LÀ-BAS HEBDO n°35 SPÉCIALE, ENREGISTRÉE À GRANDE-SYNTHE

Les barbelés sont l’avenir de l’humanité Abonnés

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Le camp de la honte, le pire camp de réfugiés en France, c’est le maire lui-même qui le dit. Le camp de Grande-Synthe, près de Dunkerque, est en train de dépasser Calais dans le cynisme d’État. Cynisme des passeurs, cynisme des partis xénophobes, cynisme des vautours médiatiques et du business compassionnel. Dans tout ça, dans l’urgence, dans la boue, malgré tout, il y a des solidarités pratiques. Un nouveau camp moins indigne va être ouvert par la municipalité et Médecins Sans Frontières (MSF) . Un palliatif, chacun le reconnaît.
Début mars, MSF ouvre un « camp humanitaire » à Grande-Synthe, à un kilomètre de l’actuel « camp de la honte ». Entre l’autoroute et la voie de chemin de fer. Une logique « humanitaire-sécuritaire » qui dédouane l’État, soulage la municipalité et oublie complètement les premiers concernés : les réfugiés.


(photo : Jonathan DUONG)

En 2002, Sarkozy fermait Sangatte. En 2016, Valls inaugure un « camp de containers » à Calais. Entouré d’un enclos, vidéosurveillé, contrôlé par un système biométrique. Merci monsieur Valls.
À 40 kilomètres de là se trouve Grande-Synthe, cité populaire enserrée par le chantier méthanier de Dunkerque. Entre une zone industrielle et un lotissement pavillonnaire, le site d’un futur éco-quartier s’est transformé, depuis l’été dernier, en « camp de la honte ».
Dans cette galère de gadoue, de rats, de terreur des passeurs, vivent près de 2 000 personnes, dont 200 enfants. Le 26 janvier dernier, un échange armé entre mafieux faisait quatre blessés. Et alors que LÀ-BAS pliait son studio mobile posé ce mercredi 10 février à l’Atelier, université populaire de Grande-Synthe, de nouveaux échanges de tirs touchaient, dans la soirée, un résident du camp de deux balles dans le dos.
De quoi faire monter l’extrême droite sans peine. Pourtant, la municipalité reste Europe Écologie-Les Verts (EELV) et tente de limiter la casse entre réfugiés et riverains. Pas facile dans cette ville de 21 000 habitants à 24% de chômage et 20% de votes FN. Pas facile. Mais ils tiennent bon. C’est fragile bien sûr. Mais on est dans l’urgence, dans la tyrannie de l’urgence. Ici, l’essentiel c’est l’urgence alors que c’est l’inverse qu’il nous faut. L’essentiel n’est pas l’urgence, l’urgence c’est l’essentiel.
En 2002, LÀ-BAS était en reportage au camp de Sangatte géré par la Croix-Rouge. Afin d’en finir avec ces réfugiés, Nicolas Sarkozy faisait fermer ce centre. Mais ce fut pire, ce fut la « jungle » de Calais, la dispersion de la galère. Quatorze ans plus tard, on remet la galère à l’abri, pour combien de temps ?

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

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« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.