Le rentier a tué le routier. Un grand reportage radio de Sophie Simonot

Le blues du routier (1/2) Abonnés

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[EXTRAIT] Le blues du routier (1/2)

(photo : Sophie Simonot)

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand, toi ? Routier, on disait. Routier. Routier c’était comme pompier, pilote de guerre, ou scaphandrier. Le routier, c’était un héros, c’était la légende. C’était la chanson d’Yves Montand [1], c’était Max Meynier, avec ses grosses moustaches. Les routiers sont sympas ! Les routiers c’était la nuit, c’était la route, « on the road again ». Et on disait « beau comme un camion », ça se disait ça. Vous aviez les cabines, avec les pin-up, on regardait ça en biais quand on était gamin. Et puis il y avait la Cibi (Citizen Band), ô la Cibi, les routiers avec leur Cibi avaient constitué un vrai réseau. Ça déplaisait complètement au pouvoir, c’était une vraie confrérie. Et puis les petits restaurants, les routiers. Nappes à carreaux, blanquette de veau : casser la croûte sur la route, c’était l’expression.

Hé bien, tout ça c’est un peu fini. « C’est parti » comme on dit, peut-être pour longtemps, peut-être définitivement. La roue tourne : il y a eu la libéralisation en 1993 [2], souvenez-vous, et puis la désindustrialisation, et puis l’irrésistible déclin, la concurrence européenne, les grandes boîtes qui ont préféré exploiter le routier bulgare ou polonais à moitié-prix du routier français. Et puis bientôt, le camion sans chauffeur, des convois de camions sans chauffeur. La révolution numérique risque même d’inventer le train de marchandises !

Tout ça n’est pas très gai, tout ça est un blues. Le blues d’Antoon, aujourd’hui. S’il ne reste qu’un routier, ce sera celui-là : Antoon, avec qui Sophie Simonot est partie faire un tour en camion.

Écoutez le reportage par chapitres :

Programmation musicale :
- DIO : Holy Driver
- Thorbjorn Risager : Precious Time
- Niobé : Le routier
- Renaud : Le camionneur rêveur

Merci à Antoon Janssens, à sa famille Corinne, Lucille et Justine, à son patron Christian Ferouel de la société Staf et aux exploitants Hubert et Charlotte pour nous avoir permis de passer deux jours dans le camion d’Antoon.

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reportage : Sophie Simonot
journaliste : Daniel Mermet
réalisation : Jérôme Chelius et Sylvain Richard

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Notes

[1Yves Montand - Le routier (1997)

[2Règlement (CEE) n° 3118/93 du Conseil des communautés européennes, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l’admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre

Sur notre site

À écouter

  • Le rentier a tué le routier. Second volet de ce reportage « beau comme un camion »

    Le blues du routier (2/2) Abonnés

    Écouter
    Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand, toi ? Routier, on disait. Routier, c’était comme pompier, pilote de guerre, ou scaphandrier. Le routier c’était un héros, c’était la machine, c’était la route, c’était la nuit. Et aujourd’hui ? (...)

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Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.