Retour au camp d’internement de Montreuil-Bellay

Je ne t’oublie pas, Tsigane

Le

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Jacques SIGOT (à gauche), Daniel MERMET (au centre) et Jean-Louis BAUER (à droite) en janvier 1993

L’instituteur Jacques SIGOT a lutté 36 ans pour faire reconnaître le camp d’internement des Tsiganes de Montreuil-Bellay. Le 29 octobre, François HOLLANDE est venu reconnaître la responsabilité de la France de Vichy. Il a fallu attendre ces toutes dernières années pour que les médias s’intéressent à la persécution des Tsiganes en France durant la guerre.

En janvier 1993, il y a 24 ans (!), Daniel MERMET rencontrait Jacques SIGOT et Jean-Louis BAUER, un Tsigane surnommé « Poulouche », qui nous faisaient découvrir ce camp où plus de 2 000 tsiganes furent internés.

Écouter l'émission

  • 01. Ça sent la mort…

    - MP3 - 6.9 Mo

  • 02. On était mangé par les rats

    - MP3 - 14.6 Mo

  • 03. La promenade du dimanche

    - MP3 - 13.3 Mo

  • 04. Trompe-la-mort

    - MP3 - 13.8 Mo

  • 05. Un camp de concentration français

    - MP3 - 7.2 Mo

REPORTAGE : Je ne t’oublie pas, Tsigane (une émission du 15 janvier 1993)

Il a fallu 70 ans pour que la République reconnaisse la responsabilité de la France de Vichy dans la persécution des Tsiganes durant la Seconde guerre mondiale. Monsieur HOLLANDE en personne est venu prononcer un discours sur le camp de Montreuil-Bellay où 2 000 Tsiganes furent internés de 1941 à 1946.

Cette visite officielle aura-t-elle suffi à dissimuler au même instant l’ouverture de la chasse aux migrants à Calais comme à Paris ? Contre chiens errants, voyageurs ou migrants, le sédentaire a tôt fait de dresser CRS et barbelés. La « libre circulation » est limitée aux capitaux et aux marchandises qui engraissent les capitaux. On ne confond pas les voleurs de poule et les voleurs de foule.

Jusqu’en 1946, environ 2 000 hommes, femmes et enfants Tziganes (ainsi que des sans domicile fixe), furent internés à Montreuil-Bellay. Tous les « individus sans domicile fixe, nomades et forains ayant un type romani  » selon le préfet du Finistère.

La France de Vichy comptait 31 camps semblables où ont été enfermés environ 6 500 nomades. Depuis 1912, ils étaient soumis à un « carnet anthropométrique » qui fut pérennisé en 1969 en « livret de circulation ». La longue lutte des Tsiganes et de leurs amis a conduit samedi François HOLLANDE à promettre l’abrogation de ces mesures stigmatisantes depuis plus d’un siècle.

Le camp et les baraquements furent démantelés et il ne subsistait pratiquement aucune trace. Dans les années 1980, Jacques SIGOT, instituteur et « historien local », avec son ami Tsigane « Poulouche » qui y avait été interné avec ses parents, ont commencé une longue bagarre pour cette histoire que beaucoup — surtout dans la région — voulaient faire oublier. Poulouche est mort en 2007 et n’aura donc pas assisté à cette reconnaissance officielle.

Si les Tsiganes rassemblés en France dans ces camps ne furent pas directement déportés vers les camps de la mort, il faut rappeler qu’en Europe 250 000 Tsiganes furent victimes du génocide dans la période nazie. 19 000 périrent à Auschwitz sur les 23 000 internés. Le 16 mai 1944, dans le camp de Birkenau, des Tsiganes armés de pioches et de leurs outils de travail, réussirent à repousser les SS. Cette date donne lieu chaque année à la Fête de l’Insurrection Gitane. Mais dans la nuit du 02 août 1945, les 2 898 derniers Tsiganes internés, hommes, femmes, enfants, furent gazés. Les enfants qui avaient réussi à se cacher furent rattrapés et gazés le lendemain.

En juillet 2013, Gilles BOURDOULEIX, député maire de Cholet, fut poursuivi pour avoir déclaré au sujet des Rroms : « Hitler n’en a peut-être pas tués assez. » En France, le racisme contre les Rroms s’est beaucoup développé. Exemple, Christian LECLERC, maire de Champlan dans l’Essonne, qui s’est distingué en refusant l’inhumation d’un bébé Rrom de trois mois, Maria Francesca, dans le cimetière de la commune.

Les différentes séquences du reportage :

01. Ça sent la mort…
02. On était mangé par les rats

03. La promenade du dimanche
04. Trompe-la-mort
05. Un camp de concentration français

Programmation musicale :
- Gipsy Kings : Baila Me
- Bratsch : Nane Tsora
- Pouro Sinto : Foulitchay
- Gipsy Kings : Faena
- Django Reinhardt : La Marseillaise

Pauline BOULET attend vos messages sur le répondeur de Là-bas si j’y suis au 01 85 08 37 37.

journaliste : Daniel MERMET
réalisation : Michèle BEDOS et Khoï N’GUYEN

(Vous pouvez podcaster cette émission en vous rendant dans la rubrique « Mon compte », en haut à droite de cette page.)

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On ne remerciera jamais assez le cancer et Jésus.

Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.