Comment ça c’est passé du côté psychiatrique ? On s’en doute, angoisse et enfermement forcé ont entraîné délires et « pétages de plomb ». Les urgences psychiatriques ont vu arriver des crises inconnues jusque-là. En France, selon Santé publique France, le sentiment d’anxiété est passé de 13,5 % en mars 2017 à 26,7 % à la fin mars de cette année [1].
Parent pauvre de la médecine, la psychiatrie a vécu l’épidémie plus difficilement, et ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis 40 ans, le nombre de places en psychiatrie dans le secteur public a considérablement baissé, passant de 120 000 lits en 1980 à 41 000 en 2016. La psychiatrie est sous-financée depuis des décennies. Surpopulation, maltraitance, conditions indignes sont régulièrement dénoncées par les soignants et les patients. Mais au pays des premiers de cordée, on fait des économies sur ce qui se voit le moins, et le fou est un loser parmi d’autres. Pourtant, la psychiatrie concerne beaucoup de monde : un Français sur cinq est amené à consulter dans sa vie pour des difficultés d’ordre psychiatrique et on s’attend à beaucoup plus demain…
Le 27 mars dernier, Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, s’est fendue d’une lettre envoyée à M. Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, pour dire que « les informations en provenance des établissements spécialisés ainsi que des services de psychiatrie des hôpitaux généraux montrent que la situation faite à la psychiatrie est particulièrement préoccupante » et « que dans plusieurs régions, la répartition des masques, solutions hydroalcoolique et kits de dépistage entre les établissements de santé ne prévoit délibérément aucune attribution à la psychiatrie [2] ». Délibérément…
Malgré ces difficultés et ces manques de moyens, les soignants ont réussi a protéger les patients et à faire face aux cas des nouveaux arrivants. Durant quelques semaines, le soin est passé avant la gestion financière. Comme pour l’hôpital public en général, la crise sanitaire aura permis de démontrer cette évidence et le pire serait le retour en arrière. La santé n’a pas de prix. Cette lutte nous concerne tous.
Pour comprendre comment les soignants et les patients en psychiatrie ont vécu l’épidémie, nous avons joint :
– le Dr Vassal, psychiatre à l’hôpital de Ville-Évrard (Neuilly-sur-Marne)
– le Dr Chemla, psychiatre au centre Antonin Artaud (Reims)
– Fred, patient du centre Antonin Artaud
– la Dre Klifa, psychiatre en lutte au centre hospitalier Le Vinatier