HIROSHIMA : "Nous avons intérêt à gagner, sinon nous serons condamnés pour crime de guerre"

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La président Obama à Hiroshima, vendredi 27 mai 2016

Obama à Hiroshima, 71 ans après. Premier président américain à se rendre à Hiroshima, mais pas d’excuse politique, ce qui ne déplaît pas aux conservateurs japonais qui eux aussi révisent l’Histoire à leur façon, et préfèrent oublier le passé militariste du Japon, la colonisation barbare des pays alentour ou les 300 000 victimes du massacre de Nankin (1937).

L’explosion de la première bombe atomique allait déclencher la course éperdue à l’arme atomique et à "l’équilibre de la terreur". Barack Obama, qui prêche la réduction des ogives nucléaires, est le président du pays le plus nucléarisé au monde. Retour à Hiroshima dans les reportages de LÀ-BAS.


L'annonce de la reddition du Japon aux Etats-Unis (document muet)
par Là-bas si j'y suis

Au printemps 1945, avant Hiroshima, une soixantaine de villes japonaises ont été bombardées par des bombes incendiaires au napalm, faisant des centaines de milliers de victimes. Dans la seule nuit du 10 mars 1945, 125 000 civils furent tués dans le bombardement de Tokyo.

À la tête de ces opérations, le général d’armée Curtis LeMay, qui s’était donné comme but de « ramener le Japon à l’âge de pierre », déclarait : « Nous avons intérêt à gagner, sinon nous serons condamnés pour crime de guerre. » Son pays a gagné et comme toujours c’est le vainqueur qui a raconté l’Histoire. La capitulation du Japon qui a suivi les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki a entraîné des scènes de liesse formidable aux États-Unis. La presse a salué la prouesse scientifique, Le Monde du 08 août 1945 annonçait « une révolution scientifique ».

Une du Monde, 8 août 1945

Mais il y eut aussi des voix discordantes, comme celle d’Albert Camus dans son éditorial du 08 août 1945 dans Combat :

« Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »

Aujourd’hui, selon une enquête du Pew Research Center, encore 56% des États-uniens considèrent que « les bombardements étaient justifiés ». En forçant le Japon à capituler, la bombe atomique permettait d’épargner les vies de milliers de soldats américains. Combien ? 500 000 ?

La bombe, c’était la fin de la guerre. En somme, la bombe atomique c’est la paix. D’autres arguments furent avancés dont la lutte contre l’autre ennemi, l’URSS, qui s’apprêtait à prendre le contrôle de la région. La polémique persiste aujourd’hui, même si selon la même enquête, 40% des jeunes Américains de 18 à 29 ans ignorent tout sur Hiroshima.

Dans ses mémoires, le général Dwight Eisenhower, ancien président des États-Unis, fait part, dit-il, « de la gravité de mes doutes. D’abord sur la base de ma conviction que le Japon était déjà battu, et donc que l’utilisation de la bombe était complètement inutile. Ensuite, parce que je pensais que notre pays devait éviter de choquer l’opinion mondiale en utilisant une arme qui, à mon avis, n’était plus indispensable pour sauver des vies américaines. »

De la même manière, le chef d’état-major, l’amiral William Leahy, un partisan du New Deal, écrivit : « Les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. L’usage de cette arme barbare à Hiroshima et à Nagasaki n’a apporté aucune contribution matérielle à notre combat contre le Japon. Les États-Unis, poursuivit-il, en tant que premier pays à utiliser cette bombe, ont adopté des normes éthiques semblables à celles des barbares du haut Moyen-Âge. » (Le Monde Diplomatique, août 1990.)

En combattant le mal par le mal, les États-Unis se mettaient sur le même plan que les dictatures qu’ils combattaient. Pour celui qui avait pris l’ultime décision, le président Harry Truman, c’était « la plus grande chose de l’Histoire. »

Rencontre avec ces HIBAKUSHAS, les derniers survivants qui furent très longtemps relégués et stigmatisés au Japon. Ce jour-là, ils étaient enfant ou adolescent. Ils étaient près de ou à Hiroshima même. Ils ont vu le soleil tomber, et se souviennent.

