À Chicago, le premier Premier mai, la victoire des huit heures, la fête des travailleurs, en histoire, en images, en radio

Le Premier mai, c’est pas la fête du Travail

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Comme chaque année, nous vous proposons notre sélection spéciale pour réviser – avant ou après la manif – l’histoire du Premier mai. Un classique de Là-bas en accès libre, à partager de toute urgence pour faire connaître cette histoire au plus grand nombre.

Affiches « Je tiens les promesses même celles des autres », Philippe Pétain, 1er mai 1941. Éditées par le secrétariat général de l’information. Imprimées en couleur par Giraud-Rivoire, Lyon. 28 cm x 39 cm., 1941, archives départementales de l’Aude


Monsieur Jeannot, « triangle rouge »

« Mon cauchemar, disait Monsieur Jeannot, c’est de regarder la manif depuis le balcon, et de plus être dans la rue avec les camarades. Tu comprends ça ? » Monsieur Jeannot finissait son existence à l’hôpital de Montfermeil. « Tu comprends ? » C’était notre voisin, celui qui nous avait installé le chauffe-eau. Il bossait en usine à Bobigny, tourneur-fraiseur. Là, il bossait plus. On voyait son vélo qui rouillait contre le mur de son jardin depuis qu’il était à l’hosto. Il avait chopé le crabe, Monsieur Jeannot. Rien à faire, plus un tif sur le caillou, plus que la peau et les os. Ma grande sœur lui disait : « ça reviendra, Monsieur Jeannot ». On lui apportait des bouchées au chocolat qu’il ne mangeait pas et on repartait. « Eh, avant, allume-moi une gauloise, les bonnes sœurs m’emmerdent ici ! »

Malgré toutes ces années, je pense à lui aujourd’hui en ce Premier mai. Il avait été « triangle rouge », Monsieur Jeannot. Déporté communiste. Les tsiganes, c’était un triangle marron ; bleu, c’était les Témoins de Jéhovah, rose, c’était les homosexuels et ainsi de suite. Il y avait même jaune et rouge superposés pour les juifs communistes. Il en faisait pas un plat de sa déportation, mais dans son petit salon, sur le buffet ciré avec les beaux verres en cristal taillé que Madame Jeannot sortait le dimanche quand ils nous invitaient pour l’apéro, il y avait un bout de tissu rouge en forme de triangle avec un « F » dessus, cousu sur un carré de toile grise, tout ça dans un cadre bien propre, à côté d’une Sainte Vierge en plâtre car Madame Jeannot, elle, c’était l’Église. Catho et coco, c’était pas rare à l’époque dans notre banlieue rouge, un Lénine et un crucifix, on était les mêmes gens.

Il ne jouait pas au héros avec sa déportation, mais il en faisait quand même une histoire. Et chaque Premier mai, à l’apéro, avec les biscuits Gondolo, ça embrayait pareil : « le Premier mai, c’est pas la fête du Travail ! », lançait Monsieur Jeannot. Et nous – Maman, surtout, disait : « ah bon, comment ça, Monsieur Jeannot ? Moi qui croyais que… » Et là, il nous débitait toute l’histoire. « Non, c’est pas la fête du Travail. Ça, c’est un truc sous Pétain en 1941. La fête du Travail et de la Concorde sociale, ils avaient appelé ça comme ça, ces fumiers. Bien sûr, pour eux, ce qui compte, c’est le travail, c’est pas les travailleurs. Et la concorde sociale ? Pas du tout ! Nous, c’est la lutte sociale ! La lutte contre les gros, Marguerite. » Marguerite, c’était Maman. « Eh, oui, c’est bien vrai, Monsieur Jeannot. » Avec mon frangin, on se demandait qui c’était, « les gros ». Ma grande sœur expliquait : « c’est les gros bourgeois ». On n’en connaissait pas, mais on les haïssait déjà, ces salauds.

« Et le triangle rouge, vous savez ce que c’est ? continuait Monsieur Jeannot. Le triangle rouge, c’est la lutte pour la journée de huit heures. Il y a trois pointes : une pointe, c’est huit heures de travail, une pointe, c’est huit heures de sommeil, une autre pointe, c’est huit heures pour vivre. C’est ça, le Premier mai. Et, vous le croirez ou non, c’est les Ricains qui ont inventé ça. Oui, les Américains, à Chicago, en 1886, y’a eu des morts et des camarades qui ont été pendus, pour ça, pour la journée de huit heures. » Deux mots comme « camarades » et « Américains » aussi rapprochés, ça faisait drôle à l’époque.

