Après chaque massacre, la crainte d’une limitation sur les armes pousse les clients chez les marchands d’armes et dans les stands de tir. Un jour chez CLARK’S GUN SHOP. Reportage radio 2004. PODCAST

GOD BLESS GUNS ! Que Dieu bénisse les armes ...

Le

Cet article est en accès libre grâce aux abonnés modestes et géniaux, mais…

…sans publicité ni actionnaires, Là-bas si j’y suis est uniquement financé par les abonnements. Sans les abonnés, il ne nous serait pas possible de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre indépendance  : rejoignez-nous  !

Je m'abonne J'offre un abonnement

Samedi, il y aura du monde chez CLARK’S GUN SHOP. Chaque tuerie de masse réjouit les marchands d’armes aux États-Unis. Le 24 mai, à Ulvade, au Texas, 19 écoliers et deux enseignantes ont été assassinés à bout portant par un tueur de 18 ans. Il venait de s’offrir un flingue pour son anniversaire justement, une arme de type militaire. Après chaque massacre, la question de la restriction des armes est posée et la crainte de la confiscation fait grimper les ventes, on a assisté à des achats records dans la peur d’un durcissement des lois au temps d’OBAMA. Mais la National Rifle Association (NRA) veille, le puissant lobby des armes finance grassement les partis politiques, surtout les Républicains. D’ailleurs ce vendredi, trois jours après la tuerie, à Houston, dans ce même état du Texas, le NRA tient son congrès annuel. 55000 visiteurs sont attendus et Donald TRUMP lui même prendra la parole. Les manifestants anti-arme seront là aussi mais quelle arme face aux armes ? GOD BLESS GUNS !

Un reportage de Daniel Mermet et Giv Anquetil, diffusé une première fois sur France Inter le 29 octobre 2004.

[RADIO] God bless guns ! Dieu bénit les armes ! [29 octobre 2004]

Un homme inspecte les fusils Benelli au congrès annuel de la National Rifle Association (NRA), en 2012 à Saint-Louis, Missouri (photo : Whitney Curtis/GETTY IMAGES)

Une tuerie parmi les 222 fusillades depuis le début de l’année aux États-Unis. Jamais l’Amérique n’a connu autant de meurtres de masse, jamais il n’y a eu autant d’armes aussi facilement accessibles. Sur le net, sans aucun contrôle, vous pouvez acheter des armes de guerre à monter vous-même facilement. Un business florissant. 12 000 entreprises fabriquent des armes, 140 millions ont été fabriquées dans les 20 dernières années.

Deux images s’opposent aujourd’hui. D’un côté les visages des 19 gosses assassinés dans leur classe avec leurs deux enseignantes, Irma et Eva. De l’autre côté trois lettres, NRA, National Rifle Association, le plus puissant groupe de pression au monde, 5 millions de membres, une chaîne de télé, 300 millions de dollars de budget qui servent à financer les campagnes électorales, surtout côté républicain. Donald Trump a reçu des dizaines de millions de la NRA, 31,2 millions de dollars selon Le Monde [1].

Pour la NRA, le problème n’est pas la prolifération des armes, bien au contraire. Il faut s’armer d’avantage contre ces tueurs de masse. Et ne croyez pas que la facilité d’avoir une arme facilite ces crimes. Pas du tout. Trois jours après ce massacre, à Houston dans ce même état du Texas, la NRA tient son congrès annuel avec Donald TRUMP en invité vedette. On va prier pour les victimes et affirmer que ces criminels sont des malades mentaux, il faut au contraire augmenter les armes pour les neutraliser et protéger les braves gens. Le deuxième amendement est sacré, liberté d’abord !

Cette liberté-là est celle des libertariens. Quand on tape ce mot, la correction automatique écrit « libertaire ». Il faut insister pour écrire « libertarien ». Il y a une cloison parfois bien mince entre libertaire et libertarien. Le libertarien, c’est le libertaire moins le social. C’est le moi je, c’est le « moi-ma-gueule ». C’est la liberté de la propriété privée, de l’entreprise privée, le refus de toute assistance de l’État, et d’abord et avantout, c’est la liberté de porter des armes. C’est la loi du plus fort et du plus malin, c’est le principe de base du néolibéralisme qui s’est répandu depuis bientôt quarante ans sur ce pauvre monde.

