Second volet du reportage de Gaylord Van Wymeersch

Brésil : la dictature néolibérale est possible (2/2) Abonnés

1

Le

Le candidat d’extrême droite, Jair Bolsonaro, est arrivé en tête au premier tour de l’élection présidentielle avec 46,06 % des voix

Second volet du reportage de Gaylord Van Wymeersch.

L’histoire sociale du Brésil est riche de ces combats qui ont fait les démocraties d’Amérique latine. Émancipation des minorités, noires et indiennes, bataille pour les droits sociaux, résistances à la dictature militaire dans les 1970-1980, mouvement social des années 2000 et aujourd’hui luttes écologistes d’avant-garde en Amazonie.

De ces combats, il en est un qui est particulièrement singulier, parce qu’aussi puissant que vaste et déterminé, le Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre (MST) : des paysans pauvres obligés de fuir leurs terres pour les villes depuis plus d’un demi-siècle, et qui s’organisent maintenant depuis près de 30 ans pour pouvoir la cultiver à nouveau. La question de l’accès au foncier et la réforme agraire au point mort au Brésil en ont fait une lutte déterminante, férocement réprimée par les grands propriétaire terriens et l’agro-industrie.

Selon l’ONG Global Witness, 207 militants écologistes, défenseurs des droits des peuples, de la terre ou de la forêt ont été assassinés au Brésil entre 2010 et 2015. Soixante-et-un pour la seule année 2016 par les milices engagées par les grands propriétaires terriens [1].

C’est avec tout cela que Jair Bolsonaro propose aux Brésiliens d’en finir définitivement. Celui qui propose de liquider indistinctement les « marginaux », les « bandits », les « dealers », les « communistes », les indigènes et les « terroristes » du Mouvement des sans-terre obtiendrait 57 % des voix au second tour dimanche, si l’on se fie aux derniers sondages.

200 000 personnes emprisonnées, plusieurs dizaines de milliers torturées et 450 morts ou disparus sous la dictature militaire de 1964-1985 : le Brésil n’a jamais fait le travail de démantèlement de ses années de plomb. Ses institutions, une partie de sa classe politique, son armée en sont aujourd’hui les héritiers, nostalgiques du bruit des bottes. Et Bolsonaro en est le nom dans sa version 2018. Celle d’un libéralisme autoritaire qui arrive au pouvoir par un « coup d’État en douceur », comme le dit Noam Chomsky [2].

Gaylord Van Wymeersch

« Ordre et ? Liberté. Progrès. »(illustration : Gontran Guanaes Netto)

Merci à Rebeca du comité Lula Livre, merci au Collectif Alerte France Brésil, à Autres Brésils, ainsi qu’à João, Marilisa, Rosangela, Maria José Malheiros et Aline Piva.

Merci aussi à Dominique, Jean-Jacques Kourliandsky, Maud Chirio et Christophe Ventura.

Programmation musicale :
 Zélia Barbosa : Funeral do lavrador
 Chico Buarque : Apesar De Você

Abonnez-vous pour accéder à tous nos contenus, c’est très simple !

Depuis 1989 à la radio, Là-bas si j’y suis se développe avec succès aujourd’hui sur le net. En vous abonnant vous soutenez une manière de voir, critique et indépendante. L’information a un prix, celui de se donner les moyens de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre travail. C’est aussi le prix de notre indépendance, pour ne pas être soumis financièrement aux annonceurs, aux subventions publiques ou aux pouvoirs financiers.

Je m'abonne J'offre un abonnement

Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

Le

La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

Le

« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

Le

Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.