En célébrant la Commune de Paris, on célèbre le débordant Gustave Courbet, impliqué dans la destruction de la colonne Vendôme, le 16 mai 1871. La foule immense applaudissait et chantait, dit-on, des chants internationalistes. Tirée par des câbles, la colonne finit par tomber et se fracasser sur un immense tas de fumier et d’excréments, qu’on avait symboliquement préparé. Courbet fut tenu pour responsable et condamné à la prison puis à une amende si exorbitante qu’il ne parvint jamais à la payer. Poursuivi, il s’exila en Suisse où il mourut bientôt, malade et déchu.
Si sa mémoire est associée à la chute de cet énorme phallus impérial, on lui doit aussi, comme une réponse, la représentation la plus emblématique du sexe féminin, L’Origine du monde, peinte en 1866. Depuis son entrée au musée d’Orsay en 1995, cette peinture est devenue aussi fameuse que la Joconde, de l’autre côté de la Seine. Si, cent fois par jour, devant Courbet, les visiteurs font observer que "c’est là une femme sans tête", qui songerait à critiquer Léonard pour n’avoir pas représenté le sexe et les pilosités de sa Joconde ? Les psychanalystes et les facétieux feront observer qu’on peut voir là deux bouches et deux fins sourires qui se ressemblent, l’un avec les lèvres horizontales et l’autre avec une bouche verticale.
Et d’ailleurs, depuis, on a trouvé la tête de la femme sans tête. En septembre 2018, un chercheur, Claude Shopp, a découvert par hasard le visage et le nom de cette femme. Constance Quéniaux, danseuse et prostituée de luxe, l’une des maîtresses du commanditaire du tableau, le riche diplomate ottoman Khalil Bey, qui avait voulu cette peinture pour sa délectation personnelle. Est-ce lui ou bien Constance elle-même qui n’a pas souhaité que son visage fut représenté et reconnu ? Ou bien une volonté de Courbet pour augmenter la fascinante puissance, secrète et sacrée de ce qu’une sublime faute d’orthographe faisait écrire le « fruit des fendues » ?
On sait comment la toile s’est retrouvée ensuite chez le psychanalyste Jacques Lacan, protégée des regards par un panneau de bois. Depuis plus d’un quart de siècle, la voici offerte à tout les yeux du monde. Et qu’en disent-ils, ces regardeurs ? C’est ce que nous avions voulu savoir. Avec patience et respect, Laetitia Cherel avait cueilli une superbe variété de commentaires et de réactions. La peinture est un art muet, mais pas toujours.
Programmation musicale :
– Georges Brassens : Le blason
– Dora Lou : Les grenouilles
– Miriam Makeba : Congo
– Zap Mama : Mamadit
réalisation : Lauranne Thomas

Gustave Courbet, Autoportrait à Sainte-Pélagie,1872, Ornans, musée Courbet.
L’illustre illustrateur de la semaine, c’est donc le camarade Gustave. Quelques peintures sur le millier qu’il a laissé, un choix très sélectif, avouons-le.
L’une des fonctions de l’art, et peut-être sa seule et unique fonction, c’est de permettre de montrer des choses monstrueuses, terrifiantes, immorales ou parfaitement libidineuses sans être accusé de voyeurisme ou de plaisirs morbides. Vous pouvez laisser votre libido caresser les fesses des statues, pincer des mamelons pointus, pénétrer des replis ombreux, torturer sadiquement des innocents, chevaucher un phallus en gloire ou repérer ces gouttes d’écume de mer spermatique sur les seins d’une ingénue comme dans une toile que vous trouverez parmi celles que voici. Embonpoint heureux, chairs satisfaites, abandons propices, oui, Courbet fut un bon vivant et son client bourgeois aimait se rincer l’œil. Mais qui a dit que le bourgeois pouvait être chose qu’un éternel Tartuffe et que le révolutionnaire devait être chaste et ennuyeux ? Pas Courbet. En voici quelques preuves.

Gustave Courbet, Le Sommeil, huile sur toile,135 × 200 cm, Petit Palais, Paris
Gustave Courbet, Le réveil, 1866, huile sur toile, 77 x 100 cm, musée des Beaux arts, Berne
Gustave Courbet, Les Demoiselles des bords de la Seine (été), 1856-1857, huile sur toile, 174 × 206 cm, Petit Palais, Paris
Gustave Courbet, La Femme aux bas blancs, 1864, huile sur toile, 65 x 81 cm, Fondation Barnes, Philadelphie
Gustave Courbet, Le Rêve ou Vénus et Psyché, 1864, huile sur toile, 145 x 195 cm (photographie de l’œuvre qui est perdue)
Gustave Courbet, Le hamac, 1844, huile sur toile, 97 × 70 cm, collection Oskar Reinhart « am Römerholz », Winterthour
Gustave Courbet, Les Baigneuses, 1853, huile sur toile, 227 × 193 cm, musée Fabre, Montpellier
Gustave Courbet, Baigneuses, dit aussi Deux femmes nues, 1858, huile sur toile, 115,4 x 155,5 cm, musée d’Orsay, Paris
Gustave Courbet, Les Trois Baigneuses, vers 1868, huile sur papier, marouflée sur toile, 126 × 95 cm, Petit Palais, Paris
Gustave Courbet, La Source, 1862, huile sur toile, 120 x 74.3 cm, Metropolitan Museum of Art, New York
Gustave Courbet, Femme à la vague, 1868, huile sur toile, 65.4 x 54 cm, Metropolitan Museum of Art, New York