ON FABRIQUE, ON VEND, ON SE PAIE, C’EST POSSIBLE !
Et c’était pas seulement un slogan. Partout, en France, ouvrières et ouvriers de LIP sont allés vendre les montres qu’ils fabriquaient. L’accueil était enthousiaste. « Le patron a besoin de toi mais tu n’es pas besoin du patron ». Une autogestion qui rejetait à la fois le stalinisme d’État et la social-démocratie collabo. Autogéré mais organisé et structuré, attention !
C’était il y a juste 50 ans. La lutte des LIP est une des plus formidable de notre histoire sociale. Une lutte de fond mais pragmatique, loin des postures radicales et qui a fini par l’emporter et par fonctionner. Mais que l’arrivée du néolibéralisme a fait volontairement capoter. "Ils vont véroler tout le pays, disait Giscard d’Estaing, il faut les punir"
Le monde a changé, mais c’est une expérience encore fertile aujourd’hui. La prise de contrôle de la production par les producteurs est une idée toujours aussi neuve. Charles Piaget, a été le leader, presque malgré lui, de cette aventure. Jusqu’au bout il n’a cessé de lutter et nous avons eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises avec le même bonheur, le même encouragement fraternel contre la résignation et l’indifférence.
Il n’y a plus qu’à en prendre de la graine !
( En illustration, je vous montre mon bijou de famille : ma montre LIP achetée aux LIP, il y a exactement 50 ans ! ...Et elle marche toujours !)
[VIDÉO] France 3 Bourgogne-Franche-Comté : Infatigable militant, pilier du combat des ouvriers de Lip, Charles Piaget est décédé à Besançon
05 novembre 2023
« LIP, LIP, LIP, hourra ! »
Écouter l’émission du 21 novembre 2013 :
Un reportage d’Antoine Chao à Besançon, en 2013, lors de la célébration des 40 ans de la lutte des LIP.
Chez LIP au printemps 1973, les emplois sont menacés. En fouillant dans les documents d’un « négociateur » les salariés découvrent une note : « 480 à dégager ». Ils vont se lancer dans une des plus belle luttes de notre histoire sociale. Ils vont vendre directement eux-mêmes les montres qu’ils fabriquent. La lutte aura un retentissement et un soutien national et international. Ils finiront par l’emporter avec un compromis réaliste. Mais Giscard d’Estaing et les libéraux arrivent au pouvoir. Il faut casser Lip : « Ils vont véroler tout le pays, il faut les punir », déclare Giscard. C’est la fin des 30 Glorieuses et le début du néolibéralisme en France. C’est la fin du capitalisme d’entreprise, après LIP c’est le capitalisme financier qui arrive. Des millions de chômeurs et de précaires en feront les frais.
« LIP, LIP, LIP, hourra ! (2) »
Écouter l’émission du 25 novembre 2013 :
Second volet reportage d’Antoine Chao à Besançon, en 2013.
C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie. Et ils l’ont fait. C’était il y a juste 50 ans. En 2013, à Besançon Là-bas revenait sur cette lutte tranquillement illégale. Contre les licenciements, contre la fermeture, ils s’emparent des montres qu’ils fabriquent et les vendent avec un énorme succès. Aucun n’a oublié la « paie sauvage » du 3 août 1973 pour 900 grévistes ! Et la marche du 29 septembre, 100 000 manifestants venus de tout le pays soutenir « les LIP ». Ouvriers, techniciens, délégués syndicaux, des gens ordinaires inscrits dans l’histoire locale, loin des penseurs dogmatiques et des apparatchiks des partis de gauche, réussirent à mettre « l’imagination au pouvoir » par la démocratie directe dans un mélange de spontanéité et de pratique du collectif acquise dans les mouvements de jeunesse chrétienne et les syndicats.
Mais le résultat, une défaite ? Oui, car le néolibéralisme allait l’emporter ; imposer les délocalisations, la désindustrialisation et le chômage de masse. Non, car depuis 50 ans, la résistance des LIP est une référence pleine d’enseignements pour celles et ceux qui refusent la soumission à la sauvagerie capitaliste.
« Charles Piaget : c’est possible ! »
Écouter l’émission du 22 septembre 2017 :
Avant Macron et son monde, notre premier adversaire, c’est notre propre résignation. Un formidable appareil idéologique nous a persuadés que rien d’autre n’est possible et que nous n’y pouvons rien ou presque, tout juste nous en remettre à un homme qui va s’opposer en notre nom.
Pourtant, notre histoire est pleine de luttes superbes, solidaires, ardentes, têtues et sans lesquelles l’avidité imbécile des patrons de Macron aurait fait de ce monde un petit tas de poussière. Il y a bientôt un demi-siècle, les murs disaient « l’imagination au pouvoir ». Une lutte formidable allait donner de la vie à ces mots. LIP. La lutte des LIP en 1973. Pour retrouver le goût des grandes bagarres, aujourd’hui à Besançon, nous rencontrons Charles PIAGET qui fut l’un des acteurs de cette histoire et qui, à 89 ans, continue le combat ici et maintenant.
journaliste : Daniel Mermet
réalisation : Sylvain Richard et Khỏi Nguyen