Chaque tuerie de masse réjouit les marchands d’armes aux États-Unis. Après chaque massacre, la question de la restriction est posée et la crainte de la confiscation fait grimper les ventes, on a assisté à des achats records dans la peur d’un durcissement des lois au temps d’OBAMA, mais beaucoup moins, c’est vrai, avec Donald TRUMP, chaud partisan des armes à feu qui disait, parlant de ses deux fils : « ils ont tellement de fusils et d’armes, parfois même moi ça m’inquiète un peu. »

D’ailleurs, Donald TRUMP l’avait dit à la NRA : « vous avez un vrai ami à la Maison-Blanche. » Aux États-Unis, vous avez bien peu de chance d’être élu si vous contestez la NRA. Pour la majorité des Américains, avoir une arme, c’est la démocratie, le symbole même de la liberté. On ne manque jamais de vous répéter le deuxième amendement de la Constitution : « une milice régulée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple à détenir et à porter une arme ne doit pas être enfreint. »

Si vous doutez encore, on vous dira qu’en démocratie, le pouvoir ne peut pas détenir seul le monopole de la violence. Si vous insistez encore, on vous citera (peut-être) Robespierre, le 08 mai 1793 : « que des foyers s’élèvent sur les places publiques où l’on fabriquera des armes pour armer le peuple. » On vous dira que la détention d’armes garantit la démocratie : « si un tyran voulait prendre le pouvoir, nous serions 200 millions à prendre les armes. » Et si vous insistez encore, on vous fera chanter la Marseillaise : « aux armes, citoyens ! »

En fin de mandat, Barack OBAMA avait osé passer un décret visant à interdire la possession d’armes à feu aux personnes souffrant de troubles mentaux. Mais Donald TRUMP à peine élu, le Sénat a voté l’abrogation du décret OBAMA. À nouveau, comme tout le monde, les malades mentaux peuvent avoir des armes et tirer. On estime leur nombre à 75 000.

Alors ce week-end, bienvenue chez CLARK’S GUN SHOP. Se payer un nouveau flingue ou deux, passer la journée à tirer avec des petits ou des gros calibres, ça vous tente évidemment. Chez CLARK, il y a tout ce que vous voulez. Venez seul ou entre amis, amenez vos enfants, apprenez leur à tirer, offrez-vous des flingues en amoureux pour la Saint-Valentin, amenez votre vieille maman pour qu’elle s’entraîne, et vous, montrez un peu ce que vous savez faire, les gars, ici il y a toutes les armes de guerre que vous voulez, ici c’est l’Amérique, la vraie. !

D.M.

Programmation musicale :
- Mike Ladd : God Blessed the Infesticons
- Kiss : Love Gun

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

SPECIAL GRAND REPORTAGE RADIO (56’54) LA LONGUE MARCHE DES "DJIHADISTES VERTS" AbonnésÉcouter

Le , par L’équipe de Là-bas

Ils sont partis à pied de la ZAD d’Agen pour venir dénoncer l’hypocrisie de la COP 21 à Paris. Qui sont ces "zadistes" qualifiés de "djihadistes verts" lors de la mort de Rémi Fraisse ?

Écolos radicaux et donc anticapitalistes, ils veulent un monde différent (...)

Reportage : Anaëlle Verzaux
Réalisation : Jérôme Chelius

Une nouvelle série de reportages en 18 épisodes À qui voulez-vous casser la gueule ? [L’INTÉGRALE] AbonnésÉcouter

Le

Bien sûr, on est contre la violence, bien sûr, la violence, c’est pas bien. Pourtant, les « gilets jaunes » ont montré qu’en politique, il ne restait guère que la violence pour se faire entendre et malgré ça, les Français continuent de les soutenir. Et vous, à qui voudriez-vous casser la gueule ? Macron, bien sûr ! Mais sinon ? Votre chef, votre mari, votre prof ou qui encore ?

Chacun a en soi un bourgeois qui sommeille François Bégaudeau : « Je rêverais qu’une assemblée populaire administre France Inter » AbonnésVoir

Le

Je suis un bourgeois et j’en suis fier. Personne ne dit une chose pareille. Le bourgeois, c’est l’autre, le bobo, le faux-cul, le gras du bide. Et encore, ça se dit plus, bourgeois, c’est désuet. Depuis longtemps, le bourgeois a appris à se déguiser. Une casquette de pêcheur, une veste de paysan, un blue jean comme les ouvriers. Il a entonné des discours indignés et révoltés contre le mal, contre le fascisme et contre les cons. C’est un libertaire, le bourgeois. Contre l’impôt, contre le voile, contre les flux migratoires incontrôlés. Il proclame la révolution. C’est le titre du livre d’Emmanuel Macron, RÉVOLUTION. Il est progressiste aussi. Le mouvement qui soutient Macron se proclame « progressiste ».