« Et l’églantine, disait Madame Jeannot, c’était quand ? » Madame Jeannot connaissait la réponse. « L’églantine, c’était à Fourmies dans le nord, disait Monsieur Jeannot, une grande manifestation, la police tire dans le tas, dix morts, dont une jeune femme qui portait un petit bouquet d’églantines. » Petit silence. « Tombant sous la feuille en gouttes de sang », ajoutait Madame Jeannot en remettant un coup de Cinzano. Et après, il y avait le muguet. Encore une saloperie des gros. Du blanc pour faire oublier le rouge de l’églantine. C’est pour ça que Madame Jeannot nous offrait des brins de muguet mais avec un petit ruban rouge qu’elle avait acheté au marché, aux gars qui vendaient L’Huma. Et puis après voilà. Elle nous montrait le cadre, avec le triangle rouge, avec un « F ». Il y avait une lettre par pays. « P », c’était les Polaks, « I », c’était les Ritals, « F », c’était nous, la France. « Oui, c’est ça aussi quand même la France, disait Maman, et moi faut que j’aille voir mon gigot. » Et ça trinquait encore un petit coup. Et la déportation alors c’était comment ? Le récit de la déportation, c’était pas n’importe quand. « Pas à tout bout de champ, disait monsieur Jeannot, en levant le poing, mais c’est pour dire – au cas où nous n’aurions pas compris – que le Premier mai, c’est pas la fête du Travail, c’est la fête des travailleurs. »

Monsieur Jeannot n’est jamais remonté sur son vélo. J’espère que son triangle rouge avec un « F » a été conservé quelque part respectueusement et n’a pas fini comme chiffon pour astiquer les chaussures d’un « gros ».

Surtout je me souviens de ce tout petit instant ou l’on retraversait la rue vers notre gigot avec un petit coup dans le nez et une fierté immense qui nous gonflait le cœur.

Daniel Mermet


(version colorisée d’une gravure parue en 1886 dans l’hebdomadaire Harper’s Weekly)

Le Premier Mai a une histoire. Cette histoire commence le 4 mai 1886 à Chicago. Sur Haymarket Square, lors d’une manif dans la longue lutte pour la journée de huit heures, une bombe explose, des policiers sont tués, huit hommes sont arrêtés et accusés de meurtre.

Le procureur Julius Grinnel est très clair : « ces hommes sont choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivaient… Messieurs du jury, condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société. »

C’est donc avant tout le procès du mouvement ouvrier. Tous sont condamnés, quatre sont pendus en public, un autre se suicide en prison à la dynamite. L’événement aura un grand retentissement à travers le monde. Après des décennies de révoltes ouvrières, la journée de travail de huit heures en France sera votée en avril 1919, sans diminution de salaire.

[VIDÉO] Howard Zinn, une histoire populaire américaine, extrait du film de Daniel Mermet et Olivier Azam (2015)

L'HISTOIRE DU 1ER MAI - Extrait du film Howard Zinn, une histoire populaire américaine
par lesmutins.org

[REPORTAGE RADIO] 4 mai 1886, massacre à Chicago

journalistes : Daniel Mermet et Giv Anquetil
réalisation : Jérôme Chelius et Franck Haderer
montage : Jonathan Duong

Une émission diffusée la première fois le 30 avril 2014 sur France Inter.

Programmation musicale :
 May Day Orchestra : This Land is not Free
 Utah Phillips : Joe Hill
 Émile Combes : La marche du Premier mai

[VIDÉO] Studs Terkel : « il y a 110 ans, ici même, l’histoire a été écrite »

En mai 1996, 110 ans après le massacre de Haymarket Square, le journaliste Studs Terkel rendait hommage à la lutte des travailleurs pour la journée de huit heures. Une églantine au poing, il concluait : « let’s keep battling », continuons le combat !