Daniel MERMET
Une série de trois reportages de Daniel MERMET et Giv ANQUETIL à Hiroshima (mai 2011) :
Hiroshima (1) [17 mai 2011]
Reportage - Depuis la naissance du monde, l’homme a eu peur de la fin du monde, mais le 6 aout 1945, pour la première fois, l’humanité est devenue capable de se détruire elle-même.
Là-bas si j’y suis

« Le ciel bleu d’août brillait sans un nuage. À une altitude extraordinaire, un bombardier B-29 apparut, étincelant comme l’argent. Il semblait voler très lentement, en direction d’Hiroshima. [...] À cet instant, un éclair éblouissant me frappa à la face et me transperça les yeux. Une chaleur violente s’abattit sur mon visage et mes bras. En un instant, je me retrouvai au sol, le visage dans les mains, essayant instinctivement de fuir au-dehors. Je pensais y trouver des flammes, mais je ne vis que le ciel bleu entre mes doigts. Les feuilles ne bougeaient pas d’un pouce. Je regardai alors en direction d’Hiroshima. »

Extrait de Little boy, récits des jours d’Hiroshima, du Docteur Shuntaro Hida(lecture : Yuki Tahata

Programmation musicale :
 Robert Wyatt : Foreign

L’après-midi du 6 août, à à 300m de l’hypercentre. (Dessin : Kenichi Nakano)

Hiroshima (2) [18 mai 2011]
Reportage - Depuis la naissance du monde, l’homme a eu peur de la fin du monde, mais le 6 aout 1945, pour la première fois, l’humanité est devenue capable de se détruire elle-même.
Là-bas si j’y suis

« Une colonne de flammes jaillissait. Sa tête se masquait sous un nuage énorme. Elle s’éleva de plus en plus haut dans le ciel, comme si elle voulait franchir le firmament lui-même. Soudainement, un frisson me parcourut le dos et une peur étrange m’envahit. "Qu’est-ce que c’est ? A quoi suis-je en train d’assister ? " J’avais devant les yeux un phénomène inconnu, un événement inédit, et toute l’expérience des mes vingt-huit années d’existence ne m’était d’aucun secours. »

Extrait de Little boy, récits des jours d’Hiroshima, du Docteur Shuntaro Hida

Programmation musicale :
 Charles Mingus : Oh Lord don’t let them drop that atomic bomb

Une mère court avec son enfant. Le 7 août, 8h du matin, à 1 km de l’hypercentre (dessin : Yasuko Yamagata)

Hiroshima (3) [19 mai 2011]
Reportage - Depuis la naissance du monde, l’homme a eu peur de la fin du monde, mais le 6 aout 1945, pour la première fois, l’humanité est devenue capable de se détruire elle-même.
Là-bas si j’y suis

« Pour la seconde fois, l’obscurité est tombée et il me semble que moi-même je passe la porte de la nuit. Peu à peu ma capacité de ressentir l’immensité du désastre s’est émoussée. On s’habitue à tout, même à l’horreur. A la fin du deuxième jour, nous les survivants d’Hiroshima, nous nous sentons déjà chez nous dans cet empire du chaos et du désespoir. »

Extrait de Hiroshima, 54 jours d’enfer, journal du Dr Michihiko Hachiya

Programmation musicale :
 Ishiji Asada : No More Atomic Bombs
 Fukushima Dub : Decontamination Mix
 Sons of the pioneers : Old Man Atom

Scène de désastre à Hiroshima (dessin : Genzaburo Oka)


Nouvelle version d’une série de reportages de Là- bas si j’y suis au Japon diffusés les 17, 18 et 19 mai 2011.

Marie GALL attend vos messages sur le répondeur de Là-bas si j’y suis au 01 85 08 37 37.

reportages : Daniel MERMET et Giv ANQUETIL
traduction : Atsuko USHIODA et Yuriko NISHININAKA
lecture de Little boy : Yuki TAHATA
réalisation : Khoï N’GUYEN et Franck HADERER

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.