Antoine Chao (2009)

Quand les nègres auront faim…

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  • 01. Quand les nègres auront faim, ils reprendront le travail

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  • 02. Julien Mérion, politologue

    - MP3 - 15.3 Mio

  • 03. Paul Tomiche, CGT Guadeloupe

    - MP3 - 13.8 Mio

  • 04. Le GONG, Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe

    - MP3 - 10.8 Mio

  • 05. Un tabou pendant 30 ans

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Quand les nègres auront faim… [mars 2009]
Là-bas si j’y suis

Fresque en bas-relief de Philippe Laurent sur le mur du collège Kermadec (Pointe-à-Pitre, 2007)

Un massacre d’État toujours refoulé

Les 26 et 27 mai 1967, Pointe-à-Pitre a connu deux jours de manifs réprimées dans un bain de sang par les forces de l’ordre françaises, qui a fait de 7 à 87 morts. Cinquante ans après, malgré l’ouverture récente de certaines archives, malgré les recherches et les enquêtes, cette tâche sanglante reste méconnue, mais les Guadeloupéens n’oublient pas.

« Quand les nègres auront faim, ils reprendront le travail. » Cette phrase a-t-elle été oui ou non prononcée par le représentant du patronat Monsieur Brizard, à l’époque, en 1967 ? On n’en est pas sûr, mais la phrase a fait un malheur, a fait beaucoup de malheur. Un malheur longtemps enfoui dans la mémoire collective, en Guadeloupe en tout cas. Absolument enfouies et même absentes de la mémoire collective française, ces journées de mai 1967, 26 et 27 mai 1967.

Comme le dit Julien Mérion, c’était enfoui, cela fait partie de ces pages, comme la journée disparue du 17 octobre 1961 à Paris, ces pages qui longtemps dorment et semblent en voie de disparition, et soudain quelque chose les ramène à la surface. Le 26 mai 1967, à l’occasion d’une manifestation des ouvriers du bâtiment en grève, l’ordre a été donné de tirer sur la foule des manifestants. Le lendemain, les lycéens de Pointe-à-Pitre descendent dans la rue pour soutenir la lutte des ouvriers et de nouveau, ce jour-là, les forces de l’ordre font usage de leurs armes. En 1985, on apprendra de la bouche même du secrétaire d’État chargé des Départements et Territoires d’outre-mer de la France de l’époque, selon les archives, qu’il y aurait eu 87 morts. C’est l’état actuel des connaissances que l’on a quant au nombre de victimes, en tout cas, ça a été un drame terrible.

1967, c’est le général de Gaulle qui est au pouvoir. 1967, c’est cinq ans après l’indépendance de l’Algérie et les indépendances, c’est-à-dire les indépendances de l’Afrique noire et auparavant, de Madagascar, de l’Asie et de toutes nos belles colonies que nous avons perdues. La Guadeloupe et la Martinique sont départements français depuis 1946 et auparavant, elles étaient des colonies. Il est donc normal que les habitants de ces îles se sentent concernés par l’indépendance.

Alors il y aura deux plans : il y aura cette lutte des ouvriers du bâtiment. À cette époque, on construit très fort à Pointe-à-Pitre, donc il y a beaucoup d’ouvriers dans le bâtiment. Ce sont eux qui manifestent dans ces journées pour une augmentation de 2,5% de leur salaire. Mais il y aussi avec, et derrière, et en même temps la revendication nationaliste – une indépendance dont le général de Gaulle ne veut pas, ni lui, ni son gouvernement, ce qui explique probablement en grande partie la violence de cette répression.

Voilà. 26, 27 mai 1967. Pointe-à-Pitre.

Un reportage de Daniel Mermet et Antoine Chao à Pointe-à-Pitre, diffusé sur France Inter les 03 et 04 mars 2009.

Écoutez l’émission par chapitres :

01. Quand les nègres auront faim, ils reprendront le travail
Là-bas si j’y suis
02. Julien Mérion, politologue
Là-bas si j’y suis
03. Paul Tomiche, CGT Guadeloupe
Là-bas si j’y suis

04. Le GONG, Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe
Là-bas si j’y suis
05. Un tabou pendant 30 ans
Là-bas si j’y suis

Programmation musicale :
 Soley Ka Leve : Mé 67
 Biloute : Mé Swasannsèt

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