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  • Entretien avec Caëla Gillespie, professeure de philosophie, qui publie « Manufacture de l’homme apolitique » (Le Bord de l’eau) Comprendre cinq décennies de dogme ultralibéral Abonnés

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    Ayant senti siffler le vent du boulet avec le score électoral du Nouveau Front populaire arrivé en tête des dernières législatives, la classe dominante a remis les points sur les « i » : le pouvoir c’est elle, et point barre. Resurgit alors son refrain préféré : le « nouveau » (sic) gouvernement doit affronter toute une série de défis techniques dont la complexité échappe forcément à une populace plus ou moins inculte en la matière. Maîtrise du « déficit budgétaire », crainte de la « note des agences de notations », indispensable « réduction des dépenses publiques », nécessité de « rassurer les marchés » : la doxa ultralibérale s’arc-boute comme jamais sur la grande fable de la Nécessité économique que son catéchisme dogmatique place très au-dessus de toute velléité populaire ou démocratique. Ça tombe bien, la philosophe Caëla Gillespie a récemment commis un livre très éclairant sur cette grande fable. On y découvre ce qu’elle nomme la « subversion de l’état de droit », soit l’effarante dépolitisation du corps politique et du citoyen par cinq décennies d’idéologie ultralibérale menée au pas de charge. Ce livre puissamment pensé et documenté s’appelle Manufacture de l’homme apolitique (Le Bord de l’eau) et son autrice nous a accordé un entretien en exclusivité pour les lecteurs de Là-bas. Le voici.

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Tout un été Là-bas La vérité, un concept étranger à Raphaël Enthoven AbonnésVoir

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Dimanche 12 mai, le très médiatique Raphaël Enthoven était invité de Benjamin Duhamel dans son émission « C’est pas tous les jours dimanche » sur BFMTV. L’occasion pour le talentueux orateur d’asséner une de ces belles sentences dont lui seul a le secret : « nous périssons de la criminalisation de l’opinion d’en face ». Criminaliser l’opinion d’en face, c’est pourtant exactement ce que le philosophe a fait pendant toute l’émission, en repeignant systématiquement en odieux antisémite toute personne qui critiquerait les bombardements israéliens sur Gaza. Et ce grâce à une série d’approximations, de contre-vérités et de mensonges dont le nombre et l’ampleur – en seulement vingt-sept minutes d’entretien – forcent le respect. Extraits.

L’État d’Israël contre les juifs. Dialogue avec Sylvain Cypel (2e partie) (VIDÉO | 50:02) AbonnésVoir

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La Bible dit que ce qui ne s’obtient « ni par la puissance, ni par la force » s’obtient par l’« esprit ». Or aujourd’hui en Israël, un dicton populaire a transformé ce message, c’est devenu : « ce qui ne s’obtient pas par la force s’obtient avec plus de force ». Comment en est-on arrivé là ? Comment une extrême droite raciste et suprémaciste est-elle arrivée au pouvoir ? Un gouvernement soutenu par toutes les extrêmes droites du monde, y compris les plus antisémites ?

Tout un été Là-bas Alain Gresh : « Palestine, un peuple qui ne veut pas mourir » AbonnésÉcouter

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Ben oui, mais c’est la guerre, que voulez-vous… Rarement un conflit aura été accompagné par tant de mauvaise foi, par tant de mensonges, de désinformation, d’affabulation. Rarement le manichéisme n’aura autant dominé et fait oublier la profondeur historique d’une crise que nous redécouvrons à chaque conflit. Rarement la politique française n’aura été aussi lâche, se contentant d’un suivisme affligeant à l’égard du gouvernement israélien et de son parrain américain.

Tout un été Là-bas : réécoutez ce grand entretien, trois jours après le 7 octobre 2023, avec l’ex-ambassadrice de Palestine LEÏLA SHAHID : APRÈS LA TERREUR, LA TERREUR Accès libreÉcouter

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« Il ne peut y avoir aucune explication », disait le premier ministre socialiste Manuel Valls, « car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Malgré cette forte pensée, nous vous proposons cet entretien à chaud avec Leïla Shahid, ex-ambassadrice de la Palestine, témoin et actrice engagée en première ligne et toujours militante de la cause palestinienne. Sommée de dénoncer le terrorisme islamiste, elle répond : « toute action contre des civils, qu’elle soit une action palestinienne, israélienne ou française, est un crime contre l’humanité ».